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25/04/2014 | OHADA | N°067/2014

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 25 avril 2014, 067/2014


BAIL D’IMMEUBLE DESTINE A L’EXPLOITATION D’UNE CENTRE D’ENSEIGNEMENT – APPLICATION DU STATUT RESILIATION – NON RESPECT DES DISPOSITIONS IMPERATIVES DE L’ARTICLE 101 DEVENU 133 DE L’AUDCG : CASSATION DE L’ARRET
Le mandat d’agir en justice délivré par le directeur général d’une société anonyme est valide. La simple erreur sur les références de l’ordonnance querellée ne peut suffire à vicier le mandat spécial délivré par le requérant à son avocat, le litige objet du pourvoi ayant été suffisamment matérialisé dans la requête de pourvoi et par l’in

dication précise des noms des parties audit procès permettent de lever tout doute sur le litige ...

BAIL D’IMMEUBLE DESTINE A L’EXPLOITATION D’UNE CENTRE D’ENSEIGNEMENT – APPLICATION DU STATUT RESILIATION – NON RESPECT DES DISPOSITIONS IMPERATIVES DE L’ARTICLE 101 DEVENU 133 DE L’AUDCG : CASSATION DE L’ARRET
Le mandat d’agir en justice délivré par le directeur général d’une société anonyme est valide. La simple erreur sur les références de l’ordonnance querellée ne peut suffire à vicier le mandat spécial délivré par le requérant à son avocat, le litige objet du pourvoi ayant été suffisamment matérialisé dans la requête de pourvoi et par l’indication précise des noms des parties audit procès permettent de lever tout doute sur le litige dont pourvoi ; au demeurant, les articles 23 et 28 du Règlement de procédure de la CCJA n’exigent, sans autre formalité, que la production d’un mandat régulièrement établi par un représentant qualifié. Le bail portant sur un immeuble destiné à l’enseignement est un bail professionnel régi par les dispositions de l’AUDCG. La résiliation d’un tel bail est régie par les dispositions impératives de l’article 101 [devenues 133] de l’AUDCG, auxquelles ne peut déroger le contrat liant les parties. En application de ces dispositions l’expulsion judiciaire du preneur d’un bail commercial est obligatoirement précédée d’une mise en demeure par voie d’huissier de justice et reprenant sous peine de nullité les mentions dudit article. Encourt la cassation l’arrêt qui a validé une procédure menée en violation de la disposition précitée.
ARTICLE 23 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 28 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 71 AUDCG [ARTICLE DEVENU 103 AUDCG] ARTICLE 101 AUDCG [ARTICLE DEVENU 133 AUDCG] CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 067/2014 du 25 avril 2014 ; Pourvoi n° 084/2011/PC du 03/10/2011 : SOU SIE Sylvain c/ Société de Construction et de Gestion Immobilière du Burkina (SOCOGIB).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), en Assemblée plénière, a rendu
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l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 25 avril 2014 à Porto-Novo-Bénin où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-président Messieurs Namuano F. DIAS GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge
Idrissa YAYE, Juge, rapporteur Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 octobre 2011 sous le
n°084/2011/PC et formé par le cabinet d’Avocats Boubakara NACRO, Avocats à la Cour, Rue Lansana DIAKITE, secteur 8, 01 BP 2196 Bobo-Dioulasso 01, agissant au nom et pour le compte de Monsieur SOU SIE Sylvain, fondateur du collège moderne technique de la Comoé, demeurant à Banfora, dans la cause l’opposant à la Société de Construction et de Gestion Immobilière du Burkina, en (SOCOGIB SA) au capital de un milliard huit cent quarante deux millions six cent mille francs CFA, ayant son siège social à Ouagadougou, 01 BP 1646, Rue Georges KONSEIGA, représentée par son Directeur Général, ayant pour conseil Maître Mahamadou BAMBARA, Avocat à la Cour, 06 BP 9939 Ouagadougou 06,
en cassation de l’Ordonnance de référé n°78/2010 rendue le 04 novembre 2010 par Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, en cause d’appel et en dernier ressort ; En la forme : déclarons l’appel recevable ; Au fond : confirmons l’ordonnance querellée ; Disons cependant qu’au regard de la nature sociale du litige, le preneur devra demeurer sur les lieux jusqu’à la fin de l’année scolaire ; Déboutons toutes les parties de leur demande de frais exposés et non compris dans les dépens ; Condamnons l’appelant aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent à sa requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu que le 06 février 1986, un contrat de bail professionnel a été conclu entre
Monsieur SOU SIE Sylvain, le preneur, et la Société de Construction et de Gestion Immobilière du Burkina, le bailleur, portant sur 10 bâtiments pour abriter le collège moderne et technique de
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la Comoé (CMTC) et moyennant un loyer mensuel de 125 000F CFA ; que le 1er septembre 2008, un avenant audit contrat de bail a été signé entre les parties, portant le loyer mensuel à la somme de 750 000 FCFA ; qu’après 13 mois de loyers impayés, la SOCOGIB a adressé au preneur une lettre de mise en demeure en date du 19 mai 2009, lui enjoignant de payer la somme de 9 750 000 FCFA, représentant les 13 mois de loyers, dans un délai de trente jours ; que faute de réaction du preneur, le bailleur lui a adressé le 25 juin 2009 une nouvelle lettre pour lui signifier la résiliation du contrat de bail les liant et lui demandant de libérer les lieux sous peine d’une expulsion par voie judiciaire ; que le preneur refusant de s’acquitter de ses engagements et de quitter les lieux loués, le bailleur a saisi le Président du Tribunal de grande instance de Banfora, lequel a, par Ordonnance de référé n°04 du 12 mai 2010, accédé à la requête du bailleur ; que sur appel du preneur, le Président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso a rendu l’ordonnance confirmative, objet du présent pourvoi en cassation ;
Sur les irrecevabilités du pourvoi et du mémoire en réplique Attendu que la SOCOGIB, dans son mémoire en réplique en date du 23 décembre 2011,
enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 janvier 2012, soulève, in limine litis, la fin de non recevoir du pourvoi pour prescription et pour absence de ministère d’avocat ; que soutenant, d’une part, que l’ordonnance querellée a été signifiée au requérant le 23 juillet 2011, lequel n’a introduit son recours que le 03 octobre 2011, soit plus de 2 mois après la signification, en violation des articles 25 et 28 du Règlement de procédure, elle demande en conséquence de le déclarer irrecevable pour forclusion ; que d’autre part, elle soutient que le pouvoir spécial délivré à l’avocat du recourant est entaché d’irrégularité en ce sens qu’il y a été mentionné : « donné dans le cadre du pourvoi en cassation contre l’ordonnance de référé n°04 du 12 mai 2010 rendue par le premier président de la Cour d’Appel », alors que le présent pourvoi porte sur l’Ordonnance de référé n°78/2010 du 04 novembre 2010 ; d’où ledit pourvoi encourt également une irrecevabilité de ce chef ;
Attendu que le recourant, pour sa part et dans son mémoire dit de « réplique » en date du
17 novembre 2011, versé au dossier, plaide l’irrecevabilité du mémoire en réplique, car dit-il le Directeur Général qui a délivré le mandat spécial à l’Avocat n’en a pas la qualité en application de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour de céans, la SOCOGIB étant une société anonyme avec conseil d’administration ;
Mais attendu que la simple erreur sur les références de l’ordonnance querellée ne peut
suffire à vicier le mandat spécial délivré par Monsieur SOU SIE Sylvain à son avocat, le litige objet du pourvoi ayant été suffisamment matérialisé dans la requête de pourvoi et par l’indication précise des noms des parties audit procès permettent de lever tout doute sur le litige dont pourvoi, au demeurant les articles 23 et 28 du Règlement de procédure de la Cour de céans n’exigent, sans autre formalité, que la production d’un mandat régulièrement établi par un représentant qualifié ; qu’il échet dès lors de rejeter cette exception ;
Attendu que pour les mêmes raisons, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité du
mandat délivré à l’avocat de la défenderesse, mandat délivré par son Directeur Général, habilité à la représenter légalement ;
Attendu que la fin de non recevoir du pourvoi tirée de la prescription du recours exercé
dans le délai de 2 mois, 10 jours à compter de la signification est régulière, car s’il est vrai qu’en application de l’article 28 dudit Règlement de procédure le délai de pourvoi est fixé à 2 mois à compter de la signification de la décision attaquée, il est aussi vrai qu’en application des dispositions de l’article 1er de la décision n°002/99/CCJA, les délais de procédure sont
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augmentés de 14 jours si les parties ont leur résidence habituelle dans un pays de l’Afrique de l’ouest, autre que la Côte d’Ivoire, comme c’est le cas en l’espèce ; d’où il échet de déclarer ledit pourvoi recevable en la forme ;

Sur les deux moyens de cassation réunis Vu les articles 71 et 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ; Attendu que le demandeur fait grief à l’ordonnance attaqué d’avoir violé l’article 71 de
l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ; qu’il estime en effet, que l’ordonnance en se qualifiant de civil, alors que l’activité convenue sur les lieux loués est une activité d’enseignement privé, d’où en application de l’article 71 de l’Acte uniforme précité, il s’agit d’un bail professionnel qui ne saurait être civil et conclut à la cassation de ladite ordonnance de ce chef ;
Que le recourant fonde son second moyen sur la violation de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé, estimant qu’en application dudit article 101, l’expulsion n’est que la conséquence de la résiliation judiciaire du bail qui ne peut être prononcé que par le juge du fond ; que le juge de référé en se prononçant sur cette expulsion a préjudicié au fond du litige et a violé l’article 101 de l’Acte uniforme précité et que par conséquent sa décision encourt cassation ; qu’il estime d’autre part qu’en application des dispositions de l’article 101 précité et dont les dispositions sont d’ordre public, la résiliation du bail professionnel est conditionnée par la délivrance d’une mise en demeure par acte extrajudiciaire, formalité obligatoire, non respectée en l’espèce et il conclut à l’annulation de ladite ordonnance ;
Attendu qu’il est incontestable comme résultant des pièces du dossier, que la procédure
tranchée par ordonnance du juge de référé de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso est relative à la résiliation d’un bail commercial régie par les dispositions impératives de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé, auxquelles ne peut déroger le contrat liant les parties ; qu’en application de ces dispositions l’expulsion judiciaire du preneur d’un bail commercial est obligatoirement précédée d’une mise en demeure par voie d’huissier de justice et reprenant sous peine de nullité les mentions dudit article 101 ; que rien de tel n’a été scrupuleusement respectée dans la présente procédure ; que mieux l’expulsion par voie judiciaire ne peut être ordonnée au sens dudit article que par la juridiction compétente qui est ici un juge du fond et non le juge de référé, incompétent en l’espèce ; d’où il échet d’annuler la décision attaquée et d’évoquer au fond ; Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier de justice en date du 23 avril 2010, la SOCOGIB a
assigné devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Banfora, Monsieur SOU SIE Sylvain aux fins de le voir :
- expulser tant de sa personne, de ses biens que de tous autres occupants de son chef des
10 bâtiments abritant le collège moderne et technique de la Comoé sis dans la commune de Banfora ;
- condamner au paiement de dommages et intérêts d’un montant provisoirement évalué à 1000.000F CFA ;
- condamner au paiement de la somme de 500.000F au titre des frais exposés non compris dans les dépens et aux dépens ;
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- Qu’en réplique, SOU SIE Sylvain soutient qu’il existe entre eux une promesse de vente
de l’immeuble, objet du bail, avec fixation du prix de vente qui le dispense du paiement des arriérés de prime dus ; il soutient en outre l’incompétence du juge des référés, motifs pris de ce qu’une expulsion desdits locaux, objet d’un bail commercial, ne peut se faire qu’après une résiliation du bail prononcée par un juge du fond ;
Sur la compétence du juge des référés
Vu l’article 101 de l’Acte uniforme précité ;
Attendu qu’en application des dispositions impératives de l’article 101 de l’Acte
uniforme précité et ayant fondé la cassation de l’arrêt entrepris, la procédure de résiliation judiciaire d’un bail commercial doit se faire suivant une procédure rigoureusement déterminée par ledit article et que l’expulsion ne peut être prononcée qu’après une résiliation prononcée par la juridiction de fond compétente ; que dès lors le juge des référés n’a aucune compétence pour prononcer la résiliation judiciaire d’un bail commercial et a fortiori pour prononcer l’expulsion du preneur dudit bail commercial ; qu’il échet dès lors de déclarer le juge des référés incompétent pour statuer sur la résiliation d’un bail commercial et conséquemment sur l’expulsion du preneur ;
Attendu qu’ayant succombé, il y a lieu de condamner la SOCOGIB aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Déclare recevable le recours ; Casse l’Ordonnance n°78/2010 rendue le 04 novembre 2010 par le Premier Président de
la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso ; Evoquant et statuant sur le fond, Déclare le juge des référés incompétent pour statuer sur la résiliation d’un bail commercial et conséquemment sur l’expulsion du preneur ;
Condamne la SOCOGIB aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef


Synthèse
Numéro d'arrêt : 067/2014
Date de la décision : 25/04/2014

Analyses

POURVOI EN CASSATION MANDAT D'AGIR EN JUSTICE - SOCIÉTÉ ANONYME - VALIDITÉ DU MANDAT DÉLIVRÉ PAR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉCISION ATTAQUÉE - INDICATION ERRONÉE DES RÉFÉRENCES - LITIGE SUFFISAMMENT MATÉRIALISÉ DANS LA REQUÊTE - RECEVABILITÉ BAIL COMMERCIAL OU À USAGE PROFESSIONNEL BAIL D'IMMEUBLE DESTINÉ À L'EXPLOITATION D'UNE CENTRE D'ENSEIGNEMENT - APPLICATION DU STATUT RÉSILIATION - NON RESPECT DES DISPOSITIONS IMPÉRATIVES DE L'ARTICLE 101 DEVENU 133 DE L'AUDCG : CASSATION DE L'ARRÊT


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2014-04-25;067.2014 ?
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