La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Libreville (GABON) le 11 novembre 2014 où étaient présents : Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, Rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice Président Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice Présidente Messieurs Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Victoriano ABOGO OBIANG, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°035/2012/PC en date
du 19 avril 2012 et formé par Maîtres ITCHOLA et AGBANRIN, Avocats au Barreau du GABON, agissant pour le compte de la Société de Distribution Gabonaise dite SODIGAB- MBOLO, demeurant à Libreville B.P. 3955, dans la cause l’opposant à Monsieur ROSSO Frédérique et la Société la COMETE, dont le siège social est à Libreville BP. 8656,
en cassation de l’Arrêt n°202/09-10, rendu le 15 septembre 2010 par la Cour d’appel
judiciaire de Libreville et dont le dispositif suit : « Par ces motifs :
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Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort ; En la forme : Reçoit la Société la COMETE en son appel ; Au fond : Infirme l’ordonnance querellée sur le constat de déchéance du droit au
renouvellement du bail et l’expulsion ; Et statuant à nouveau : Dit que la déchéance du droit de bail au renouvellement du bail B14 n’est pas acquise ; Déboute en conséquence la SODIGAB de sa demande d’expulsion ; La condamne aux dépens.» ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique de cassation tel qu’il
figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que suivant contrat de bail commercial conclu le 1er janvier 1998 et dont la
date d’expiration est fixée au 31 décembre 2009, la Société de Distribution Gabonaise dite SODIGAB-MBOLO a donné à bail à la Société la COMETE, ayant pour représentant le sieur ROSSO Frédéric, un local à usage commercial constituant le lot B14, sis dans sa Galerie Marchande ;
Que le 21 juillet 2009, Frédéric ROSSO a écrit à SODIGAB une lettre dans laquelle il
soulevait des points dont il avait discuté avec Madame ISSEMBE Zappula, Chef de service de la communication de SODIGAB dans le bureau de celle-ci et a conclu sa lettre comme suit :
« Je profite de ce courrier pour vous confirmer ici, par la présente, ma ferme volonté de maintenir à l’échéance des dates de ce contrat, les relations contractuelles nous liant, par le renouvellement de ce dit contrat de bail, conformément à la loi et aux bonnes relations que l’on se doit d’avoir. » ;
Que cette lettre a été réceptionnée par Madame ISSEMBE Zappula, le 29 juillet 2009
avec la mention « reçu le 29/07/09 » suivie de la signature de l’intéressée ; Que le 24 novembre 2009, Frédéric ROSSO a écrit une autre lettre confirmative de
celle du 21 juillet pour réitérer sa volonté de renouvellement du contrat de bail B14 et a conclu : « En effet, je viens vous reconfirmer ma demande de renouvellement de bail déposée
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et accusée le 29 juillet 2009 par Madame ISSEMBE Zappula qui respecte bien votre échéance de trois (3) mois. » ;
Qu’en réponse, par lettre du 30 novembre 2009 signée par son Directeur Général, le
sieur Christophe PETIT, la SODIGAB a refusé le renouvellement du contrat de bail sur le lot B14 ;
Que ROSSO a assigné la SODIGAB par devant le Juge des urgences pour solliciter la
cessation des troubles par SODIGAB en le laissant jouir de son local commercial B14 ; Que par Ordonnance n°267/2009-2010 du 09 avril 2010, le Juge des référés a
« constaté la déchéance du droit au renouvellement du bail de sieur ROSSO Frédéric », l’a débouté de sa demande et l’a condamné aux dépens ;
Que sur appel de ROSSO, la Cour d’appel de Libreville a rendu l’Arrêt infirmatif
n°202/09-10 sus-énoncé ; Sur le moyen unique, tiré de la violation et mauvaise application de l’article 92 de
l’Acte uniforme relatif au droit commercial général
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré sieur ROSSO non déchu de son droit au renouvellement en estimant que la lettre en date du 21 juillet 2009 adressée par ce dernier à SODIGAB qui l’a régulièrement reçue, satisfait pleinement aux exigences de l’article 92 ancien de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général comme exprimant clairement dans le délai légal la demande de renouvellement du bail B14 qui est arrivé à échéance au 31 décembre 2009, alors qu’ un acte extrajudiciaire est un acte forcément dressé par un auxiliaire de justice et qui produit des effets juridiques en dehors de toute procédure ; qu’il ne saurait donc être remplacé par une lettre entre les parties ; que d’autre part, les dispositions de l’article 92 ancien de l’Acte uniforme sont d’ordre public et il ne saurait y être dérogé ;
Attendu que par lettre n°458/2012/G2 du 07 juin 2012, le Greffier en chef de la Cour de céans a signifié à Frédéric ROSSO et la Société COMETE le recours en cassation formé par la SODIGAB ; que cette lettre est demeurée sans réponse ; que le principe du contradictoire ayant été ainsi respecté, il y a lieu de passer outre et statuer ;
Attendu que l’article 102 ancien de l’Acte uniforme relatif au droit commercial
général inclut l’article 92 dans la liste des dispositions de cet Acte uniforme déclarées d’ordre public ;
Qu’en retenant que la déchéance du droit de ROSSO au renouvellement du bail sur le
lot B14 n’est pas acquise, la Cour d’appel judiciaire de Libreville a fait une mauvaise application de la loi ; qu’en conséquence, il y a lieu de casser l’arrêt querellé, d’évoquer et statuer ;
Sur l’évocation Attendu que sieur ROSSO Frédéric et la Société la COMETE ont formé appel contre
l’Ordonnance n°267/2009-2010 du 09 avril 2010 rendue par le juge des référés du Tribunal de
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première instance de Libreville dans le différend les ayant opposés à la SODIGAB et dont le dispositif est libellé comme suit : « Statuant par ordonnance réputée contradictoire ;
- Constatons la déchéance du droit au renouvellement du bail de sieur ROSSO Frédéric ;
- Le déboutons de sa demande ;
- Ordonnons son expulsion des lieux loués soit le local B14 ainsi que tout occupant
de son chef, sous astreinte de 100.000 par jour de retard ; - Ordonnons l’exécution sur minute et avant enregistrement de la décision à
intervenir ; - Condamnons ROSSO Frédéric aux dépens. » ;
Attendu qu’à l’appui de son appel, ROSSO soutient que le 21 juillet 2009, il a écrit à
SODIGAB une lettre dans laquelle il manifestait sa volonté de maintenir à l’échéance des dates, son contrat de bail commercial, conformément à la loi et aux bonnes relations qui le liaient à son bailleur ; qu’il a reconfirmé cette volonté par une autre lettre du 24 novembre 2009 ; qu’ayant manifesté cette volonté dans les délais légaux, il ne pouvait être déchu de son droit au renouvellement ; qu’il sollicite la mise à néant de l’ordonnance déférée ;
Que dans ses conclusions en défense, la SODIGAB soutient que l’article 92 ancien de
l’Acte uniforme relatif au droit commercial général étant d’ordre public, toute manifestation de volonté de renouvellement du bail commercial doit être notifiée par acte extrajudiciaire servi par un huissier ; que ROSSO n’ayant pas observé cette formalité impérative, il doit être débouté de sa demande ;
Attendu qu’aux termes de l’article 92 de l’Acte uniforme sus- indiqué, le recours à un
acte d’huissier étant impératif à l’exclusion de toute autre modalité même prévue au bail, une lettre ordinaire ou recommandée avec accusé de réception, par laquelle le preneur sollicite le renouvellement du contrat de bail commercial, doit être déclarée nulle et non avenue comme ayant violé les prescriptions d’ordre public de l’article 92 ;
Attendu qu’il y a lieu dans ces conditions de confirmer l’ordonnance du juge des
référés querellée ; Attendu que ROSSO Frédéric ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement après en avoir délibéré,
Déclare en la forme le pourvoi recevable ; Casse l’Arrêt n°202/09-10 rendu le 15 septembre 2010 par la Cour d’appel judiciaire
de Libreville ;
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Evoquant et statuant à nouveau, Confirme l’Ordonnance n°267/2009-2010 du 09 avril 2010 rendue par le juge des
référés du Tribunal de première instance de Libreville ;
Condamne ROSSO Frédéric aux dépens. Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en Chef Pour copie exécutoire établie en cinq pages, par Nous Maître Paul LENDONGO,
Greffier en chef de ladite Cour.
Fait à Libreville, le 12 novembre 2014
Paul LENDONGO