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La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 avril 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, rapporteur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la cour de céans sous le n°033/2012/PC le 06
avril 2012 et formé par Maître Solo Paclio, Avocat à la cour, demeurant Avenue Lamblin, résidence MATCA, 04 BP 2227 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI, société anonyme dont le siège est Avenue Franchet d’Esperey, 01 BP 1298 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à Madame Donwahi épouse Koffi Illa Ginette, administratrice de société demeurant à Cocody, II Plateaux, 01 BP 2252 et à Monsieur Donwahi Alain Ahipaud, planteur demeurant à Abidjan Marcory résidentiel, 01 BP 2252 Abidjan 01,
en cassation de l’arrêt n°364 rendu le 24 décembre 2010 par la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;
Déclare les consorts Donwahi recevables en leur appel relevé du jugement n°1161
rendu le 17 avril 2008 par le tribunal de première instance d’Abidjan ; Les y dit bien fondés ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau ;
Déboute la BICICI de son action en recouvrement initiée sur le fondement de la
procédure d’injonction de payer ;
Condamne la BICICI aux dépens. » ; La requérante invoque à l’appui de son recours, les cinq moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
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Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que le 15 octobre 2007, la BICICI sollicitait
et obtenait une ordonnance faisant injonction à dame Donwahi épouse Koffi Illa Ginette et au sieur Donwahi Alain Richard Ahipaud, de lui payer la somme de 658 275 433 francs en principal outre les intérêts ; que l’opposition des débiteurs sera déclarée mal fondée par jugement du 17 avril 2008 ; que ce jugement sera infirmé par la cour d’appel d’Abidjan par l’arrêt susvisé dont pourvoi ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 52 du code Ivoirien de
procédure civile commerciale et administrative, relatif au principe du contradictoire. Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel d’avoir débouté la BICICI de son action
en recouvrement, en estimant que la preuve d’une délégation de pouvoir à Monsieur Dagnon Ghislain pour l’année 2005 n’a pas été rapportée ; que ce moyen a été relevé d’office par la cour sans qu’il ait été débattu par les parties ;
Attendu que l’article 52 alinéa 4 dont la violation est arguée est ainsi conçu : « le
tribunal pourra également sans modifier ni l’objet, ni la cause de la demande, inviter oralement ou par écrit, les parties à fournir, dans un délai fixé, les explications de droit ou de fait nécessaires à la solution du litige, aucun moyen même d’ordre public, non soulevé par les parties ne pourra être examiné sans que celles-ci aient été appelés à présenter leurs observations à cet égard… » ;
Attendu qu’il appert de l’examen des pièces du dossier que les appelants avaient
soulevé un moyen relatif à la représentativité de Monsieur Dagnon en ce que d’une part, aucune référence n’était faite dans l’acte de cautionnement de la délégation de pouvoir et que, d’autre part, au moment de la signature de l’acte de cautionnement, sa fonction n’était plus celle qu’il occupait au moment de la délégation ; que donc dans les conclusions d’appel le moyen relatif à la validité du mandat durant l’année 2005, n’avait pas été soulevé ; qu’en se servant de ce moyen sans le soumettre à débats, pour infirmer le jugement querellé, la cour a de manière manifeste violé l’article 52 visé , qu’il échet donc de casser l’arrêt déféré et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que par exploit en date du 13 mai 2008, la dame Donwahi épouse Koffi Illa
Ginette et le sieur Donwahi Alain Richard Ahipaud, ont relevé appel du jugement n°1161 rendu le 17 avril 2008 par lequel le tribunal de première instance d’Abidjan qui les a déclarés mal fondés en leur opposition contre une ordonnance d’injonction de payer les condamnant à payer solidairement à la BICICI la somme de 685 275 433 francs, outre les intérêts et frais ;
Attendu qu’au soutien de l’appel, ils exposent que la requête soutenant l’ordonnance
était irrecevable en ce qu’elle ne comportait pas leur profession ; que si profession et fonction sont deux notions voisines, elles sont bien distinctes en ce que la profession relève d’une formation et la fonction d’une nomination ; que non seulement l’acte de délégation n’a pas été mentionné dans l’acte de cautionnement mais aussi qu’au moment où Monsieur Dagnon signait l’acte de cautionnement il occupait le poste de responsable des financements spécialisés qui est différent de celui figurant dans l’acte de délégation produit où il est mentionné qu’il occupe les fonctions de responsable de la clientèle entreprise de la succursale d’Abidjan ; que la BICICI a violé les dispositions des articles 13 et 15 de l’Acte uniforme
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portant sur les sûretés en ne leur adressant pas de mise ne demeure et en ne mettant pas en cause sa débitrice, la société Delbeau ; que subsidiairement, ils se sont portés caution solidaire pour la somme maximale de 400.000.000 francs et que la société Delbeau s’est acquittée de la somme de 105 000 000 francs qui doit être déduite ; qu’ils sollicitent donc l’infirmation du jugement entrepris ;
Attendu qu’en réplique, la BICICI a d’abord conclu à l’irrecevabilité de l’appel en ce
que l’acte ne contient ni le numéro du jugement, ni le dispositif ; qu’ensuite sur le fond, les pièces d’identité des intéressés mentionnent bien qu’ils ont pour profession, directeur de société ; que mandat a été donné à Monsieur Dagnon conformément aux articles 465 et 472 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales ; que la procédure de règlement préventif tend à éviter la cessation des paiements et a pour conséquence de suspendre toutes les poursuites individuelles et alors les exceptions appartenant au débiteur ne peuvent être opposées au créancier par la caution que si elles sont inhérentes à la dette et tendent à la réduire, l’éteindre ou la différer ; qu’en tout état de cause de telles exceptions ne sont pas opposables au créancier par la caution ou le certificateur de caution lorsqu’il s’agit de remises consenties au débiteur dans le cadre des procédures collectives d’apurement du passif ;
Sur la recevabilité de l’appel Attendu que contrairement aux affirmations de la BICICI, l’article 164 du code de
procédure civile commerciale et administrative qui énonce les conditions que doit remplir l’acte d’appel n’exige ni la mention du numéro de la décision, ni celle du dispositif ; que ledit acte contient les mentions obligatoires que sont l’indication de la juridiction qui a statué, la date du jugement ainsi que les noms et les adresses des parties intimées ; qu’il y a donc lieu de dire que l’appel est recevable ;
Sur la recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer. Attendu que les consorts Donwahi ont conclu à l’irrecevabilité de cette requête aux
motifs qu’elle ne contient pas leur profession ; Mais attendu qu’en passant les différents contrats en 2005 les appelants étaient
détenteurs de pièces d’identité portant qu’ils exerçaient la profession de directeur de société ; que la requête contenant cette mention est recevable, le distinguo entre fonction et profession étant vain ;
Sur la nullité des actes de cautionnement. Attendu que contrairement aux prétentions des appelants, la délégation de pouvoirs ne
viole nullement les articles 472 et 465, le président directeur général étant investi des pouvoirs les plus étendus ;
Sur la demande de rétractation tirée de l’existence d’une ordonnance de
suspension de poursuites individuelles. Attendu qu’il résulte des termes de l’article 18 de l’Acte uniforme portant organisation
des sûretés, que les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur sont opposables au créancier par la caution, si elles sont inhérentes à la dette et tendent à la réduire, l’éteindre ou la différer ; que tel n’est pas le cas lorsque la prorogation du terme a une source
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légale du fait de l’ouverture d’une procédure collective, qu’il y a lieu de dire que la suspension des poursuites ne profite pas aux consorts Donwahi ;
Sur la réclamation Attendu que la BICICI réclame la somme de 685 275 433 francs ; que cette
réclamation n’est pas utilement contestée sur la base de reçus de paiement ; qu’il échet d’y faire droit ;
Attendu que le jugement entrepris relève d’une bonne application de la loi, qu’il y a
lieu de le confirmer ; Attendu que les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré ; Casse l’arrêt n°364 rendu le 24 décembre 2010 par la cour d’appel d’Abidjan ; Evoquant et statuant au fond : Déclare l’appel recevable ; Confirme le jugement n°1161 rendu le 17 avril 2008 par le tribunal de première
instance d’Abidjan ; Condamne la dame Donwahi épouse Koffi Illa Ginette et le sieur Donwahi Alain
Richard Ahipaud aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier