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CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 143/2014 du 11 novembre 2014 ; Pourvoi n° 121/2013/ PC du 30 /09/ 2013 : Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE c/ La Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Libreville (Gabon) le 11 novembre 2014 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président Madame Flora DALMEIDA MELE, SecondVice-président, Rapporteur Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 septembre 2013 sous le
n°121/2013/PC et formé par la SCPA Aquereburu & Partners, Avocats au Barreau du Togo, Immeuble ALICE, 777, avenue Kléber Dadjo, BP 8989, Lomé-Togo et Maître Anatole Emmanuel NGIMBIS, Avocat au Barreau du Cameroun, 62 Place du Gouvernement à Douala , BP 12127, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE, résidant au 1 Wood Avenue, Suite 408, Westmount – QC H3Z 3C5, Montréal , Canada, dans la cause l’opposant à la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dont le siège social est situé à Douala Bonandjo , sur l’avenue Charles de Gaulle, BP 1925, représentée par son Directeur Général Adjoint, Monsieur ONDOA NKOU Innocent, ayant pour Conseils la SCPA MEMONG – ETEME & Associés, Avocats au Barreau du Cameroun, BP 12538, Yaoundé,
en cassation de l’Arrêt n°182/CIV rendu le 10 mai 2013 par la Cour d’appel du
centre Yaoundé et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile du contentieux, en appel, en collégialité et à l’unanimité des membres ;
En la forme
Reçoit l’appel ;
Au fond
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Condamne l’appelant aux dépens distraits au profit de la SCP MEMONG – ETEME & Associés, Avocats aux offres de droit ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
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Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-présidente ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure qu’en exécution de l’Ordonnance de
taxation d’honoraires n°103/PTGI/W/DLA du 22 novembre 2005, Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE a fait procéder à une saisie-attribution de créances entre les mains de la BICEC au préjudice de la Société HOSPITEX ; qu’estimant que la BICEC a fait des déclarations inexactes lors des opérations de saisie, le susnommé a, sur le fondement de l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, assigné en paiement des causes de la saisie , la BICEC par devant le Président du Tribunal de grande instance du MFOUNDI, statuant en matière de contentieux de l’exécution lequel a rendu le 12 août 2010, l’Ordonnance n°111/CC déclarant l’action de Henri Flavien LOE EYIKE, irrecevable en l’état pour consignation insuffisante ; que sur appel de ce dernier, la cour d’appel du centre à Yaoundé, statuant en contentieux de l’exécution, a par Arrêt n°182/CIV rendu le 10 mai 2013 dont pourvoi, confirmé l’ordonnance entreprise ;
Sur la compétence de la Cour de céans Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 27
janvier 2014, la BICEC a conclu à l’incompétence de la Cour de céans au motif que le pourvoi porte non pas sur des moyens fondés sur la mauvaise application ou interprétation d’un Acte uniforme ou Règlement au Traité OHADA mais plutôt sur des dispositions de droit interne d’un Etat membre ;
Mais attendu que selon l’article 14, aliéna 3 du Traité institutif de l’OHADA, lorsque la Cour est saisie par la voie du recours en cassation, elle se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a été rendu sur appel interjeté contre l’Ordonnance n°111/CC du 12 août 2010 du juge du contentieux de l’exécution déclarant comme irrecevable pour insuffisance de consignation, l’action de Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE tendant à la condamnation de la BICEC au paiement des causes d’une saisie- attribution pour déclarations inexactes ; que l’affaire relevant d’une procédure d’exécution forcée soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme notamment celui portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que la compétence de la Cour de céans ne s’appréciant pas sur le fondement des moyens invoqués mais plutôt lorsque l’affaire soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme, il y a lieu dès lors, de déclarer la Cour de céans compétente pour examiner le pourvoi ;
Sur le deuxième moyen
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Vu les articles 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 351 du Code général des impôts
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par mauvaise interprétation de
l’article 156, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, violé l’article 351 du Code général des impôts en ce que, pour déclarer irrecevable l’action de monsieur Henri Flavien LOE EYIKE pour insuffisance de consignation, la Cour d’appel a retenu que son action a pour fondement l’article 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité et est subordonnée au paiement d’un droit proportionnel de 5% du montant sollicité du fait que sa demande est relative à un reversement des causes de la saisie et non au paiement des causes d’une saisie au sens de l’article 168 de l’Acte uniforme sus indiqué et qu’elle est soumise à une consignation à taux fixe prévu par l’article 351 code général des impôts alors que, selon le moyen, l’action de monsieur Henri Flavien LOE EYIKE tend à la condamnation de la BICEC au reversement des causes de la saisie pour déclarations inexacte, incomplète et mensongère , conformément à l’article 156 de l’Acte uniforme précité et est soumise à l’enrôlement au droit fixe ;
Attendu que les articles 156 alinéa 2 de l’Acte uniforme sus visé et 351 du Code
Général des impôts disposent respectivement : « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ….toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts » , « sont enregistrés à un droit fixe inférieur à celui des opérations ci-dessus énumérées : les arrêts définitifs de la Cour d’Appel et de la Cour Suprême , tous jugements et autres décisions judicaires de première instance contenant des dispositions définitives soumises à l’enregistrement quelle que soit la juridiction qui les a rendues … » ;
Attendu que l’arrêt énonce « qu’il ne résulte ni de l’assignation, ni de tout autre document versé au dossier que l’intimée est détentrice des sommes d’argent pour le compte du débiteur de l’appelant, à savoir la Hospitex SA ; que dès lors son action ne peut être valablement considérée comme une demande tendant au paiement des causes d’une saisie- attribution de créances au sens de l’article 168 de l’Acte uniforme OHADA n°6 et soumise au droit fixe prévu par l’article 351 du Code général des impôts ; que ladite demande est en réalité une demande de reversement des causes de la saisie qui obéit à l’obligation du paiement préalable d’une consignation de 5% du montant de la somme sollicitée . » ; qu’en l’espèce, il ressort de l’assignation du 07 mai 2009 que Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE a sollicité, sur le fondement de l’article 156 de l’Acte uniforme sus indiqué , le paiement par la BICEC des causes de la saisie-attribution de créances pratiquée le 26 décembre 2008 et dénoncée à la société Hospitex le 31 décembre de la même année pour déclarations inexacte, incomplète et mensongère ; que cette procédure s’inscrivant dans le prolongement de l’exécution forcée d’un titre exécutoire qu’est l’Ordonnance de taxation d’honoraires n°103/PTGI/W/DLA du 22 novembre 2005, décision définitive soumise au droit fixe selon l’article 351 du Code général des impôts, la Cour, en statuant comme elle l’a fait , expose son arrêt à la cassation sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que par requête en date du 24 août 2010 monsieur Henri Flavien LOE EYIKE
a interjeté appel contre l’ordonnance n°111/CC rendue le 12 août 2010 par Madame la
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Présidente du Tribunal de grande instance du Mfoundi, statuant comme juge du contentieux de l’exécution et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Nous, Juge du contentieux de l’exécution ; Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en chambre
du conseil ; Déclarons l’action de Henri Flavien LOE EYIKE irrecevable en l’état pour
consignation insuffisante ; Condamne Henri Flavien LOE EYIKE aux dépens ; » ; Qu’à l’appui de son appel, Henri flavien LOE EYIKE demande à la Cour d’annuler
l’ordonnance querellée pour avoir été rendue au-delà du délai des 30 jours prescrits par la loi, pour violation de l’article 24 du code de procédure civile qui prescrit que seul le Greffier en chef peut requérir une ordonnance de paiement du supplément de consignation et ce, en cas de difficulté ; de constater que sa demande devant le juge de l’exécution, fondée sur l’article 156 de l’Acte uniforme, ne tend pas à une nouvelle condamnation de la BICEC (tiers saisi) au paiement des causes de la saisie mais plutôt à sa condamnation pour déclarations inexactes , mensongères, à supporter les causes de la décision initiale en cours d’exécution en lieu et place du débiteur saisi et dire qu’il n’y a pas lieu à versement d’une consignation complémentaire s’agissant d’une demande adressée au juge du contentieux de l’exécution et dont la décision contenant des dispositions définitives est soumise à l’enregistrement au droit fixe tel que l’indique l’article 351 du code général des impôts ; qu’il demande que la BICEC soit condamnée à lui payer les causes de la saisie –attribution de créances du 26 décembre 2008, soit la somme de 2.090.332.252 CFA, ce, sous astreinte de 20 000 000 FCFA par jour de retard dès la signification de l’arrêt à intervenir ; que de surcroît, il sollicite sa condamnation au paiement de la somme totale de 2.287.478.765 FCFA à titre de dommages- intérêts pour tous préjudices subis ainsi qu’ aux dépens ;
Attendu que la BICEC, intimée, demande entre autres de confirmer l’ordonnance
querellée et de dire que toute demande en paiement d’argent est soumise au régime du taux proportionnel ce, même devant le juge du contentieux de l’exécution et que Monsieur Henri flavien LOE EYIKE ne peut s’exonérer de l’application de l’article 24 in fine du code de procédure civile et commerciale pour faire condamner la BICEC à être débitrice des sommes réclamées ;
Sur la consignation de la provision conformément à l’article 24 du code de
procédure civile et commerciale Attendu qu’aux termes de l’article 24 du code de procédure civile et commerciale, « le
demandeur est tenu avant toute instance de consigner au greffe de la juridiction qu’il entend saisir une somme suffisante pour garantir le paiement des frais, enregistrement compris. …. A défaut de provision dont le montant sera, en cas de difficulté, fixé par ordonnance du Président de la juridiction sur simple requête du greffier, il ne sera donné aucune suite à l’instance. » ; qu’en déclarant irrecevable en l’état l’action de Henri Flavien LOE EYIKE pour consignation insuffisante sans rapporter la preuve de la saisine préalable du Président de la juridiction par le Greffier en chef du montant de la somme à consigner, l’ordonnance
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entreprise doit être infirmée ; par conséquent, il convient de rejeter la fin de non recevoir relative à la consignation ;
Sur l’action de Henri Flavien LOE EYIKE Attendu qu’il ressort du procès verbal de saisie-attribution du 26 décembre 2008 que la
BICEC a déclaré lors de l’opération de saisie que « sauf erreur ou omission, nous sommes sans relation avec la société Hospitex SA. Par conséquent, nous ne pouvons constituer de provision pour votre saisie. » ; que la société Hospitex n’est pas inconnue de la BICEC auprès de qui elle a ouvert le compte n°6800027010/28, clôturé depuis le 31 janvier 1995 ; qu’aucun document ni les différents relevés de compte de GTM Cameroun versés au dossier de la procédure ne prouvent pas que ladite société est associée avec la société Hospitex ; que l’unique compte au nom de Hospitex produit, a été clôturé bien avant l’opération de saisie et, en déclarant qu’il n’existe pas de relation entre elle et la société Hospitex, la BICEC n’a fait aucune déclaration mensongère pouvant entrainer sa condamnation au paiement des causes de la saisie ; qu’il echet de débouter Henri Flavien LOE EYIKE de sa demande ;
Attendu que Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE ayant succombé, il y a lieu de le
condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré Casse l’Arrêt n°182/CIV rendu le 10 mai 2013 par la Cour d’appel du centre de
Yaoundé ; Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme l’Ordonnance n°111/CC rendue le 12 août 2010 par Madame la Présidente du
Tribunal de grande instance du Mfoundi, statuant comme juge du contentieux de l’exécution ; Statuant à nouveau, Reçoit Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE en son action ; Rejette la fin de non recevoir relative à la consignation ; Déboute Monsieur Henri Flavien LOE EYIKE de sa demande en condamnation de la
BICEC au paiement des causes de la saisie-attribution de créances ; Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef
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Pour expédition établie en sept pages par Nous, Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour.
Fait à Libreville, le 11 novembre 2014 Maître Paul LENDONGO