La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue le 11 novembre 2014 à Libreville (Gabaon) où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président Madame Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-président Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge, Rapporteur
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR Juge et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 Juin 2010 sous le
n°059/2010/PC et formé par Maîtres MATCHIM Françoise, NOUBISSIE Célestin, FANSSI Michel et NGUEPNANG Sidonie, Avocats à la Cour, B.P 16.577 Yaoundé/Cameroun, agissant au nom et pour le compte de Monsieur MONSI Nestor, Magistrat, Avocat Général auprès de la Cour d’appel de Yaoundé, dans la cause l’opposant à la Société Générale de Banques au Cameroun (SGBC S.A), Société Anonyme dont le siège est à Douala 78, Rue JOSS à Bonanjo B.P. 4042, ayant pour conseil Maître NKOUMOUGNE Nkamne Therese, Avocat à la Cour, étude sise Avenue Mgr Vogt, face Cathédrale à côté de la Pharmacie Camerounaise, BP 7173 Yaoundé,
2
en cassation de l’Arrêt n°483/Civ du 20 novembre 2009 rendu par la Cour d’appel
du Centre à Yaoundé, dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de
référés, en appel en collégialité et à l’unanimité des parties ; EN LA FORME Appel reçu suivant arrêt avant dire droit n°163/ADD/Civ du 03 avril 2009 ; AU FOND Infirme partiellement l’ordonnance entreprise :
- En ce qu’elle a ordonné à la SGBC de libérer le compte bancaire n°0020002000l7893-l, ouvert à l’agence de Parc Repiquet appartenant à Monsieur MONSI Nestor ;
- En ce qu’elle a également ordonné à la SGBC de produire l’historique du paiement du prêt effectué dans ses livres par le demandeur pour la période allant de 1985 à 2002 ;
Statuant à nouveau sur ces points, dit que le compte de Monsieur MONSI Nestor n’a jamais été bloqué mais a plutôt enregistré un avis à tiers détenteur à la requête du Crédit Foncier, que cet avis a été enregistré et a généré des frais de saisie qui n’ont pas permis le paiement de son chèque ;
Constate que sieur MONSI Nestor a eu le crédit en 1985 et qu’en 1994, les
règlements du crédit mis en place se sont opérés à la source de son salaire, c’est-à-dire au Ministère des finances ;
Que la SGBC ne peut donc pas produire l’historique des règlements du Crédit
immobilier à compter de 1985 ; Constate que la SGBC lui a notifié une pièce retraçant toutes les opérations de son
compte de 1994 à 2001 ; Déclare donc que la condamnation y relative est devenue sans objet ; Confirme l’ordonnance entreprise pour le surplus ; Condamne le Crédit Foncier du Cameroun aux dépens ; » Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi trois moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
3
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Monsieur MONSI
Nestor est client de la S.G.B.C S.A, titulaire du compte n°002000200017893-1 domicilié à l’agence du Parc Repiquet, situé au marché central de Yaoundé ; qu’il a sollicité et obtenu du Crédit Foncier du Cameroun (CFC) un crédit immobilier, et s’est obligé à rembourser le montant qui lui a été octroyé, suivant un calendrier de paiement échelonné sur plusieurs années ; que par correspondance LK/JUR n°2002/P469 du 11 Septembre 2008, la S.G.B.C S.A a transmis à Monsieur MONSI Nestor l’avis à tiers détenteur N°538/LF/DG/BFS du 04 Juillet 2008, reçu du Crédit Foncier du Cameroun (CFC) ; que le compte de sieur MONSI Nestor a, à cet effet, été débité de la somme de 48.535 FCFA (quarante-huit mille cinq cent trente cinq francs CFA), représentant les frais de banque dus et prélevés du fait de la saisie et de la passation de l’écriture ; que le 26 septembre 2008, date du virement des salaires des fonctionnaires, Monsieur MONSI Nestor se présentait au guichet de la S.G.B.C où un agent lui communiquait un solde créditeur de 50.816 FCFA au lieu de 106 951 FCFA représentant son salaire régulièrement viré chaque mois à cette banque ; qu’interpellé, cet agent précisait que le compte de monsieur MONSI Nestor était bloqué de telle sorte que seul le chef d’agence pouvait l’autoriser à toucher le solde créditeur de 50.816 FCFA ; qu’approché à son bureau, le chef d’agence expliquait avoir reçu un fax de la Direction Générale à Douala lui intimant l’ordre de bloquer ledit compte ; que dans cette circonstance, monsieur MONSI Nestor faisait appel à Maitre NGWE Gabriel Emmanuel, Huissier de Justice à Yaoundé ; que sommé par cet officier ministériel de payer le chèque de 50 000 FCFA émis et présenté à l’encaissement par monsieur MONSI Nestor, le chef d’agence de la SGBC à Yaoundé refusait ; qu’alors Monsieur MONSI Nestor assignait la SGBC et le Crédit Foncier du Cameroun en référé d’heure à heure en déblocage du compte litigieux et en reddition du compte sous astreinte, pour violation des dispositions des articles 174, 175 et 177 de l’Acte Uniforme OHADA sur la saisie des rémunérations ; que par Ordonnance n°628/C du 11 novembre 2008, le juge des référés ordonnait à la S.G.B.C S.A de libérer le compte n°002000200017893-1 ouvert à l’agence du Parc Répiquet, sous astreinte de 50.000 FCFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision et de produire, sous astreinte de 50.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la décision, l’historique de paiement du prêt effectué dans ses livres par le demandeur pour la période allant de 1985 à 2002 et au Crédit Foncier de produire l’historique des sommes effectivement perçues au titre dudit remboursement pour la même période ; que le 25 novembre 2008 l’Ordonnance n°628/C du 11 novembre 2008 était signifiée au Crédit Foncier du Cameroun et à la S.G.B.C S.A ; que la S.G.B.C S.A après avoir saisi la Cour d’appel de Yaoundé d’une requête aux fins de défense à exécution, interjetait appel contre ladite ordonnance ; que le Crédit Foncier du Cameroun à son tour, le 09 décembre 2008, interjetait appel de l’ordonnance sus évoquée ; que la Cour d’appel de Yaoundé, par Arrêt n° 164/Civ du 03 avril 2009 déclarait l’appel du Crédit Foncier du Cameroun irrecevable, comme tardif ; que la S.G.B.C. S.A notifiait à sieur MONSI Nestor l’ordre de mainlevée de la saisie du compte qu’elle venait de recevoir du Crédit Foncier du Cameroun ; que statuant par Arrêt n°25/DE du 13 février 2009 sur la requête aux fins de défense à exécution, la Cour d’Appel de Yaoundé rejetait ladite requête ; que la Cour d’appel de Yaoundé statuant finalement sur l’appel interjeté, rendait l’Arrêt n°483/Civ du 20 novembre 2009 infirmant partiellement ladite ordonnance ;
4
Sur le premier et deuxième moyen de cassation réunis et tiré de la violation des Articles 174, 175, 177 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ensemble avec l’article 2 alinéa 1 (d) du décret camerounais n° 94-197/pm du 09 mai 1994 relatifs aux retenues sur salaire et les articles 1354 et 1356 du code civil (codes et lois du Cameroun).
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt querellé d’avoir violé des dispositions légales
et réglementaires suscitées en ce qu’il a entériné le blocage du compte salaire du recourant, pratiqué par la SGBC SA ; que le blocage du compte équivaut à une saisie de la totalité du salaire du recourant alors que les dispositions légales suscitées prescrivent non seulement le respect de la quotité saisissable, mais aussi et surtout le passage par la procédure de la tentative de conciliation, formalité procédurale à laquelle la SGBC SA n’a pas cru devoir se conformer ;
Mais attendu que les articles 174, 175, 177 de l’Acte Uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution disposent respectivement que :
« La saisie des sommes dues à titre de rémunération, quel qu’en soit le montant, à
toutes les personnes salariées ou travaillant, à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, ne peut être pratiquée qu’après tentative de conciliation devant la juridiction compétente du domicile du débiteur » ;
« Les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire » ; « Les rémunérations ne peuvent être cédées ou saisies que dans les proportions
déterminées par chaque Etat partie (…). Le total des sommes saisies ou volontairement cédées ne peut en aucun cas, fût-ce pour dettes alimentaires, excéder un seuil fixé par chaque Etat partie » ;
Attendu qu’à cet égard, l’article 2 alinéa l (d) du décret camerounais n°94-197/PM
du 09 mai 1994 relatif aux retenues sur salaires dispose que : « la quotité saisissable et/ou cessible du salaire à l’occasion de chaque paie est fixée suivant les modalités ci-dessous :
d) un tiers (1/3) sur la fraction supérieure à soixante quinze mille francs (75000
francs) et inférieure ou égale à cent douze mille cinq cent francs (112 500 francs) » ;
Attendu qu’il ressort des motifs de l’arrêt querellé que : (…) l’analyse des pièces et conclusions produites au dossier permettent de relever que le compte n° 002000200017893-1 appartenant au sieur MONSI n’a jamais été bloqué, mais a plutôt enregistré un avis à tiers détenteur à la requête du Crédit Foncier du Cameroun, que cet avis a été enregistré et a généré des frais de saisie qui n’ont pas permis le paiement de son chèque. » ;
Attendu que ce moyen conduit à l’appréciation des faits, qui relève de la compétence
souveraine des juges du fond ; qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable ; Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation des Articles 1354 et
1356 du code civil (codes et lois du Cameroun).
5
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 1354 et 1356 du code civil par dénaturation des faits de la cause, en décidant que le compte de Monsieur MONSI n’a jamais été bloqué par la SGBC. SA, alors qu’il est versé au dossier de la procédure l’aveu extra judiciaire de son Chef d’agence de Yaoundé Parc Répiquet, du 26 septembre 2008 ;
Mais attendu que les articles 1354 et 1356 du Code civil camerounais disposent
respectivement que : « L’aveu qui est opposé à une partie est extrajudiciaire ou judiciaire » ; et « L’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de
pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l’a fait. II ne peut être divisé. Il ne peut être révoqué à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit. » ;
Attendu que la preuve n’est pas raportée que le chef de l’agence de Parc Répiquet est
l’autorité habilitée à représenter la SGBC en justice ; que dès lors cet aveu ne peut être opposé à la dite banque ; qu’il echet de rejeter le moyen ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 35 de la loi
camerounaise n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions légales suscitées au motif qu’il s’est contredit en dénaturant les faits ; qu’en se ravisant sans raison apparente pour déclarer que le compte bancaire du recourant n’a jamais été bloqué par la SGBC SA nonobstant l’aveu explicite de cette dernière, alors que pendant les débats, le recourant privé de la totalité de son salaire parvenu dans son compte comme d’habitude, avait pu démontrer de manière univoque que la SGBC avait effectivement bloqué son compte et avait produit notamment aux débats, un procès-verbal de constat d’huissier contenant interpellation du chef d’agence SGBC de Yaoundé Parc Repiquet ;
Mais attendu que l’article 35 de la loi camerounaise n°2006/016 du 29 décembre
2006 susvisée énumère les cas d’ouverture à pourvoi et dispose : « 1- Les cas d’ouverture à pouvoir sont : a) L’incompétence ; b) La dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure; c) Le défaut, la contradiction ou l’insuffisance de motifs ; … » ; Mais attendu que ce moyen est attaché à l’appréciation des faits et interfère avec le
deuxième moyen ; que pour les mêmes motifs ayant entrainé le rejet du deuxième moyen ; qu’il y a lieu de l’écarter et de rejeter, par conséquent le pourvoi ;
Attendu que sieur MONSI Nestor ayant succombé il y a lieu de le condamner aux
dépens ;
PAR CES MOTIFS
6
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Rejette le pourvoi contre l’Arrêt n°483/Civ rendu le 20 novembre 2009 par la Cour
d’appel de Yaoundé ; Condamne sieur MONSI Nestor aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef