La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 04 avril 2014 où étaient présents :
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Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, rapporteur
Namuano Francisco Dias GOMES, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 17 janvier 2012 sous le
n°006/2012/PC et formé par Maître Charles TCHUENTE, Avocat au Barreau du Cameroun demeurant à Douala, BP 876, agissant au nom et pour le compte de la Société OK PLAST CAM, société à responsabilité limitée dont le siège social est à Douala-Bonabéri, zone industrielle MAGZI, BP 3033, dans la cause qui l’oppose à Monsieur LONKEU NJOUBOUSSI Bienvenu, commerçant demeurant à Yaoundé BP 12675,
en cassation de l’Arrêt n°081 rendu le 17 juin 2011 par la Cour d’appel du Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :
« En la forme
- constate que les appels ont déjà été reçus par Arrêt n°034/C/ADD du 18 février 2011 ;
Au fond
- Confirme le jugement n°710/ADD du 15 septembre 2008 ;
- Infirme cependant celui n°108/CIV/TGI du 16 févier 2009 ;
Statuant à nouveau relativement audit jugement ;
- constate qu’en l’espèce, il y a pratique discriminatoire des prix au préjudice de
LONKEU NJOUBISSI Bienvenu ;
- condamne en conséquence les sociétés OK PLAST SARL et SITAPLAST S.A à lui payer la somme de 67.703.389 F représentant le trop perçu ;
- Déboute LONKEU Bienvenu de sa demande en dommages-intérêts comme non justifié… » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice- Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
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Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que les Sociétés OKPLAST et SITAPLAST ont entretenu des relations commerciales avec Monsieur LONKEU NJOUBOUSSI Bienvenu de décembre 2003 à août 2004 ; que suite à un différend né relativement à un ordre de virement, la société OK PLAST portait plainte pour escroquerie contre son client ; qu’à l’occasion de cette procédure différents bordereaux de livraison furent produits par OK PLAST ; qu’en se référent à ces bordereaux, Monsieur LONKEU ayant constaté que les marchandises à lui livrées, l’ont été au delà de leur prix normal, assignait le 3 novembre 2006, les deux sociétés aux fins de répétition de l’indu évalué à 67.703.389 F ; que par Jugement n°108 rendu le 16 février 2009, le Tribunal de Douala lui accordait la somme principale et 15.000.000 F de dommages-intérêts ; que sur appel, la Cour suivant Arrêt n°081 du 17 juin 2011, confirmait le jugement quant à la somme principale mais rejetait la demande de dommages-intérêts ; c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;
Attendu que la lettre n°104/2012/G2 adressée le 1er mars 2012 par le greffier en chef de la Cour de céans au défendeur lui signifiant le pourvoi, est revenue avec la mention « non réclamé » ; que le principe du contradictoire ayant été respecté il échet de statuer sur le recours ;
Sur le premier moyen pris de la violation des articles 6 du Code de procédure civile
et commerciale du Cameroun, 23 et 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt querellé d’avoir d’une part, violé l’article 6 visé en ce que l’exploit d’assignation du 03 novembre 2006 n’indique pas avec précision le domicile du demandeur et d’autre part, les articles 23 et 25 de l’Acte uniforme suscité, l’assignation s’étant bornée à indiquer que le siège de la Société SITAPLAST est à Douala-Bonaberi sans localisation précise ;
Mais attendu que contrairement aux énonciations du moyen, les mentions de l’article 6 qui ne sont pas prescrites à peine de nullité, ont bel et bien été portées dans l’acte d’assignation et que celle des articles 23 et 25 sont relatives aux statuts des sociétés commerciales ne trouvant donc aucune application quant à la mise en œuvre de la procédure civile, que ce moyen ne peut prospérer ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 274 de l’Acte uniforme relatif au droit commerciale général et l’article 35 de la Loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême ;
Attendu que dans une première banche, il est fait état de la violation de l’article 274 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en ce que, nonobstant la prescription biennale, l’arrêt a fait droit à l’assignation du 3 novembre 2006 alors que les relations entre les parties ont pris fin depuis août 2004, et dans une deuxième branche il est fait grief de la violation de l’article 35 de la Loi du 29 décembre 2006 en ce que le juge d’appel relève des agissements frauduleux sans les caractériser et sans indiquer à quelle date Monsieur LONKEU a pris connaissance desdits agissements susceptibles de différer le point de départ de la prescription ;
Mais attendu que la Cour a adopté les motifs du premier juge qui lui, a caractérisé les agissements frauduleux découverts à l’occasion de la procédure pénale ; que l’application de l’article 274 ayant été liée à celle de l’article 275, le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen pris de la violation des dispositions des articles 206 et 207 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général et 35 (1) (b) de la Loi n°2006/016 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême ;
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Attendu que l’article 35 (1) (b) est relatif à la dénaturation des faits de la cause ; que
selon le moyen le juge d’appel a dénaturé les faits en ce que le sieur LONDKEU Njouboussi Bienvenu a assigné les sociétés OKPLAST et SITAPLAST pour « répétition de l’indu » alors que la Cour d’appel a alloué la somme de 67.703.389 F sur la base de pratique par lesdites sociétés de prix discriminatoires entre leurs clients ; Que le moyen relève également la violation des articles 206 et 207 de l’Acte uniforme susindiqué en ce que le juge d’appel comme le premier juge a procédé à l’interprétation du contrat de vente entre les parties sans rechercher quelle était leur commune intention et sans indiquer quels sont les usages et pratiques dans ce domaine l’activité ;
Mais attendu que d’une part il ressort des pièces de la procédure que la Cour sans
dénaturer les faits leur a donné une autre qualification et que d’autre part le contrat n’étant pas écrit, la preuve n’est pas rapportée que le juge l’a mal interprété, de même qu’il n’est pas prouvé que la différenciation des prix est un usage commun et régulièrement observé entre les parties ; qu’il échet donc de rejeter le moyen ;
Sur le quatrième moyen pris de la violation de l’article 7 de la Loi 2006/015 du 29
décembre 2006 portant organisation judiciaire du Cameroun modifiée et complétée par la Loi n°2011/027 du 14 décembre 2011.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions visées aux termes desquelles « toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit, l’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public de la décision », en ce que le juge d’appel en indiquant que « les appels ont déjà été reçus dans le cadre de l’arrêt avant-dire droit susévoqué, qu’il convient de constater simplement… », n’a pas mis la haute juridiction en mesure d’exercer son contrôle quant à la légalité de la recevabilité des appels ; qu’ensuite en mentionnant au 8ème rôle « un trop perçu pour l’intimé » et au 9ème rôle une condamnation des appelants au paiement de la somme, elle procède par contradiction de motifs ; qu’enfin il ne ressort nulle part la réponse de la Cour à la préoccupation de la recourante quant à la « production du dossier d’instance » résultant de ses conclusions du 15 avril 2011 ;
Mais attendu que l’Arrêt n°034/C/ADD du 18 février 2011 qui a statué sur la recevabilité des appels n’a pas été frappé de pourvoi ; que l’arrêt déféré n’a fait que constater cet ADD ; que contrairement aux énonciations du moyen, il n’y a aucune contrariété entre le 8ème rôle qui a constaté le trop perçu et le 9ème rôle qui a consacré la condamnation des sociétés appelantes ; qu’enfin la production du dossier d’instance étant une conséquence de l’appel, la réponse à telle conclusion est superfétatoire ;
Attendu qu’il y lieu de rejeter le moyen ; Sur le cinquième moyen pris de la violation des articles 39 et 214 du Code de
procédure civile et commerciale du Cameroun ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions visées en ce que les jugements et arrêts contiendront « le dispositif des conclusions, les motifs et dispositif… » ; Que selon le moyen le juge d’appel a seulement reproduit le dispositif des conclusions de la recourante en omettant celui de l’intimé ;
Mais attendu qu’il appert clairement au 6ème rôle que le dispositif des conclusions du
sieur LONKEU, tendant à la confirmation du jugement du fond, a été mentionné dans l’arrêt ;
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Attendu qu’il échet d’écarter ce dernier moyen ;
Attendu que la société OKPLAST succombant sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIS
Statuant publiquement, après en avoir délibérée ; Rejette le pourvoi formé par la Société OKPLAST ; La condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier