La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 23 avril 2014 à Lomé-TOGO où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA Président Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président, Rapporteur Madame Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-Président
Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME Juge Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge
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et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef, Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société des Mines de l’Aïr dite SOMAIR S.A contre ECOBANK-Niger et la Nigérienne des Produits Chimiques et Matériels Industriels dite PROCHIMI SA, par Arrêt n°07-095/C en date du 26 avril 2007 de la Cour suprême du Niger, saisie d’un pourvoi formé par le Cabinet Issouf BAADHIO et collaborateurs, Avocats à la Cour, 79, Avenue du Gouverneur Jules Brevié, BP 15 Niamey- Niger, agissant au nom et pour le compte de la Société des Mines de l’Aïr dite SOMAIR S.A, ayant son siège social à Niamey BP 12910, dans la cause l’opposant à ECOBANK-Niger S.A ayant son siège social à Niamey, Angle Boulevard de la Liberté, Rue des Bâtisseurs, BP 13804, et pour Conseils le Cabinet Marc Le BIHAN, Avocats à la Cour, 86, Avenue du Diamangou, BP 343 Niamey-Niger, et à la Nigérienne des Produits Chimiques et de Matériels Industriels dite PROCHIMI S.A, ayant son siège social à Niamey BP 13.202, renvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°079/2007/PC du 17/09/2007,
en cassation de l’Arrêt n°17 rendu le 07 février 2006 par la Cour d’appel de Niamey et
dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement par décision en dernier ressort en matière
civile et commerciale ; Reçoit les appels principaux de PROCHIMI et SOMAÏR et l’appel incident
d’ECOBANK réguliers en la forme ; Au fond : Annule la décision attaquée pour violation de la loi (défaut de motifs) ; - Evoque et statue à nouveau ; - Rejette l’exception d’irrecevabilité de l’appel en cause soulevée par PROCHIMI ; - Déclare SOMAÏR et PROCHIMI responsables du préjudice subi par ECOBANK ; - Les condamne solidairement à payer à ECOBANK la somme de 148.650.000 francs en principal et celle de 5.000.000 Francs à titre de dommage-intérêts ; - Déboute ECOBANK du surplus de sa demande ; - Déboute SOMAÏR et PROCHIMI du surplus de leurs demandes et les condamne aux dépens. » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt. Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président ;
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Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 11 septembre 2003,
ECOBANK-NIGER accordait un concours financier d’un montant de 333.200.000 francs à PROCHIMI et ce dans le but de satisfaire une commande de la SOMAÏR ; qu’à la même date SOMAÏR s’engageait à domicilier par chèque ou par virement tous produits provenant de l’exécution de la commande dans un compte ouvert à ECOBANK au nom de PROCHIMI ; que cet engagement sera accepté par PROCHIMI et par ECOBANK ; qu’aussi dans son exécution la SOMAÏR a fait des virements pour un montant de 184.642.000 Francs pour ensuite interrompre tout paiement ; qu’alors ECOBANK a saisi le Président du Tribunal de Niamey qui, par Ordonnance n°335 du 25 novembre 2004, faisait injonction à la SOMAÏR de payer à ECOBANK le reliquat soit 162.000.000 francs ; que sur opposition de la SOMAIR qui a appelé en cause PROCHIMI, le Tribunal condamnait solidairement SOMAÏR et PROCHIMI à payer 148.650.000 francs à titre principal et 5.000.000 francs à titre de dommage-intérêts ; que sur appel de la SOMAÏR la Cour rendait l’arrêt frappé du présent pourvoi ;
Attendu que la lettre n°034/2009/G2 en date du 19 janvier 2009 adressée au conseil de
PROCHIMI et reçue le 13 mars 2009 pour lui notifier la réception du dossier de la procédure à la Cour, est demeurée sans suite ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il échet de statuer sur le recours ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les articles 1er et 2 visés qui
sont respectivement conçus « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ; et « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1. La créance a une cause contractuelle ; 2. L’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de
commerce ou d’un chèque dont la provision s’est relevée inexistante ou insuffisante. » ; que selon le moyen, il en résulte que la procédure d’injonction suppose une créance certaine liquide mais également l’existence d’une relation contractuelle entre le débiteur supposé et le créancier supposé ; qu’en l’espèce le dispositif de l’arrêt querellé révèle qu’il n’existait ni créance certaine ni relation contractuelle en ce qu’il « déclare SOMAIR et PROCHIMI responsables du préjudice subi par ECOBANK » alors que les questions de responsabilité civile délictuelle et contractuelle restent du domaine du droit commun et non de la procédure d’injonction de payer ;
Attendu en effet que pour mettre la somme réclamée à la charge de SOMAIR, le juge
d’appel a pris comme motivation que « cette attitude de SOMAÏR (l’interruption des virements et des paiements par chèque), constitue une violation délibérée de son engagement
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de n’apporter aucune modification à l’obligation contractée de domicilier l’intégralité des produits et recettes provenant de l’exécution du bon de commande du 29 août 2003 de 333.200.000 francs ;
Attendu que cette inexécution qui compromet ou retarde le remboursement de la dette
de PROCHIMI, crée incontestablement un préjudice à ECOBANK S.A créancière. » ; Que cette motivation ne se réfère à aucune créance certaine et ne prouve nulle relation contractuelle entre SOMAÏR et ECOBANK quant à l’existence de la créance ; qu’elle établit plutôt un comportement fautif de la SOMAÏR et une créance à la charge de PROCHIMI ; que manifestement il y a violation des dispositions visées, faisant encourir la cassation à l’arrêt entrepris sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que par exploits d’huissier en dates des 28 avril et 29 mai 2005, la Nigérienne
des Produits Chimiques et Matériels Industrielles dite PROCHIMI et la Société des Mines de l’AÏR ont respectivement interjeté appel contre le Jugement n°182 rendu le 27 avril 2005 par le Tribunal de Niamey ; qu’ECOBANK a formé appel incident à l’audience ;
Attendu que la SOMAÏR a exposé que l’engagement du 29 août 2003 relatif à la
domiciliation a été signé entre PROCHIMI et elle et que donc ECOBANK est tiers à ce contrat et ne dispose d’aucun droit pour réclamer son exécution ; que les paiements doivent être faits dans le compte de PROCHIMI ; qu’elle même ne dispose d’aucun compte à ECOBANK ; que l’opération de crédit a été faite entre ECOBANK et PROCHIMI ; qu’à ce jour elle ne doit plus rien à PROCHIMI au titre du marché financé par ECOBANK ; qu’elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris ;
Attendu que PROCHIMI pour sa part a demandé l’annulation du jugement,
l’irrecevabilité de son appel en cause par SOMAÏR et sa mise hors de cause du fait qu’elle dispose de preuves de ce qu’elle a entièrement livré les produits commandés ;
Attendu qu’ECOBANK a sollicité l’infirmation du jugement du chef du paiement du
taux bancaire et la condamnation de SOMAÏR et PROCHIMI au paiement des intérêts bancaires sur la somme de 148.650.000 francs ; qu’elle demande la confirmation du jugement sur les autres points.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que SOMAÏR n’a pas été partie au contrat
accordant le concours financier à PROCHIMI et dont résulte la créance dont le recouvrement est poursuivi ; que l’engagement de domiciliation qu’elle a signé en tant que débitrice de PROCHIMI ne donne pas droit à ECOBANK de la poursuivre par la procédure d’injonction de payer ; qu’en infirmant le jugement entrepris il y a lieu d’ordonner la rétractation de l’Ordonnance n°335 en date du 25 novembre 2004 du Président du Tribunal de Niamey et renvoyer ECOBANK à mieux se pourvoir ;
Attendu qu’ECOBANK succombant sera condamnée aux dépens
PAR CES MOTIS Statuant publiquement après en avoir délibéré,
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Casse l’Arrêt n°17 rendu le 07 février 2006 par la Cour d’appel de Niamey ; Evoquant et statuant au fond ; Infirme le Jugement n°182 en date du 27 avril 2005 du Tribunal Régional de Niamey ; Ordonne la rétractation de l’Ordonnance d’injonction de payer n°355 du 25 novembre
2004 ; Renvoie ECOBANK à mieux se pourvoir ; Condamne ECOBANK –Niger aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en chef