La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Yaoundé (Cameroun) le 04 novembre 2014 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice Président, Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice Présidente, Rapporteur Messieurs Namuano DIAS GOMEZ, Juge Victoriano ABOGO OBIANG, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 mai 2008 sous le n°039/2008/PC et formé par maître Joseph NOMO NOMO, avocat au Barreau du Cameroun, cabinet situé au 1084 rue de l’hôtel de ville, Bonanjo, BP 241, Douala, agissant au nom et pour le compte de la Société RAZEL Cameroun, prise en la personne de monsieur Charles SCHMITT, Directeur général et ayant son siège social 637, rue de l’indépendance, BP 11306 Yaoundé dans la cause l’opposant à la Société Nationale des Eaux du Cameroun dont le siège social est à Douala , BP 157,
en cassation de l’Arrêt n°79/Civ/Bis2 rendu le 15 février 2008 par la cour d’appel du centre à Yaoundé et dont le dispositif est le suivant :
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« PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de contentieux de l’exécution et en appel ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel AU FOND
Confirme l’ordonnance entreprise
Condamne la société RAZEL aux dépens distraits au profit de Maître KOUO
MOUDIKI, Avocat aux offres de droit ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice- présidente ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu que par lettre n°347/2009/G2 du 14 mai 2009, le greffier en chef de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage a demandé à maître KOUO MOUDIKI Jacques Michel, Avocat à la Cour, de lui transmettre dans un délai de quinze jours, à compter de la réception, le mandat que lui a donné sa cliente, la Société Nationale des Eaux du Cameroun, pour la défense de ses intérêts à la Cour de céans ; que bien qu’ayant reçu ledit courrier le 19 mai 2009, aucune réponse n’a été apportée à celui-ci ; qu’il y a lieu de statuer en l’état, le principe du contradictoire étant acquis ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution des
travaux d’aménagement de la ville de Douala, la Société RAZEL Cameroun a endommagé des installations de tuyaux de production d’eau potable de la Société Nationale des Eaux du Cameroun dite SNEC ; que la SNEC a adressé une facture de 30 298 721 FCFA à la Société RAZEL Cameroun qui a déclaré ledit sinistre à son assureur lequel a commis le cabinet EBONY aux fins d’expertise ; que redoutant le rapport de l’expert, la SNEC a formulé de nouvelles demandes pour obtenir réparation ; que des concertations ont été entreprises avec toutes les parties en vue d’une solution amiable ; que face à l‘échec des différentes réunions, la SNEC a entrepris le recouvrement de sa créance par voie extrajudiciaire et par la suite, par saisine du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre-administratif qui a autorisé, par Ordonnance n°795 du 07 mars 2007, la SNEC à faire pratiquer une saisie conservatoire de créances au préjudice de la Société RAZEL Cameroun pour sûreté et avoir paiement de la somme de 94 137 760 FCFA en principal, intérêts et frais divers ; que la saisie a été pratiquée le 15 mars 2007 et dénoncée à la Société RAZEL Cameroun le 19 mars 2007 ; que la Société RAZEL Cameroun a saisi en mainlevée, le Président du tribunal sus désigné, lequel, par
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Ordonnance n°512/C rendue le 30 mai 2007, l’en a déboutée ; que sur appel de la Société RAZEL Cameroun, la cour d’appel du centre à Yaoundé a rendu le 15 février 2008, l’Arrêt n°79/IV/BIS2 dont pourvoi ;
Sur la seconde branche du premier moyen Vu l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé
l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que l’arrêt énonce que l’inertie à payer constituait une menace pour le recouvrement de la créance alors, selon le moyen, que le saisissant doit justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance soit, un risque de ne pas être payé après règlement du litige au fond ;
Attendu qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte uniforme ci-dessus « toute personne
dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement » ; qu’il résulte de cet article que le risque d’insolvabilité du débiteur pouvant empêcher le recouvrement de la créance justifie la mesure de saisie conservatoire ; qu’en retenant que l’inertie de la Société RAZEL Cameroun à s’acquitter de la créance, malgré les multiples mises en demeure à lui adressées, caractérise la menace, sans démonter en quoi cette inertie constitue-t-elle un risque d’insolvabilité qui exclurait tout recouvrement ultérieurement , la Cour d’appel a violé l’article visé au moyen ; qu’il convient de casser l’arrêt attaqué sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que par requête en date du 04 juin 2007, la Société RAZEL Cameroun a
interjeté appel de l’Ordonnance n°512/C rendue le 30 mai 2007 par le Président du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre-administratif l’ayant débouté de sa demande en mainlevée de saisie ; qu’elle soutient que le premier juge, en se contentant d’affirmer que la menace réside dans l’inertie de l’appelante à s’acquitter des sommes réclamées depuis de longues années sans rechercher s’il existe un quelconque risque d’insolvabilité, a violé l’article 54 de l’Acte uniforme précité ; qu’elle excipe que le premier juge n’ a pas répondu à sa demande portant sur l’enquête civile pour vérification de l’authenticité de la demande du titre exécutoire et qu’il a dénaturé les faits; qu’elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance et la mainlevée de la saisie conservatoire de créances ;
Attendu que la SNEC allègue que la Société RAZEL Cameroun ne peut mettre en
cause le principe de la créance ; qu’elle avait déclaré le sinistre auprès de l’assurance pour être garantie du paiement ; que sa demande est infondée et qu’elle sollicite pour cela la confirmation de l’ordonnance entreprise ;
Sur la demande en mainlevée
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Attendu que pour les mêmes motifs ayant justifié la cassation de l’arrêt, la saisie conservatoire de créances pratiquée n’est pas fondée ; qu’il echet d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire ;
Sur les autres demandes Attendu que la mainlevée ayant été ordonnée, les autres demandes sont sans objet ; Attendu qu’ayant succombé, la Société Nationale des Eaux du Cameroun dite SNEC
doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Déclare recevable le pourvoi ; Casse l’arrêt n°79/Civ/Bis2 rendu le 15 février 2008 par la Cour d’appel du centre à
Yaoundé ; Evoquant sur le fond, Infirme l’Ordonnance n°512/C rendue le 30 mai 2007 par le Président Tribunal de
première instance de Yaoundé Centre-administratif ; Statuant à nouveau, Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 15 mars 2007
au préjudice de la Société RAZEL Cameroun ; Dit sans objet les autres demandes de la Société RAZEL Cameroun ; Condamne la Société Nationale des Eaux du Cameroun dite SNEC aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en chef