La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 avril 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la cour de céans le 23 août 2011 sous le
n°070/2011/PC et formé par la société d’Avocats Moise-Bazié, Koyo & Assa Akoh, Avocats à la cour, demeurant à Abidjan, Vieux Cocody, Rue B 15, N°8 (Clinique GOCI), 08 BP 1942 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) , SA dont le siège social sis au 5 et 7, avenue Joseph Anoma, 01 BP 1355
2
Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à la Société Civile Immobilière Rue des Pêcheurs dont le siège social est à Abidjan Treichville 3, Zone portuaire, Immeuble Rue des Pêcheurs, 01 BP 3689 Abidjan 01, ayant pour Conseil la SCPA Paris Village, Avocats à la cour, sise à Abidjan Plateau, 11, Rue Paris Village, 01 BP 5796 Abidjan 01
en cassation de l’arrêt n°255/CIV 5/B, rendu le 26 mai 2011 par la cour d’appel
d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; En la forme :
- Déclare la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire recevable en son appel ;
Au fond :
- L’y dit mal fondé ; l’en déboute ;
- Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé n°135 du 27 janvier 2011 ;
- Laisse les dépens à la charge de l’appelante. » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de
cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en garantie d’un crédit accordé à la société CATRANS, la SCI Rue des Pêcheurs a constitué au profit de la SGBCI, créancière, une hypothèque sur son immeuble objet du titre foncier n°2819, par acte notarié en date des 16 mars et 06 avril 2001 ; que, le 31 décembre 2008, suite à la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de règlement préventif initiée par la SCI Rue des pêcheurs, le président du tribunal d’Abidjan a rendu une ordonnance suspendant les poursuites individuelles à son encontre ; que le 10 juin 2010, la SGBCI a fait inscrire l’hypothèque consentie à son profit par la SCI Rue des pêcheurs en 2001 ; que, sur saisine de la SCI, le juge des référés ordonna la radiation de cette inscription, décision confirmée par l’arrêt n°255/CIV 5/B, rendu le 26 mai 2011 par la cour d’appel d’Abidjan dont pourvoi ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
3
Attendu que la SGBCI reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article visé au moyen, en ce qu’il a retenu que, nonobstant la non insertion de la créance de la SGBCI dans la requête, la suspension des poursuites lui est opposable et qu’elle ne peut valablement inscrire sa garantie après la publication de l’ordonnance alors, selon le moyen, qu’aux termes de la loi, la suspension des poursuites individuelles ne concerne que le recouvrement des créances expressément visées par le débiteur dans sa requête ;
Attendu en effet qu’aux termes de l’article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la décision de suspension des poursuites individuelles ne suspend ou n’interdit que des actions tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et antérieurement à ladite décision ; que la suspension des poursuites n’est que le prélude à l’ouverture de la procédure de règlement préventif devant intervenir à la suite de l’homologation du concordat préventif ; qu’aux termes de l’article 18 de l’Acte uniforme précité, seule l’homologation dudit concordat rend celui-ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif ;
Attendu qu’il est constant que la créance de la SGBCI n’est pas désignée dans la requête introduite par la SCI Rue des pêcheurs aux fins d’ouverture du règlement préventif ; que, dès lors, la mesure de suspension des poursuites ne peut influer sur l’inscription de l’hypothèque convenue entre la SGBCI et la SCI en 2001 ; qu’en approuvant la radiation de l’inscription sur le fondement de la suspension des poursuites , la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 9 et fait encourir la cassation à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser le premier moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit en date du 02 mars 2011, la SGBCI relevait appel contre l’ordonnance de référé rendue le 27 janvier 2011 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan dans l’affaire l’opposant à la SCI Rue des Pêcheurs et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’exécution et en premier ressort ;
- Déclarons la société civile immobilière Rue des Pêcheurs recevable en son
action ;
- L’y disons partiellement fondée ;
- Ordonnons la radiation de l’inscription d’hypothèque conventionnelle prise le 10 juin 2010 sur le TF N°2819 de Bingerville, au profit de la SGBCI ;
- La déboutons du surplus de ses demandes ;
- Condamnons la SGBCI aux dépens » ;
Qu’au soutien de son appel, elle demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de dire et juger que la requête aux fins d’ouverture de la procédure de règlement préventif présentée par la SCI ne vise pas la créance de la SGBCI et de constater, par conséquent, que la suspension des poursuites ne lui est pas opposable ; qu’elle expose que pour garantir l’octroi d’un crédit sollicité par la société CATRANS, la SCI Rue des pêcheurs s’est portée caution hypothécaire par acte notarié en date des 16 mars et 06 avril
4
2001 ; qu’en vertu de cet acte, elle a fait inscrire une hypothèque sur le TF n°2819 le 10 juin 2010 ; que cependant, alors même que l’obligation garantie n’a point été exécutée par le débiteur principal, la SCI Rue des Pêcheurs a obtenu du juge des référés la radiation de son hypothèque ; que la suspension des poursuites dont bénéficie la SCI, invoquée pour justifier cette radiation, ne lui est pas opposable en ce sens que sa créance n’est pas désignée dans la requête aux fins d’ouverture du règlement préventif présentée par la SCI ; qu’elle sollicite, en application de l’article 9, alinéa 1, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, l’infirmation de l’ordonnance querellée et le débouté de la SCI Rue des Pêcheurs ;
Attendu que la SCI Rue des Pêcheurs, en réplique, explique qu’elle a été admise au bénéfice du règlement préventif par ordonnance n°09/2009 du 31 décembre 2008, publiée au journal officiel en février 2009 et que c’est seulement le 10 juin 2010 que la SGBCI a fait inscrire son hypothèque convenue neuf (9) ans plutôt ; que ladite ordonnance vise tous les créanciers, sans exception, et est donc opposable à la SGBCI qui a, par ailleurs, produit sa créance aux organes du règlement préventif ; qu’elle conclut à la confirmation de l’ordonnance de radiation de l’hypothèque ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier de la procédure qu’à la date de l’inscription, aucun concordat préventif n’était homologué par le tribunal d’Abidjan pour consacrer l’ouverture du règlement préventif ; qu’au stade de l’ordonnance de suspension des poursuites individuelles, seules les créances désignées dans la requête du débiteur bénéficiaire sont concernées par la mesure ; qu’ainsi, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tiré de la méconnaissance de l’articles 9, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance n°135, rendue le 27 janvier 2011 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de constater que la créance de la SGBCI n’est pas désignée dans la requête aux fins d’ouverture de la procédure de règlement préventif initiée par la SCI Rue des Pêcheurs et, qu’en conséquence, il n’y a pas lieu à radiation de l’inscription de l’hypothèque conventionnelle sur le TF n°2819 de la circonscription foncière de Bingerville ;
Attendu que la SCI Rue des Pêcheurs ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n°255/CIV 5/B, rendu le 26 mai 2011 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance n°135, rendu le 27 janvier 2011 par la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d’Abidjan ;
- constate que la créance de la SGBCI n’est pas désignée dans la requête aux fins d’ouverture de la procédure de règlement préventif initiée par la SCI Rue des Pêcheurs ;
5
- déboute la SCI Rue des Pêcheurs de sa requête tendant à la radiation de l’inscription de l’hypothèque conventionnelle sur le TF n°2819 de la circonscription foncière de Bingerville ;
- condamne la SCI Rue des Pêcheurs aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier