La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue à Lomé-TOGO le 23 avril 2014 où étaient présents : Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président, Madame Flora DALMEIDA MELE, Second-Vice-président Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME Juge Idrissa YAYE, Juge
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Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 Avril 2012 sous le n°037/2012/PC et formé par Maître AJAVON Ata Messan, Avocat au Barreau du Togo, demeurant 1169, Avenue de Calais, BP 1202, à Lomé - TOGO, agissant au nom et pour le compte des consorts MENSAH, dans la cause qui les oppose au sieur ASSIOBO K. Tissogan, commerçant à Lomé, 11 BP 12, ayant pour Conseil Maître Yao San-Sogno ASSIOBO, Avocat à la Cour, 797 Avenue de la Libération, Lomé, et TUNKARA Aboubacar, commerçant, demeurant à Lomé,
en cassation de l’Arrêt n°242/11, rendu le 06 décembre 2011 par la Cour d’appel de
Lomé et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en appel : En la forme - Reçoit les appels principaux ainsi que l’appel incident ;
- Ordonne la jonction de la procédure inscrite au greffe de la Cour de céans sous
le numéro 802 de l’année 2009 à celle inscrite audit greffe sous le numéro 849 de la même année pour être statué par un seul et même arrêt ;
Au fond - Déclare tous ces appels mal fondés ;
- Rejette la demande du sieur ASSIOBO KOUGLO tendant à la reformation du
jugement entrepris ;
- Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions ;
- Rejette comme non fondées toutes les demandes reconventionnelles des appelants principaux ;
Les condamne aux dépens. » Attendu que les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de
cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
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Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le sieur TUNKARA Aboubacar a conclu en 1985 un contrat de bail verbal sur un immeuble à usage commercial avec les consorts MENSAH ; que courant 2002, il a, sans autorisation préalable de ses bailleurs, sous-loué une partie des locaux au sieur ASSIOBO ; Que les consorts MENSAH, ayant découvert cette sous-location courant 2004, ont expressément exprimé leur désaccord et ont mis en demeure le locataire TUNKARA de rompre la sous-location, sans succès ; que nonobstant moult autres actions entreprises en direction du sous-locataire, celui-ci s’est toujours maintenu dans les lieux ; que c’est dans ces circonstances, et après avoir, par exploit d’huissier le 23/02/2005, donné congé de six mois au locataire de libérer les locaux, que les consorts MENSAH ont assigné ce dernier en vue de son expulsion de l’immeuble loué ainsi que de tous occupants de son chef ; que par Jugement n°1260/06 du 21 juillet 2006, le Tribunal de Lomé a fait droit à cette demande en ordonnant l’expulsion du locataire TUNKARA et de son sous-locataire ASSIOBO ; que le sieur ASSIOBO, mécontent de cette expulsion, assigna à son tour les consorts MENSAH ainsi que leur locataire TUNKARA devant le Tribunal de Lomé pour expulsion illégale et réclame le versement d’une indemnité d’éviction et des dommages-intérêts ; que par Jugement n°2105/2009 du 17 juillet 2009, ledit Tribunal a fait droit à cette demande en condamnant :
- Les consorts MENSAH à lui verser la somme de 50 000 000 FCFA à titre d’indemnités d’éviction ;
- Le sieur TUNKARA à lui payer la somme de 25 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts ;
- Les consorts MENSAH et TUNKARA à lui payer solidairement la somme de
500 000 FCFA à titre de frais de justice ; Que la Cour d’appel de Lomé, sur appels de toutes les trois parties, a rendu, le 06 Décembre 2011, l’arrêt n°242/11 sus énoncé, objet du présent pourvoi ;
Attendu que la lettre n°459/2012/G2 du 07 juin 2012 adressée par le Greffier en chef
au sieur TUNKARA Aboubacar et reçue le 11 juin 2012 est demeurée sans suite ; que le principe du contradictoire ayant été ainsi respecté, il échet de statuer ; Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 89 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (non révisé) Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions de l’article 89 de l’Acte uniforme susvisé, en ce qu’il a estimé, sur la simple déclaration du locataire, que les consorts MENSAH étaient au courant de la sous-location, l’ont acquiescée et ne peuvent pas prétendre qu’elle leur est inopposable alors, selon le moyen, qu’au terme de cet article « En cas de sous-location autorisée, l’acte doit être porté à la connaissance du bailleur par tout moyen écrit. A défaut, la sous-location lui est inopposable »;
Attendu qu’il est constant que, tout au long de la procédure, aucun acte écrit attestant que la sous-location a été portée à la connaissance des bailleurs et que ceux-ci ont donné leur accord n’a été produit alors que, suivant la disposition visée, la sous-location doit être préalablement autorisée par le bailleur et être portée à sa connaissance de manière expresse ; qu’en décidant, dans ces conditions, que les consorts MENSAH connaissaient l’existence de cette sous-location et ne pouvaient exciper de son inopposabilité, la Cour d’appel de Lomé a méconnu les dispositions de l’article 89 et sa décision encourt cassation, sans qu’il soit besoin
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d’examiner l’autre moyen ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et de statuer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que, par acte d’huissier du 08 septembre 2009, les consorts MENSAH ont
relevé appel du Jugement n°2105/2009 rendu le 17 juillet 2009 par le Tribunal de première instance de première classe de Lomé qui les a condamnés à payer au sieur ASSIOBO la somme de 50 000 000 FCFA, à titre d’indemnité d’éviction, et solidairement avec le sieur TUNKARA, la somme de 500 000 FCFA au titre des frais de justice ; Qu’au soutien de leur appel, ils demandent à la Cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de constater que la sous-location a été faite au sieur ASSIOBO à leur insu ; Qu’ils exposent que le sieur TUNKARA Aboubacar, locataire, a conclu avec eux un contrat de bail verbal sur un immeuble à usage commercial ; que ce locataire a ensuite sous- loué une partie des locaux au sieur ASSIOBO, sans leur accord préalable et ne leur a pas notifié par écrit l’acte de cette sous-location ; qu’ayant découvert la sous-location, ils ont exprimé leur désaccord et ont sommé le locataire de mettre fin à cette situation, sous peine de résiliation du bail ; Que le sous-locataire ASSIOBO s’est maintenu dans les lieux, en dépit de moult actions entreprises aussi bien par son locataire que par eux-mêmes pour le voir libérer les locaux occupés ; que las d’attendre et afin de réfectionner l’immeuble délabré, ils ont obtenu du tribunal de Lomé l’expulsion du locataire et de tous occupants de son chef, après avoir servi au préalable un congé de six mois au locataire ; que c’est suite à cette expulsion que le sous-locataire ASSIOBO a saisi le tribunal et obtenu, à tort, la décision susmentionnée ; que les versements des loyers effectués par le sous-locataire entre les mains d’un huissier de justice l’ont été pour le compte de TUNKARA et non pour leur compte ; que c’est dans ces conditions que le sieur ASSIOBO s’est vu expulsé des lieux et que c’est à bon droit puisque celui-ci occupait les locaux sans titre, ni droit ; qu’il n’y a pas lieu à paiement d’indemnité d’éviction et, reconventionnellement, ils sollicitent la condamnation du sieur ASSIOBO à payer 5 000 000 FCFA, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu que le sieur ASSIOBO a fait appel incident du même jugement ; qu’il soutient, à l’appui de ses prétentions, que les bailleurs étant au courant du lien contractuel entre TUNKARA et lui, la sous-location leur est opposable et qu’au demeurant, même s’il n’existe aucun écrit le liant aux consorts MENSAH, leurs comportements à son égard s’analysent en des relations entre bailleur et preneur ; que les consorts MENSAH perçoivent des loyers de lui et ont, de ce fait, entériné la sous-location intervenue entre lui et TUNKARA ; qu’en conséquence, étant devenu locataire des consorts MENSAH, il bénéficie de tous les droits conférés à ce titre ; qu’il réclame, en tant que tel, que le jugement soit confirmé en ce qu’il lui accorde l’indemnité d’éviction, et reformé pour rehausser le quantum des dommages-intérêts, en condamnant solidairement et conjointement les consorts MENSAH et TUNKARA à lui payer 500 000 000 FCFA à titre de dommage-intérêts pour son expulsion illégale et 12 000 000 FCFA à titre de frais de justice ;
Mais attendu que toute sous-location non autorisée par le bailleur et qui ne lui est pas notifiée par écrit viole les dispositions de l’article 89 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, justifiant ainsi la résiliation du bail principal et l’expulsion du locataire et de tous occupants de son chef ; Qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que les consorts MENSAH n’avaient pas autorisé la sous-location intervenue entre leur locataire TUNKARA et le sous-locataire ASSIOBO et que cette sous-location n’a pas été portée à leur
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connaissance par écrit ; Qu’il y a lieu d’infirmer le Jugement n°2105 rendu le 17 juillet 2009 par le Tribunal de première instance de Lomé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu’il n’est justifié d’aucun abus de la part du sieur ASSIOBO dans l’exercice
de son action ; qu’il échet de débouter les appelants de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ; Attendu que le sieur ASSIOBO, ayant succombé, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le pourvoi formé le 23 Avril 2012 par les consorts MENSAH ; Casse l’Arrêt n°242/11 rendu le 06 décembre 2011 par la Cour d’appel de Lomé ; Evoquant et statuant sur le fond : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Déboute le sieur ASSIOBO K. Tissogan de sa demande ; Déboute les consorts Mensah de leur demande reconventionnelle de dommages-
intérêts pour procédure abusive ; Condamne le sieur ASSIOBO aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef