Il résulte des articles 473 et 426 de l’AUSCGIE que le mandataire social qui se prétend également titulaire d’un contrat de travail, doit démontrer que ledit contrat correspond à un emploi effectif. C’est donc à tort qu’une cour d’appel a retenu « qu’au soutien de son action, [le défendeur] a produit un contrat de travail qui n’a pas été annulé par une décision devenue définitive » pour conclure à l’existence d’un contrat de travail entre les parties. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat de travail excipé remplissait les conditions fixées par les dispositions susvisées, la cour d’appel a méconnu lesdits textes et exposé son arrêt à al cassation.
Une question tranchée par un arrêt de la CCJA entre les mêmes parties acquiert l’autorité de la chose jugée et ne saurait être à nouveau discutée.
Le refus de délivrer un certificat de travail par une société à son ancien directeur général cause à ce dernier un préjudice certain résultant, notamment, de l’impossibilité pour lui de justifier de son expérience professionnelle. Ce préjudice doit être réparé mais il convient de s’en tenir à la somme allouée par le premier juge au titre de dommage intérêts lorsqu’elle apparaît juste et fondée. ARTICLE 28 REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA CCJA ARTICLE 1 AUPSRVE ARTICLE 2 AUPSRVE ARTICLE 1142 CODE CIVIL (COTE D’IVOIRE) CCJA, 1ère ch., Arrêt n° 003/2015 du 12 février 2015 ; Pourvoi n° 092/2011/PC du 25 octobre 2011 : Banque Nationale d’Investissement dite BNI c/ AKOBE Georges Armand.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 12 février 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Mamadou DEME, Juge, rapporteur Djimasna N’DONINGAR, Juge
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et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 25 octobre 2011 sous le numéro 092/2011/PC et formé par la Banque Nationale d’Investissement dite BNI, société d’Etat ayant son siège social à Abidjan-Plateau, immeuble SCIAM, avenue Marchand, 01 BP 670 Abidjan 01, représentée par son Directeur Général, ayant pour conseil Maître OBENG-KOFI Fian, avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, demeurant à Abidjan-Plateau, 19 boulevard Angoulvant, Résidence Neuilly, 2ème étage, aile gauche, 01 BP 6514 Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à AKOBE Georges Armand, demeurant à Abidjan, Cocody Riviera IV Golf, rue AFFI, lot 238, 01 BP 2940 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître KAUDJHIS OFFOUMOU, Avocat à la Cour à Abidjan-Plateau, 8 boulevard Roume, 3 avenue Thomasset, immeuble Thomasset, 1er étage porte 102, 08 BP : 803 Abidjan 08,
en cassation de l’arrêt n°118 rendu le 29 juillet 2011 par la première chambre sociale
de la Cour d’Appel d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant: « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ; Reçoit la Banque Nationale d’Investissement dite BNI et monsieur Akobé Georges
Armand en leurs appels ; Dit BNI mal fondée et la déboute ; Déclare Akobé Georges Armand partiellement fondé et réforme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau Condamne la BNI à payer la somme de 75.000.000 FCFA à Akobé Georges Armand à
titre de dommages-intérêts pour non remise de certificat de travail ; Confirme le jugement pour le surplus. » ; La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels
qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique (OHADA) ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par arrêté du Ministre
de l’Economie et des Finances de la République de Côte d’Ivoire en date du 13 novembre 2001, il a été crée un comité de restructuration de la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA), société d’Etat ivoirienne ; que par délibération du 14 novembre 2001, le conseil d’administration de la CAA a nommé AKOBE Georges Armand en qualité de directeur général adjoint et fixé sa rémunération ; qu’un contrat de travail non daté a été également signé entre le susnommé et la CAA ; qu’en 2004, la restructuration de la CAA étant achevée, cette société est devenue la Banque Nationale d’Investissement, dite BNI, en vertu du décret
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n°2004/188 du 19 Février 2004; qu’à la suite d’une plainte pour détournement de fonds, le conseil d’administration de la banque a prononcé la révocation du sieur AKOBE de ses fonctions de directeur général adjoint ; que ce dernier, se prévalant du contrat de travail qu’il avait signé avec son employeur, a assigné celui-ci devant le tribunal du travail et obtenu sa condamnation au paiement de la somme de 50.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts pour non délivrance d’un certificat de travail ;
Attendu que sur l’appel de la BNI contre ce jugement, la Cour d’appel d’Abidjan a
rendu l’arrêt objet du pourvoi ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la loi, notamment des
articles 473 et 426 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
Vu les dispositions des articles 473 et 426 de l’Acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; Attendu qu’il résulte de ces textes que le mandataire social, qui se prétend également
titulaire d’un contrat de travail, doit démontrer que ledit contrat correspond à un empli effectif ;
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel d’avoir violé les textes susvisés, en
retenant l’existence d’un contrat de travail valide entre la BNI et AKOBE Georges Armand, mandataire social, sans rechercher si ce contrat de travail correspond à un emploi effectif ;
Attendu qu’il n’est pas discuté que sieur AKOBE, en sa qualité de directeur général
adjoint, était lié à la BNI par un mandat social ; Attendu que pour retenir l’existence d’un contrat de travail entre les parties, le juge
d’appel a simplement énoncé : « Considérant qu’au soutien de son action, AKOBE GEORGES ARMAND a produit un contrat de travail qui n’a pas été annulé par une décision devenue définitive » ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat de travail excipé par
AKOBE remplit les conditions fixées par les dispositions susvisées, la Cour d’appel a méconnu lesdits textes ;
Qu’il échet de casser l’arrêt et d’évoquer ; Sur l’évocation Attendu que la BNI et AKOBE Georges Armand ont tous deux formé appel contre le
jugement n°1094/CS2/2010 rendu le 28 juillet 2010 par le Tribunal du Travail d’Abidjan- Plateau, dont le dispositif est le suivant :
«Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en premier ressort ; Rejette l’exception d’incompétence ; Dit n’y avoir lieu à sursis à statuer ;
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Déclare l’action de Monsieur AKOBE Georges Armand recevable ; Met hors de cause Monsieur Victor Nembelesini Silué ; Dit Monsieur AKOBE Georges Armand partiellement fondé ; Condamne la Banque Nationale d’Investissement dite BNI à lui payer la somme de
50.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts pour non remise de certificat de travail ; Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire » ; Attendu qu’il échet de déclarer les appels recevables en la forme ; Au fond : Attendu qu’il résulte des écritures des parties et des pièces qu’elles produisent qu’à la
suite de son licenciement, AKOBE Georges Armand a d’abord saisi le Tribunal du Travail d’Abidjan en paiement de ses droits résultant du contrat de travail qu’il a signé avec la BNI, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; que la BNI a soulevé l’incompétence matérielle des juridictions sociales, en raison de l’inexistence entre les parties d’un contrat de travail valable ; que par le jugement n°185 rendu le 29 janvier 2009, le tribunal du travail a retenu sa compétence et alloué à AKOBE diverses sommes au titre de ses droits et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; que par arrêt n°132/09 du 27 juillet 2009, la Cour d’appel d’Abidjan a partiellement confirmé ce jugement ;
Attendu que AKOBE a par la suite saisi à nouveau le même Tribunal, pour solliciter la
condamnation de la BNI à lui payer la somme de 90.000.000 de francs à titre de dommages et intérêts pour non délivrance d’un certificat de travail ; que statuant sur cette demande, la tribunal a rendu le jugement n°1094/CS2/2010 du 28 juillet 2010, lequel a été confirmé par l’arrêt d’appel, objet de la présente procédure ;
Attendu qu’au soutien de son appel contre le jugement n°1094/CS2/2010, la BNI
expose que l’arrêt n°132/09 du 27 juillet 2009 de la Cour d’appel d’Abidjan susvisé, qui a confirmé le jugement n°185 du 29 janvier 2009 sur l’existence d’un contrat de travail régulier entre les parties et la compétence des juridictions du travail, a été l’objet de pourvois en cassation encore pendants devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ; qu’ainsi selon elle, la question relative à l’existence d’un contrat de travail régulier entre les parties n’est pas encore définitivement tranchée ; que cette question étant déterminante des mérites de la demande en paiement de dommages intérêts pour non délivrance d’un certificat de travail, elle conclut à l’infirmation du jugement et au rejet des prétentions de AKOBE ;
Attendu que ce dernier conclut quant à lui à l’infirmation partielle du jugement, à ce
que le montant des dommages intérêts soit porté à la somme de 90.000.000 de francs, et à la confirmation du jugement pour le surplus ;
Attendu que par arrêt n° 087/2012 du 4 décembre 2012, la Cour de céans a rejeté le
pourvoi formé par la BNI contre l’arrêt d’appel n°132/09 du 27 juillet 2009 ; que cet arrêt, rendu entre les mêmes parties, a ainsi acquis l’autorité de la chose jugée, notamment sur
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l’existence d’un contrat de travail régulier entre la BNI et AKOBE Georges Armand ; que cette question ne saurait être à nouveau discutée ;
Attendu, cela étant, que la non délivrance d’un certificat de travail par l’employeur n’a
pas été contestée ; que le refus de la BNI a causé à AKOBE un préjudice certain résultant, notamment, de l’impossibilité pour ce dernier de justifier de son expérience professionnelle ;
Attendu que la somme de 50.000.000 de francs allouée par le premier juge à titre de
dommages-intérêts apparaît juste et fondée ; Qu’il échet de confirmer le jugement entrepris ; Attendu que la BNI qui a succombé doit être condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Casse l’arrêt n°118 rendu le 29 juillet 2011 par la première chambre sociale de la Cour
d’Appel d’Abidjan ; Evoquant et statuant sur le fond, Confirme le jugement n°1094/CS2/2010 rendu le 28 juillet 2010 par le Tribunal du
Travail d’Abidjan-Plateau ; Condamne la BNI aux entiers dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier