Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice Président, Namuano F. DIAS GOMES, Juge
Madame Flora DALMEIDA MELE Juge Messieur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Mamadou DEME Juge Idrissa YAYE, Juge et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°094/2011/PC le 28
octobre 2011 et formé par Maître Henri KOUNTCHOU Avocat au barreau du Cameroun, demeurant au 32, Rue des Ecoles, immeuble Super Marché mon Ami, BP. 5519 Douala et Maître NTSAMO Etienne, Avocat au barreau du Cameroun, demeurant à Nkongsamba, BP. 655, agissant au nom et pour le compte de la Société Africaine de Promotion Immobilière en abrégée SAPI SCI dont le siège social est à Douala, rue Pau Akwa-Douala, BP 5593, dans la cause l’opposant à la Société ARNO SARL dont le siège social est à Douala, boulevard de la République BP 664, ayant pour conseils Maîtres Arlette NGOULLA FOTSO, Halilou IBRAHIMA et Antoine KITIO, Avocats à la Cour, sis respectivement à Douala BP 4389, rue du Tribunal, immeuble ancien Centre Culturel Français ; à Yaoundé BP 15536, avenue WINSTON CHURCHILL, face indépendance Hôtel, 1er étage porte 106 ; et à Douala BP 1499, rue Surcouf à côté du crédit foncier,
en annulation de l’Arrêt n°211/CIV rendu le 23 juin 2011 par la Chambre judiciaire,
section civile de la Cour suprême du Cameroun et dont le dispositif est le suivant :
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« Casse et annule l’arrêt n°157/C rendu le 18 décembre 2009 par la Cour d’Appel du Littoral ;
Evoquant et statuant ; Infirme le jugement n°368 rendu le 28 novembre 2007 par le Tribunal de Première
Instance de Douala- Bonanjo ; Déboute la société SAPI SCI de sa demande d’expulsion comme non fondée ; La condamne aux dépens distraits au profit de Maîtres NGOULLA FOTSO, Ibrahima
HALILOU et KITIO Antoine, avocats aux offres de droit ; » ; La requérante invoque à l’appui de son recours trois moyens d’annulation tel qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ; Vu les dispositions des articles 13, 14 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique ; Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Acte notarié n°713
du 07 août 1997, la société SIPCA SA a donné à bail son immeuble à la société ARNO SARL pour une durée déterminée devant, en application de l’article 4 du contrat de bail, arriver à expiration le 30 septembre 2006 ;
Que par exploit d’huissier de justice en date du 10 décembre 2002, la société SIPCA SA
a informé la société ARNO de ce que l’immeuble loué était en vente et qu’elle avait la possibilité d’exercer son droit de préemption ;
Alors que la société ARNO s’attendait à la poursuite des pourparlers en vue de la
réalisation de son droit de préemption, elle est informée de ce que par Acte notarié n°6661 du 05 février 2003, la société SAPI SCI a acquis la propriété dudit immeuble objet du titre foncier n°22472/W du département du Wouri à Douala et qu’elle s’est fait établir un certificat de propriété n°4878/Y10/MINDAF/5/P530 du 25 août 2011 par le conservateur du Wouri ;
Que la société ARNO a, immédiatement, saisi le Tribunal de grande instance du Wouri
à Douala aux fins d’annulation de ladite vente, a obtenu du Président du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo la désignation du Greffier en chef dudit tribunal comme séquestre des loyers et s’est opposée par exploit d’huissier de justice du 31 mars 2005 au préavis qui lui a été donné par correspondance du 02 mars 2004 ;
Que de son côté et suivant exploit d’assignation en date du 03 avril 2007, la SAPI SCI
a saisi le Tribunal de première instance de Douala Bonanjo d’une demande en expulsion ;
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Attendu que par Jugement n°368 en date du 28 novembre 2007, le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala accéda à la demande d’expulsion introduite par la SAPI SCI après avoir rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la société ARNO ;
Que par Arrêt n°249/Com du 06 novembre 2008, la Cour suprême du Cameroun a
annulé la vente passée entre la société SIPCA SA et la société SAPI SCI sur l’immeuble objet du titre foncier n°22472/Wouri s’agissant de la parcelle de 5.000 m2 occupée par la société ARNO et a constaté la substitution de plein droit de la société ARNO SARL à la société SAPI SCI sur la parcelle concernée sous la condition du paiement du prix correspondant ; qu’en exécution de cette décision, la société ARNO SARL s’est libérée du prix correspondant à la parcelle par elle occupée en faisant l’offre de la somme de 1.195.765.832 FCFA à la société SIPCA le 03 août 2009 et en mettant ladite somme à la disposition du vendeur par versement à la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun ;
Que sur appel de la société ARNO, la Cour d’appel du Littoral, nonobstant l’arrêt
susvisé, a, par Arrêt n°157/C du 18 décembre 2009, statué en ces termes : «Au fond, Annule le jugement entrepris ; Evoquant et statuant à nouveau, Reçoit la société ARNO en sa demande de sursis à statuer ; Déclare sa demande en indemnité d’éviction irrecevable comme intervenue pour la
première fois en cause d’appel ; Dit sa demande de sursis à statuer non fondée et la rejette ; Reçoit la SAPI SCI en son action ; Reçoit l’assignation en intervention forcée de la SIPCA SA par la société SAPI SCI ; L’y dit fondée ; En conséquence, ordonne l’expulsion de la société ARNO Sarl tant de corps que de
biens ainsi que de celle de tous occupants de son chef de l’immeuble qu’elle occupe objet du titre foncier n°22472/W appartenant à la société SAPI SCI sous astreinte de un million par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne la société ARNO Sarl aux dépens distraits au profit de Maître Henri
KOUNTCHOU KENMOGNE, Avocat aux offres de droit ; » ; Que sur pourvoi en date du 22 décembre 2009 de la société ARNO et nonobstant le
déclinatoire de compétence ratione materiae soulevé par la société SAPI SCI dans ses mémoires en réponse et en réplique, la Cour suprême du Cameroun a rendu l’Arrêt n° 211/CIV en date du 23 juin 2011, objet du présent recours en annulation ;
Sur les trois moyens d’annulation réunis
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Attendu que la requérante demande à la Cour de céans de déclarer nul et non avenu
l’Arrêt n° 211/CIV en date du 23 juin 2011 de la Chambre judiciaire, section civile de la Cour suprême du Cameroun sur le fondement de l’article 18 du Traité de l’OHADA au motif que, d’une part, la Cour suprême du Cameroun malgré son déclinatoire de compétence a statué dans une matière qui en application de l’article 14 alinéa 1 du Traité de l’OHADA relève de la compétence exclusive de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, d’autre part, ladite Cour suprême a violé les articles 92 alinéa 1 et 2 et 102 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en tranchant un contentieux relatif à un bail commercial à durée déterminée régi par les dispositions d’ordre public de l’article 92 alinéa 1 et 2 de l’Acte uniforme précité et en méconnaissance du sens et de la portée de ces articles, et enfin, elle a violé l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique en retenant sa compétence pour statuer sur le cas d’espèce et en méconnaissance de la compétence matérielle exclusive de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier notamment de l’arrêt querellé, de l’Arrêt
n°157/C du 18 décembre 2009 de la Cour d’appel du Littoral et du Jugement n°368 du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo en date du 28 novembre 2007, que le contrat de bail était conclu entre la société SIPCA SA et la société ARNO SARL ; que la propriété de l’immeuble objet du bail commercial était discutée devant les juges du fond ; que la SAPI SCI fondant son droit de propriété sur un acte notarié de vente enregistré au livre foncier ; que la société ARNO SARL se prévalant de son droit de préemption, a introduit une action en annulation de ladite vente ; que par Arrêt n°249/COM du 06 novembre 2008, c'est-à-dire pendant que le dossier était pendant devant la Cour d’appel, la Cour suprême a statué définitivement sur ladite vente qu’elle a annulée et a constaté la substitution de plein droit de la société ARNO SARL à la société SAPI SCI sur ladite parcelle moyennant le paiement du prix correspondant ; que tirant la conséquence de cet arrêt irrévocable conférant les droits de propriétaire à ARNO sur la partie de l’immeuble, objet du bail commercial, la Cour suprême dans son arrêt entrepris, a cassé l’Arrêt n°157/C de la Cour d’appel du Littoral pour violation de l’autorité de la chose jugée ;
Que dès lors, il apparaît nettement que l’Arrêt n°211 du 23 juin 2011 de ladite Cour Suprême a tranché un litige relatif à la propriété d’un immeuble conformément au droit national camerounais ; qu’ainsi, le problème juridique fondamental, ainsi résolu, il ne se pose plus de question relative à l’application d’un Acte uniforme ;
Attendu donc que c’est à bon droit que ladite Cour suprême a retenu sa compétence ;
qu’il échet dès lors de rejeter le recours en annulation ; Sur les dépens Attendu que la société SAPI SCI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux
dépens ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Rejette le recours en annulation introduit par la société SAPI SCI comme étant non fondé ;
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Condamne la société SAPI SCI aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier