La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Yaoundé (Cameroun) le 04 novembre 2014 où étaient présents : Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, Rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice Président Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice Présidente Messieurs Namuano DIAS GOMEZ, Juge
Victoriano ABOGO OBIANG, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 octobre 2009 sous le
n°099/2009/PC et formé par Maître M’BOHOU Georges, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 15456, Douala-Cameroun, agissant pour le compte de la Caisse Populaire Coopérative du
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Littoral dite CAPCOL, dont le siège est à Bonassama, BP 3800 Douala-Cameroun, dans la cause l’opposant à NGOWI Emmanuel, entrepreneur demeurant à Douala, BP 3800,
en cassation de l’Arrêt n°020/C rendu le 16 janvier 2009 par la Cour d’appel du
Littoral à Douala, dont le dispositif est le suivant : « Par ces motifs Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et
commerciale, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme : Reçoit l’appel ; Au fond : Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau, Constate que la créance de CAPCOL ne remplit pas les critères de certitude nécessaire
à son recouvrement forcé par voie de vente sur saisie immobilière ; La déboute en conséquence de son action ; La condamne aux dépens. ». La requérante invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique de cassation tel
qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que NGOWI Emmanuel,
pendant qu’il était membre de la Caisse Populaire Coopérative du Littoral dite CAPCOL, avait sollicité et obtenu auprès de celle-ci un important concours financier pour faire prospérer ses affaires ;
Qu’en garantie du remboursement de ce crédit, NGOWI avait hypothéqué son
immeuble objet du titre foncier n°17785/W par devant Maitre MBOBDA MONGOUE, Notaire dans le ressort de la Cour d’appel du Littoral, qui a dressé l’acte notarié de garantie n°8816 reçu le 09 septembre 1998 ;
Que le notaire instrumentaire a obtenu du chef de service provincial des domaines du
Littoral, conservateur de la propriété foncière et domaniale du Littoral à Douala, un certificat d’inscription hypothécaire délivré le 13 novembre 2003 ;
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Qu’il a en outre authentifié un pouvoir aux fins de saisie immobilière en date du 16 décembre 2003 reconnu à Maître TCHAHA Jean Marie, Huissier de Justice près la Cour d’appel du Littoral et des Tribunaux de Douala ;
Attendu que NGOWI, qui s’était régulièrement acquitté des premières échéances de sa dette à l’égard de CAPCOL, a subitement arrêté le remboursement des mensualités de sa dette, malgré les rappels à l’ordre à lui faits par le Conseil d’Administration et les multiples mises en demeure tendant à l’amener à régler ses obligations à l’amiable ;
Que c’est dans ce contexte que l’huissier de justice TCHAHA Jean Marie lui a fait
commandement le 16 décembre 2003 de payer dans un délai de 20 jours, la somme totale de 27.044.246 francs CFA en principal, intérêts et divers frais, sous réserve des autres charges dues ou à devoir ;
Que NGOWI ne s’étant pas exécuté dans le délai imparti, le commandement a été
transmis à la conservation foncière pour transcription et valant saisie à partir de sa publication ;
Qu’ensuite, la CAPCOL a déposé un cahier de charges au greffe du Tribunal de
grande instance du WOURI à Douala et a sommé NGOWI d’avoir à prendre connaissance dudit cahier pour ses dires et observations ;
Attendu que le 28 avril 2004 NGOWI a déposé ses dires et observations tendant à la
nullité de la saisie immobilière ; Que par Jugement civil n°815 du 1er novembre 2007, le Tribunal de grande instance du
WOURI à Douala a rejeté comme non fondés les dires et observations de NGOWI Emmanuel, a ordonné la continuation des poursuites et a fixé au 12 décembre 2007 la date de la vente de l’immeuble saisie ;
Que sur appel de NGOWI, la Cour d’appel du Littoral à Douala a rendu l’Arrêt
n°020/C du 16 janvier 2009 sus-énoncé ; Attendu que l’analyse de la requête en cassation de CAPCOL dévoile en réalité un
seul moyen de cassation, tiré de la violation de l’article 312 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que, pour infirmer le Jugement n°815 du 1er novembre 2007 du Tribunal de grande instance du Wouri, la Cour d’appel a indiqué qu’elle n’avait pas un titre exécutoire, alors qu’elle a produit la grosse en forme exécutoire de l’acte authentique de la convention n°8816 du 09 septembre 1998 et 14 mai 2003 du répertoire de Maître MBOBDA MONGOUE Elie qui constitue un titre exécutoire ; qu’en la déboutant de son action tendant à la vente de l’immeuble, la Cour d’appel a violé l’article 312 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que conformément aux articles 29 et 30 du règlement de procédure de la Cour de céans, le recours a été signifié à Monsieur NGOWI Emmanuel le 13 novembre 2009 par lettre du Greffier en chef n°515/2009/G2, adressée à son Conseil qui n’a pas produit de mémoire en réponse ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été respecté, il y a lieu de passer outre et statuer ;
Sur le moyen unique
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Attendu que la requérante fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel d’avoir retenu, d’une part, que « la CAPCOL ne produisant aux débats aucun titre exécutoire, le principe de la créance est valablement remis en cause en l’espèce, ce qui rend par conséquent recevable l’appel du sieur NGOWI ; que d’autre part, l’ouverture d’un compte courant avec affectation hypothécaire et un certificat d’inscription hypothécaire ne peuvent pas à eux seuls constituer un titre exécutoire au sens de la loi dès lors que le débiteur conteste le montant et partant le principe même de la créance, cette contestation étant manifestée par le recours à un expert » ; Alors que d’une part, elle a produit la grosse en forme exécutoire de l’acte authentique de la convention n°8816 du 09 septembre 1998 et 14 mai 2003 du répertoire de Maître MBOBDA MONGOUE Elie qui constitue un titre exécutoire et que d’autre part, « le principe de la créance de CAPCOL sur NGOWI Emmanuel est consacré par son propre rapport d’audit qui fixe même le montant fort complaisant à 1.659.080 (Un million six cent cinquante neuf mille quatre vingts) francs CFA ; et qu’enfin même au pénal NGOWI n’a pas pu établir l’existence à l’égard des mandataires de la CAPCOL de l’usure ou de toute autre infraction » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « constituent des titres exécutoires : …4) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;… » ; qu’en ne reconnaissant pas à la grosse en forme exécutoire de l’acte notarié authentique n°8816 du 09 septembre 1998 et le certificat d’inscription hypothécaire du 14 mai 2003 du répertoire de Maître MBOBDA MONGOUE Elie, la qualité de titre exécutoire, la Cour d’appel du Littoral à Douala a violé les dispositions de l’article 33 ci-dessus énoncé ; que d’autre part, comme le retient la Cour d’appel du Littoral elle-même, « une créance tire sa certitude de la détermination de son montant… » ; qu’ il ressort pourtant du rapport d’audit sur la période du 22 août 1997 au 22 août 2002, commandité par NGOWI Emmanuel lui-même, sur la vérification du traitement des opérations financières de son compte n°37240068 ouvert à la CAPCOL, que l’auditeur conclut à un « montant total du solde du crédit effectif devant être en compte au 31 décembre 2002… de 1.659.089 FCFA », dont NGOWI Emmanuel demeure redevable à l’égard de sa créancière, la CAPCOL ; que cette évaluation du compte débiteur de NGOWI déterminant un débit de loin inférieur à ce qu’il doit en réalité à CAPCOL, qu’il n’a pourtant pas encore apuré, suffit déjà à caractériser la certitude de la créance que NGOWI ne saurait contester durablement ; qu’il échet en considération de ce qui précède, de casser l’arrêt déféré, d’évoquer et statuer au fond ;
Sur l’évocation Attendu que par requête d’appel courant mars 2008, le sieur NGOWI Emmanuel a
déféré devant la Cour d’appel du Littoral à Douala le Jugement n°815 du 1er novembre 2007 dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en
premier et dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Rejette les dires de NGOWI comme non fondés ; Ordonne la continuation des poursuites ; Fixe au 12 décembre 2007 la date de la vente par devant Maître BISSECK EYOBO
Hermine Notaire à Douala, après accomplissement des formalités des articles 276 et 277 de l’Acte uniforme OHADA portant sur les voies d’exécution ;
Laisse les dépens en frais privilégiés de l’adjudication ; ».
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Attendu qu’à l’appui de sa requête, NGOWI soutient, entre autres, que pour avoir initié des poursuites sur un immeuble commun aux époux NGOWI, CAPCOL a violé les dispositions de l’article 250 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’une telle violation est sanctionnée par la nullité de la procédure engagée par CAPCOL contre son client ; qu’en conséquence, il sollicite que la Cour annule avec toutes les conséquences de droit le Jugement n°815 du Tribunal de grande instance du Wouri, qu’elle ordonne l’arrêt de toutes poursuites engagées tendant à la vente de l’immeuble objet du titre foncier n°17785/W et enfin qu’elle condamne CAPCOL aux entiers dépens distraits au profit de Maître FUKEU TCHOUA, Avocat aux offres de droit ;
Attendu que dans ses conclusions en défense, CAPCOL soutient que dans les dires et
observations de NGOWI insérés au cahier de charges devant le premier juge, il n’a jamais été question de la violation de l’article 250 de l’Acte uniforme n°6 ; qu’en matière de saisie immobilière, il n’y a pas de nullité sans texte ; qu’en conséquence, il demande à la Cour de rejeter purement et simplement l’appel de NGOWI Emmanuel comme étant manifestement dilatoire, faute même de le déclarer irrecevable, le principe de la créance étant avéré et consacré par le propre rapport d’audit commandé par NGOWI et qui fixe le montant fort complaisant de la dette de NGOWI à l’égard de CAPCOL à 1.659.080 FCFA ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus ayant servi de fondement à la
cassation de l’Arrêt n°020/C du 16 janvier 2009 de la Cour d’appel du Littoral à Douala, il s’impose de rejeter l’appel comme non fondé et de confirmer le Jugement n°815 du 1er novembre 2007 querellé ;
Attendu que NGOWI Emmanuel ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux
dépens. PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Déclare le pourvoi recevable en la forme ;
Casse l’Arrêt n°020/C du 16 janvier 2009 de la Cour d’appel du Littoral à Douala ; Evoquant et statuant au fond ; Confirme le Jugement n°815 du 1er novembre 2007 querellé ;
Condamne NGOWI Emmanuel aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef Pour copie exécutoire établie en six pages par Nous, Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour.
Abidjan, le 06 novembre 2014 Maître Paul LENDONGO