La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 25 avril 2014 à Porto-Novo-Bénin où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président, rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président
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Madame DALMEIDA MELE Flora, Seconde Vice-présidente Messieurs Namuano F. DIAS GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna NDONINGAR, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 08 septembre 2008 sous le n°087/2008/PC et formé par Maître Souleymane OUEDRAOGO, Avocat à la Cour, 01 BP 266 Ouagadougou 01, agissant pour le compte de la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC) SA dont le Siège Social est à Ouagadougou, 10, Avenue Dr KWAME NKRUMAH, représentée par son Directeur Général, et Maître Julien LALOGO, Avocat à la Cour, 10 BP 13849 Ouagadougou, agissant pour le compte de l’Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central (URCPC), représentée par sa Présidente du Conseil d’Administration, dans la cause les opposant à l’AIT International Ltd, ayant son siège social à Dubaï, BP 22908 Scharjad UAE,
en cassation de l’Ordonnance de référé n°053/08 du 03 juillet 2008 rendue par le Vice-
président de la Cour d’appel de Ouagadougou et dont le dispositif est le suivant : « PAR CES MOTIFS Statuant en la forme de référé, contradictoirement et en dernier ressort ;
EN LA FORME Déclarons recevable l’appel de AIT International Ltd ;
AU FOND Infirmons l’Ordonnance n°19 du 15 mars 2008 du Président du Tribunal de grande
instance de Ouagadougou en ce qu’elle a annulé le procès-verbal de saisie-attribution des 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 et débouté la société AIT International Ltd de sa demande de condamnation des défendeurs ;
Statuant à nouveau, condamnons solidairement les tiers saisis BOA, BSIC, BCB et URCPC au paiement des causes de la saisie des 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 ;
Les condamnons au paiement de cinq cent mille (500.000) F de frais exposés non
compris dans les dépens ; Mettons les dépens à leur charge. » ;
Attendu que les requérantes invoquent à l’appui de leur pourvoi quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
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Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu que le pourvoi en cassation formé par BSIC et l’URCPC a été signifié par lettre recommandée avec avis de réception du 10 novembre 2008 à AIT International Ltd à l’adresse de son Conseil Maître TOUGOUMAN Jean Charles, conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans ; que AIT International Ltd n’ayant pas cru devoir déposer un mémoire en réponse, il y a lieu de passer outre et d’examiner le pourvoi, le principe du contradictoire ayant été respecté ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Jugement n°624/06 du 15 septembre 2006, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a condamné solidairement Messieurs SAWADOGO Abdoulaye et OUEDRAOGO Rasmané, pour escroquerie et complicité d’escroquerie, à payer à la société AIT International Ltd les sommes suivantes : - Montant escroqué : 103 500 000 francs CFA - Frais exposés 8 969 835 francs CFA - Honoraires d’avocat : 1 000 000 francs CFA.
Qu’en vertu de ce jugement, la société AIT International a pratiqué les 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 une saisie-attribution entre les mains de la BSIC, de l’URCPC, ainsi que d’autres institutions financières pour obtenir paiement du montant total de la condamnation, soit 113 472 738 FCFA ;
Que le 05 décembre 2006 AIT International Ltd a attrait l’URPC, la BSIC, la BCB et la BOA devant le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, juge des référés, afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement des causes de la saisie, motif pris de ce que ces institutions ont failli à leurs obligations de tiers saisis ;
Attendu que par Ordonnance n°19 du 15 mars 2007, le Président du Tribunal a annulé le Procès-verbal de saisie-attribution susmentionnée et a débouté la société AIT International Ltd de ses demandes sur le fondement de l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Que sur appel de AIT International Ltd, le Vice-président de la Cour d’appel de Ouagadougou a rendu l’Ordonnance de référé n°053/2008 du 03 juillet 2008 objet du pourvoi ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis
Attendu que les requérantes font grief à l’ordonnance querellée de leur avoir attribué la qualité de tiers saisis, alors que la BSIC ne connait pas les débiteurs saisis, SAWADOGO Abdoulaye et OUEDRAOGO Rasmané, avec lesquels elle n’a jamais entretenu de relations contractuelles ; que l’URCPC n’entretient de relations d’affaires qu’avec les seules personnes morales que sont les Caisses Populaires, mais jamais avec des personnes physiques telles que SAWADOGO et OUEDRAOGO ; qu’enfin, au sens de l’article 156 susvisé, la responsabilité du tiers saisi ne peut être engagée que dans l’hypothèse où il aurait des obligations vis-à-vis des débiteurs saisis ;
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Qu’elle reprochent en outre à l’ordonnance querellée d’avoir condamné BSIC et
l’URCPC solidairement avec d’autres banques sur la base de l’article 157 et de l’article 38 de l’Acte uniforme susindiqué, motif pris de ce que les requérantes ont fait obstacle à la procédure de saisie-attribution, alors qu’elles n’y ont jamais procédé d’autant plus que l’URCPC avait demandé à l’huissier commis à l’exécution de lui fournir de plus amples informations en vue de l’identification des débiteurs saisis et que de toute manière il ne pouvait y avoir d’obstacle dès lors qu’aucune des requérantes ne détenaient une créance quelconque dont les débiteurs saisis seraient titulaires et qui pouvait être servie à AIT International Ltd, partie saisissante ;
Attendu que le pourvoi en cassation formé par BSIC et l’URCPC a été signifié par lettre recommandée avec avis de réception du 10 novembre 2008 à AIT International Ltd à l’adresse de son conseil Maitre TOUGOUMAN Jean Charles conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans ;
Attendu que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a établi sa jurisprudence selon laquelle, lorsque « l’exploit de saisie-attribution par lequel le défendeur au pourvoi a pratiqué une saisie-attribution n’a recueilli ou mentionné aucune déclaration ni communication de pièces justificatives de l’étendue des obligations du tiers saisi à l’égard du débiteur saisi et que cet exploit ne contient pas les mentions prévues à l’alinéa 2,3) de l’article 157, il doit être en conséquence déclaré nul » ;
Que doit donc être cassé l’ordonnance de référé attaquée qui se borne à énoncer, en se fondant sur l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé, que le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur, alors même que le Juge des référés avait le devoir de rechercher si les prescriptions légales susvisées ont été régulièrement accomplies par le créancier ;
Attendu qu’il ressort également de l’esprit de l’article 156 du même Acte uniforme susvisé que ses dispositions s’appliquent exclusivement au tiers saisi, c'est-à-dire la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi en vertu d’un pouvoir propre et indépendant ; qu’elles ne peuvent pas, par conséquent , s’appliquer lorsque la personne qui a fait la déclaration n’a pas la qualité de tiers, et ce, même si l’inexactitude de la déclaration est établie ;
Qu’en conséquence de ce qui précède, il y a lieu de relever que le défaut de déclaration ou la déclaration tardive, et même si cette déclaration était donnée dans les délais légaux, n’aurait eu aucun impact sur la saisie-attribution dès lors que la personne qui a fait ou n’a pas fait la déclaration, ou l’a faite tardivement, n’a pas la qualité de tiers au sens de l’article 156 susvisé ; qu’il échet de casser l’ordonnance, objet du présent pourvoi devant la Cour de céans et d’évoquer sans qu’il ne soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu qu’en vertu d’un Jugement n°624/06 du 15 septembre 2006 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou ayant condamné solidairement Messieurs SAWADOGO Abdoulaye et OUEDRAOGO Rasmané, pour escroquerie et complicité d’escroquerie, à payer à la société AIT International LTD la somme totale de 113.472.738 FCFA, AIT International a pratiqué les 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 une saisie-attribution entre les mains de la BSIC,
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de l’URCPC, ainsi que d’autres institutions financières pour obtenir paiement des causes de la saisie ;
Que le 05 décembre 2006 AIT International Ltd a attrait l’URPC, la BSIC, la BCB et la BOA devant le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, juge des référés afin d’obtenir leur condamnation solidaire, motif pris de ce que ces institutions ont failli à leurs obligations de tiers saisis ;
Attendu que par Ordonnance n°19 du 15 mars 2007, le Président du Tribunal a entrepris la décision dont le dispositif suit :
« Statuant contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort ; Rejetons l’exception fondé sur l’article 81 du code de procédure civile soulevé par les défendeurs ;
Recevons cependant l’exception fondée sur l’article 157 de l’Acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances ;
En conséquence, annulons le procès-verbal de saisie-attribution des 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 ;
Déboutons AIT International de sa demande de condamnation des défendeurs ;
Condamnons AIT International aux dépens ;
Donnée en notre cabinet le 15 mars 2007. » ;
Attendu que par requête en date du 27 mars 2007 AIT International a interjeté appel de cette ordonnance ;
Qu’à l’appui de son recours AIT International soutient qu’en sa qualité de créancière
de la somme de 113 472 738 FCFA, elle a pratiqué des saisies-attributions auprès, entre autres, de la BSIC et de l’URCPC ; la BSIC a totalement omis de répondre et l’URCPC a refusé de déclarer les avoirs des débiteurs méconnaissant ainsi les obligations qui leur incombent en application de l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé ;
Que AIT International sollicite l’annulation de l’Ordonnance de référé n°19 du 15 mars 2007 pour violation de l’article 157 et la condamnation solidaire des institutions bancaires qu’elle a attraite ;
Attendu que dans leurs conclusions en défense, les intimées BSIC et URCPC soutiennent que le procès-verbal de saisie-attribution doit être annulé parce qu’il ne fait aucunement le décompte distinct des intérêts tel que l’exige l’article 157 de l’Acte uniforme susvisé et que les débiteurs saisis ne sont pas connus dans leurs livres de compte ;
Qu’aux termes de l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution ; Cet acte contient à peine de nullité :
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… ; 3) le décompte distinct des sommes réclamées en principale, frais et intérêts échus,
majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ;
4) l’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes saisies dans la limite de ce qu’il doit au débiteur. » ;
Que d’autre part, il ressort de l’article 156 alinéa 1 que : «le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu les cessions de créance, délégations ou saisies antérieures ; qu’il doit communiquer copies des pièces justificatives. » ;
Attendu qu’il ressort de la combinaison des dispositions susénoncées des articles 156 alinéa1 et 157 que non seulement AIT International n’apporte pas la preuve de relations d’affaires qui auraient liées ses débiteurs SAWADOGO et OUEDRAOGO aux banques BSIC et URCPC susceptibles d’engager la responsabilité de celles-ci relativement à l’inobservation de leurs obligations, mais aussi que le procès-verbal de saisie-attribution pratiquée les 15, 16, 17 et 20 novembre 2006 n’a pas observé les dispositions impératives de l’article 157 alinéa 2, 3 et 4) ; qu’en conséquence, il y a lieu de débouter AIT International Ltd de ses prétentions et de confirmer en toutes ses dispositions l’Ordonnance n°19 du 15 mars 2007 querellée et de débouter AIT Internationale Ltd de ses prétentions ;
Attendu que AIT International Ltd ayant succombé, il échet de la condamner aux
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Déclare le pourvoi recevable ;
Casse l’Ordonnance de référé n°053/08 du 03 juillet 2008 rendue par le Vice-Président
de la Cour d’appel de Ouagadougou ; Evoquant et statuant ; Confirme l’Ordonnance n°19 du 15 mars 2007 rendue par le Président du Tribunal de
grande instance de Ouagadougou ; Condamne AIT International Ltd aux dépens. Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef