La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 février 2014 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’Harmonisation du droit des affaires en Afrique, par Arrêt n°67 du 02 décembre 2009 de la Cour suprême sénégalaise, d’un pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 13 janvier 2011 sous le numéro 004/2011/PC et formé par Maître Ibrahima DIOP, Avocat à la Cour, 127 Avenue Lamine GUEYE X Félix Faure, agissant au nom et pour le compte de Maître Serigne Mbaye BADIANE, Notaire, titulaire de la Charge de Dakar II demeurant à Dakar, 5-7 Avenue CARDE, 1er Etage, dans la cause l’opposant à Maître AÏSSATOU GUEYE DIAGNE Notaire Titulaire de la Charge de Dakar V demeurant à Dakar, 16 rue Emile ZOLA, ayant pour conseil Maître Sadel NDIAYE, Avocat à la Cour, 47 Boulevard de la République, Immeuble Sorano à Dakar,
en cassation de l’Arrêt n°633 rendu le 24 juillet 2008 par la Cour d’appel de Dakar, et
dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de Maître Aïssatou GUEYE
DIAGNE et de Maître Serigne Mbaye BADIANE et par défaut à l’égard de la Banque Islamique du Sénégal, en matière civile, en référé et en dernier ressort ;
Vu l’ordonnance de clôture du Conseiller de la mise en état ;
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Infirme l’ordonnance entreprise ; Statuant à nouveau, Déboute Maître Serigne Mbaye BADIANE de sa demande de mainlevée de la saisie-
attribution de créances pratiquée sur le compte BIS N°21429090135 suivant procès verbal en date du 12 Octobre 2006 ;
Le condamne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ; Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que suite à la suspension le 20 août 2001 de ses fonctions de Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE, Notaire titulaire de la charge Dakar V, Maître Serigne Mbaye BADIANE, Notaire titulaire à la charge de Dakar II, avait été désigné pour assurer son intérim ; que pour les besoins de cet intérim, ce dernier avait ouvert dans les livres de la Banque Islamique du Sénégal un compte intitulé «Maître Serigne Mbaye BADIANE, Notaire intérimaire de la charge de Dakar II » ; qu’à la fin de cet intérim, Me Aïssatou GUEYE DIAGNE avait assigné le notaire intérimaire en paiement des loyers d’un montant de 57.535.272 FCFA dont il ne s’était pas acquitté ; que par Jugement n°627 rendu le 10 mars 2004, le Tribunal régional hors classe de Dakar condamnait le Notaire intérimaire à payer ladite somme ; que sur appel, la Cour de Dakar, par Arrêt n°499 rendu le 19 mai 2005, confirmait en toutes ses dispositions le jugement attaqué ; que c’est en exécution de cette décision que Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE faisait pratiquer le 12 octobre 2006 une saisie-attribution sur le compte ouvert par le Notaire intérimaire dans les livres de la Banque Islamique du Sénégal dite BIS, pour sûreté et avoir paiement du montant des condamnations ; que par Ordonnance n°2710 rendue le 27 octobre 2006, le Juge des référés du Tribunal régional hors classe de Dakar déclarait le compte du Notaire intérimaire insaisissable et ordonnait la mainlevée de la saisie y pratiquée ; que sur appel, la Cour de Dakar a, par son Arrêt n°633 rendu le 24 juillet 2008, infirmé l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, a débouté Maître Serigne Mbaye BADIANE de sa demande de mainlevée de la saisie et l’a condamné aux dépens ; arrêt dont pourvoi ;
Sur le second et le troisième moyens réunis, tirés de la violation des articles 27 alinéa 3 et 80 alinéa 7 du Décret 2002-1032 du 15 octobre 2002 modifiant celui 79-129 du 05 novembre 1979 fixant le statut des notaires
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles visés pour avoir retenu que le compte BIS N°21429090135 intitulé «Maître Serigne M’BAYE BADIANE, Notaire intérimaire de la Charge de Dakar II» n’était pas un compte
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spécial au sens de l’article 80 du Décret 2002-1032 et ne pouvait bénéficier de l’insaisissabilité de l’article 27 du Décret précité ; alors que les termes de l’article 27 sont énoncés de manière péremptoire ;
Attendu que l’article 27 alinéa 3 du Décret 2002-1032 du 15 octobre 2002 dispose que : « la Charge de Notaire, comme l’ensemble de ses valeurs d’exploitation est insaisissable comme participant au fonctionnement du service public » et l’article 80 alinéa 7 dispose qu’: « il pourra être créé un compte spécial destiné à recevoir les fonds détenus par les Notaires pour les transactions » ;
Attendu que la Cour d’appel pour débouter le demandeur de sa prétention a motivé
comme suit : « … qu’il résulte de la sommation adressée à la BIS que le compte bancaire sur lequel a été pratiquée la saisie-attribution de créance a été ouvert au nom de Maître Serigne Mbaye BADIANE, Notaire Intérimaire de la charge de DAKAR II ; que cet intitulé reflétait un caractère plus personnel que professionnel du compte ; qu’en effet, pour pouvoir être considéré comme le compte spécial prévu par l’article 80 du Décret n° 2002-1032 du 15 octobre 2002 modifiant le Décret n° 79-1029 du 05 novembre 1979 fixant le statut des notaires et qui pourrait seul bénéficier de l’insaisissabilité prévue par l’article 27 du même décret, le compte litigieux aurait dû être plutôt ouvert au nom de l’Etude du Notaire Maître Serigne Mbaye BADIANE » ;
Attendu qu’en refusant au compte le caractère professionnel au motif que seul le
compte spécial visé à l’article 80 bénéficie du régime de protection de l’article 27 alinéa 3, le juge d’appel a ajouté auxdites dispositions une condition qu’elles ne comportent pas ; que pour cette mauvaise application, l’arrêt déféré encourt la cassation ; qu’il y a lieu donc de casser l’arrêt attaqué, évoquer et statuer sans qu’il soit besoin d’analyser l’autre moyen ;
Sur l’évocation Attendu que par exploit d’huissier en date du 31 octobre 2006, Maître Aïssatou
GUEYE DIAGNE a relevé appel de l’ordonnance rendue le 27 octobre 2006 par le juge des référés du Tribunal régional hors classe de Dakar qui a ordonné la mainlevée de la saisie qu’elle avait pratiquée sur le compte bancaire n° 21.429.0901 35 ;
Attendu que Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE soutient d’abord que l’intimé n’a pas
prouvé que le compte ouvert non pas au nom de l’Etude, mais plutôt à celui de «Maître Serigne Mbaye BADIANE, Notaire Intérimaire de la charge de DAKAR II », est le compte spécial prévu par l’article 80 du Décret n° 2002-1032 du 15 octobre 2002 et qui doit, aux termes de l’article 82 du même décret, être répertorié dans le livre journal qui retrace la comptabilité des sommes détenues pour le compte de tiers ; qu’ensuite, il n’a pas pu, au cours de la seule journée du 02 octobre 2006, veille de l’ouverture du compte et de la notification de sa nomination à la chambre des notaires, faire une opération de 50.000.000 F ni obtenir du Président du Tribunal régional la délivrance d’un livre-journal coté et paraphé ; qu’enfin les sommes contenues dans le compte ont, du fait de la saisie, été bloquées depuis plus de dix huit mois sans que le notaire rapporte la preuve qu’il a, conformément aux prescriptions de l’article 80 du décret suscité qui lui fixent un délai de six mois pour le faire s’agissant des sommes détenues pour le compte de tiers, adressé un avis sur la situation du compte au Procureur Général ; qu’elle conclut à l’infirmation de l’ordonnance querellée et au débouté ;
Attendu que de son côté, Maître Serigne Mbaye BADIANE soutient que l’appelante à
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qui il appartient de rapporter la preuve que les fonds saisis avaient été déposés, il y a plus de six mois et qu’il n’aurait pas obtenu décharge de ses clients dans ce délai, cherche à renverser la charge de la preuve ; qu’étant par ailleurs lié par le secret professionnel, il ne pourrait produire son livre journal et que le blocage du compte pendant plus de dix huit mois du fait de la saisie le dispense de reverser les sommes à la caisse des dépôts et consignations, et constituerait la justification, devant le Procureur Général, du non reversement ; que ce compte avait un caractère professionnel et c’est à bon droit qu’il a été déclaré insaisissable par le premier juge ;
Attendu qu’il n’est pas prouvé que Maître Serigne Mbaye BADIANE disposait d’autre compte que l’on pourrait supposer être ouvert à titre personnel ; que le seul existant et ouvert pour la gestion de l’intérim est présumé être professionnel et bénéficie dès lors de l’insaisissabilité prévue par l’article 27 alinéa 3 du Décret 2002-1032 du 15 octobre 2002 ;
Attendu donc que l’ordonnance entreprise relève d’une bonne appréciation des faits et d’une saine application de la loi ; qu’il échet de la confirmer ;
Attendu que Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE ayant succombé, il y a lieu de la
condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt attaqué ;
Evoquant et statuant à nouveau,
Déclare l’appel de Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE mal fondé ;
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Condamne Maître Aïssatou GUEYE DIAGNE aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier