La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 23 avril 2014 à Lomé-TOGO où étaient présents : Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président, Madame Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-Président Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge, rapporteur
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge
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et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 juillet 2011 sous le n°061/2011/PC et formé par Maître Paul Damitart LARE, Avocat, à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Société Africaine de Banque dite SIAB S.A, sise à Av. Sylvanus OLYMPIO BP 4874 Lomé, dans la cause l’opposant à Société F K Construction Togo Sarl, sise à Lomé, quartier Saint Joseph BP 3066, ayant pour Conseil Maître Afoh KATAKITI, Avocat à la Cour, 05 BP 840 Lomé,
en cassation de l’Arrêt n°066 rendu le 29 mars 2011 par la Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Lomé (TOGO), dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en appel ;
EN LA FORME - Reçoit les appels interjetés par la Société FK CONSTRUCTION SARL
contre les ordonnances de référé N°791/2010, 792/2010 et 793/2010 rendues le 09 septembre 2010 rendues par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
- Ordonne la jonction des procédures objet des numéros 933, 934 et 935 du rôle général du greffe de la Cour d’Appel de céans de l’année 2010 en une seule sous le numéro 935/2010 du rôle général de cette Cour ;
AU FOND
- Constate que nonobstant la signification des ordonnances à pied de requête portant sursis à l’intimée, celle-ci a poursuivi la vente forcée avant d’obtenir la rétractation en référé ;
- Dit et juge que c’est irrégulièrement que ces ventes ont été faites ;
- Prononce en conséquence leur nullité pure et simple ;
- Dit que les ordonnances entreprises sont inopposables à la société FK CONSTRUCTION TOGO SARL ;
- Condamne l’intimée aux dépens.» ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
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Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que la Société FK Construction-Togo, s’étant trouvée dans l’impossibilité de rembourser le prêt qui lui a été consenti par la Société Interafricaine de Banque dite SIAB, signait avec celle-ci le 05 juin 2005, un protocole de remboursement ; que cet engagement n’ayant pas été honoré, le protocole sera revêtu de la formule exécutoire et une exécution sera entreprise contre FK Construction, notamment par saisie-vente du 02 novembre 2009 ; que pour faire échec à ces ventes, elle intenta plusieurs actions ; qu’aussi par Ordonnances sur requête n°2581 du 11 décembre 2009, n°0304 du 12 février 2010 et n°1652 du 28 juillet 2010 elle obtiendra successivement le sursis à la vente, l’interdiction d’enlèvement des biens et la suspension des poursuites ; que cependant à la demande de la SIAB, ces ordonnances seront rétractées respectivement par Ordonnances de référé n°793, n°792 et 791 toutes du 09 septembre 2010 ; que c’est sur appels de ces ordonnances, après jonction des procédures, que la Cour d’appel de Lomé a rendu l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que dans son mémoire en réponse en date du 21 novembre 2011, la défenderesse au pourvoi sous la plume de son conseil, a soulevé l’incompétence de la cour au motif qu’il s’agit de statuer sur l’attitude d’un plaideur qui, malgré des ordonnances sur requête lui interdisant la vente, a quand même procédé à cette vente ; que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, ne donne compétence à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, ni de trancher une question relative au respect dû à l’autorité de la chose jugée, ni de statuer sur une affaire dépourvue d’objet (la vente ayant eu lieu), lesquelles relèvent des dispositions internes de chaque Etat partie ;
Mais attendu qu’il n’est pas contesté que l’arrêt déféré a statué sur des ordonnances de
référé qui toutes ont été rendues consécutivement à des saisies-ventes ; qu’il y a là manifestement application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, justifiant la compétence de la Cour de céans ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 337 et 49 de l’Acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir appliqué l’article 163 du code de
procédure civile du Togo alors qu’aux termes de l’article 337 de l’Acte uniforme cité « le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur » et que l’article 10 du Traité dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure » ; que les parties étant dans une situation d’exécution forcée seul l’article 49 dudit Acte uniforme était applicable.
Attendu en effet que la Cour d’appel pour infirmer les ordonnances entreprises a pris
comme motivation « qu’il est constant que nonobstant la signification de ces trois ordonnances à pied de requête à l’intimée, celle-ci a procédé à la vente des biens saisis… », entérinant lesdites ordonnances sur requête, alors que les litiges relatifs à une mesure
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d’exécution doivent être réglés conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme, par le président de la juridiction ou son délégué statuant en matière d’urgence ; qu’en faisant application de l’article 163 du Code de procédure civile Togolais, l’arrêt querellé a violé les dispositions visées au moyen et encourt la cassation sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.
Sur l’évocation Attendu que suivant trois exploits en date du 23 septembre 2010, la société FK
Construction, a déclaré interjeter appels contre les Ordonnances de référé n°791, 792 et 793, toutes rendues le 09 septembre 2010 par le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé ;
Attendu que l’appelante a exposé que : - L’Ordonnance n°792 du 09 septembre 2010 a rétracté l’Ordonnance sur requête
n°0304 rendue le 12 février 2010 par laquelle il a été fait interdiction à toute personne de procéder à l’enlèvement des biens restants et entreposés dans l’enclos à Djidjolé ;
- L’Ordonnance n°791 du 09 septembre 2010 a rétracté l’Ordonnance sur requête n°1652 du 28 juillet 2010 suspendant les poursuites d’exécution forcée ;
- L’Ordonnance n° 793 du 09 septembre 2010 a rétracté l’Ordonnance sur requête
n°2581 du 11 décembre 2009 ayant mis sursis à la vente aux enchères publiques prévue le 18 décembre 2009 ;
Attendu qu’au soutien de l’appel, FK Construction a exposé que le champ
d’application de l’article 32 de l’Acte uniforme cité est limité au titre exécutoire par provision ; que le titre détenu par l’intimée étant définitif, donc insusceptible de modification, le débiteur risque de ne pouvoir se faire indemniser si l’exécution était mal faite ; que c’est à tort que le président du tribunal a rétracté les ordonnances sur requête ayant prescrit la suspension de la procédure.
Attendu qu’en réplique, la société Interafricaine de Banque a conclu à la confirmation des ordonnances de référé entreprises en ce que d’abord, elle, l’intimée, dispose d’un titre définitif ; qu’ensuite l’appelante ne justifie pas que le prix des biens déjà vendus suffit à assurer le montant dont le recouvrement est poursuivi ; qu’enfin l’on ne saurait subordonner l’exécution forcée poursuivie en vertu d’un titre définitif à l’issue d’une autre assignation pendante devant une juridiction ; qu’en tout état de cause l’article 163 du code de procédure civile Togolais est inapplicable ; Attendu que les ordonnances sur requêtes ont fait droit à des demandes du débiteur relativement à une suspension des poursuites, à un sursis à la vente et à une interdiction d’enlèvement des biens saisis ; qu’aucune de ces procédures n’est prévue au chapitre des incidents de la saisie-vente traités par les articles 129 à 146 de l’Acte uniforme portant organisation des procédure simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que donc c’est à bon droit que le Président du Tribunal a rétracté les ordonnances sur requête ; qu’il échet de confirmer les Ordonnances de référé n°791, 792 et 793 du 09 septembre 2010 ; Attendu que la Société FK Construction, succombant sera condamnée aux dépens ;
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PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Se déclare compétente ;
Casse l’Arrêt n°066 rendu le 29 mars 2011 par la Cour d’appel de Lomé ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Confirme les Ordonnances de référé n°791, n°792 et n°793 rendues le 09 septembre
2010 par le Président du Tribunal de Lomé ;
Condamne la société FK Construction-Togo aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef