La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l'Arrêt suivant, en son audience publique du 04 février 2014 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice Président Namuano F. DIAS GOMES, Juge Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge
Idrissa YAYE, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
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Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 051/2012/PC en
date du 24 mai 2012 et formé par Maître Antoine KITIO, Avocat au Barreau du Cameroun avec résidence à Douala, BP 1499, cabinet sis à Akwa-Douala, à côté de l'hôtel Bano Palace, immeuble orange, agissant au nom et pour le compte de la société ARNO SARL, représentée par son gérant, Monsieur Anestis ARNOPOULOS et dont le siège social est au 208, rue Joffre, Akwa BP 664, Douala, dans la cause qui l’oppose à la société LIBYA OIL CAMEROUN SA, représentée par son Administrateur Général, Monsieur ELKHABLASHI ABDULHAK MOHAMED et dont le siège social est au 7, rue Joffre, Akwa, BP 4058, Douala, ayant pour conseil, Maître Albert ELOUNDOU ELOUNDOU, Avocat au Barreau du Cameroun, cabinet sis 62, place du Gouvernement, Bonanjo- Douala, BP 3004,
en cassation de l'Arrêt n°154/c rendu le 21 octobre 2011 par la Cour d'appel du Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard des parties, en matière arbitrale et à l'unanimité des voix,
En la forme : Reçoit le recours de la société LIBYA OIL CAMEROUN SA ; Au fond : Prononce l'annulation de la sentence arbitrale rendue le 23 décembre 2010 par le
Centre d'arbitrage du GICAM dans la cause opposant la société LIBYA OIL à ARNO SARL ; Condamne la société ARNO SARL aux dépens. » ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique ;
Vu les articles 10 à 27 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA ; Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que les sociétés MOBIL OIL
CAMEROUN et ARNO ont conclu le 28 janvier 2003 un contrat de distribution de lubrifiants de marque «ESSO» ; qu'en vertu de ce contrat, la société MOBIL OIL cédait à la société ARNO la distribution exclusive des produits de la marque ESSO; que le 12 octobre 2006, la société MOBIL CAMEROUN informait la société ARNO de la cession de ses actions à la société T AMOIL AFRICA LIMITED ; que par correspondance en date du 23 février 2007, la société MOBIL rassurait la requérante de la pérennité de leurs engagements contractuels; que le 03 décembre 2007, la société MOBIL informait la société ARNO de la résiliation par le fournisseur ESSO du contrat de distribution des lubrifiants ;
Attendu que la société LIBYA OIL ayant repris les activités de la MOBIL OIL, proposait à la société ARNO le 21 avril 2008, le rachat du stock des lubrifiants de
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marque ESSO, la distribution de produits d'autres marques et la réduction de sa sphère géographique d'activités de distribution ;
Attendu que la société ARNO considérant qu'il y avait une modification substantielle du
contrat de distribution, saisissait le Tribunal arbitral du Centre d'arbitrage du GICAM pour rupture abusive du contrat et sollicitait des dommages-intérêts ;
Attendu que le 23 décembre 2010, le Tribunal arbitral rendait une sentence qui
condamnait la société LIBY A OIL à payer à la société ARNO la somme de 250.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que sur assignation en annulation de cette sentence introduite par LIBYA OIL, la Cour d'appel du Littoral à Douala annulait par Arrêt n°157/c du 27 octobre 2011, la sentence du Tribunal arbitral du Centre d'arbitrage du GICAM motif pris de ce que ledit Centre d'arbitrage n'était pas celui choisi par les parties dans la convention d'arbitrage ;
Attendu que c'est contre cet arrêt que la société ARNO se pourvoit en cassation ; Sur le premier moyen Attendu que la société ARNO fait grief à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 10 alinéa
1 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage en affirmant d'une part que, les parties ont fait expressément référence au règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Paris et à la Cour instituée auprès de cette institution, et d'autre part, en décidant que, le Centre d'arbitrage du GICAM n'étant pas une institution choisie par les parties dans leur convention d'arbitrage, c'est en violation de la loi que l'arbitre unique a été désigné par cette institution alors que, selon le moyen, la clause d'arbitrage insérée dans le contrat liant les parties stipulait que celles-ci devaient choisir un tribunal arbitral pour connaître leur litige ainsi que la procédure qui devait régir cet arbitrage en faisant référence à la Chambre de Commerce Internationale de Paris uniquement en ce qui concerne sa procédure de règlement de conciliation et d'arbitrage et non en qualité d'arbitre ;
Mais attendu que la clause compromissoire insérée dans le contrat passé par les parties le 28 janvier 2003 stipulait ; « Le présent contrat est régi par le droit camerounais (ou OHADA). En cas de contestation ou de litige qui pourrait survenir entre les parties concernant l'exécution ou l'interprétation d'une ou de plusieurs clauses ... le litige sera tranché définitivement suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la chambre de commerce internationale de paris par un tribunal arbitral nommé conformément à ce règlement ... » ; qu'il ressort clairement de ces dispositions, contrairement aux affirmations de la demanderesse au pourvoi, que les parties ont choisi la Chambre de Commerce Internationale de Paris pour le règlement de leur litige et qu'elles n'ont nullement porté leur choix sur un autre centre d'arbitrage ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel du Littoral n'a en rien violé la loi; qu'il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que la société ARNO reproche à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 10 alinéa 2 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage en ce qu'elle a décidé que le Centre d'arbitrage du GICAM n'est pas l'institution choisie par les parties, alors que selon le moyen, l'instance arbitrale était déjà liée devant cette institution d'arbitrage du fait de sa saisine et de
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la réponse qu'avait apportée la LIBYA OIL CAMEROUN à la demande d'arbitrage d'une part et d'autre part, de l'acceptation de la médiation du Centre d'arbitrage du GICAM et la désignation de l'arbitre unique AWANA Jean Claude par la LIBYA qui a ainsi implicitement renoncé à la clause ;
Mais attendu qu'il ressort même de la sentence que la LYBYA OIL a soulevé
l'incompétence du Centre arbitral du GICAM en se prévalant de la clause compromissoire au contrat qui précise le choix de la Chambre de Commerce Internationale de Paris comme institution d'arbitrage pour trancher leur litige; que la Cour d'appel du Littoral qui a retenu que le Centre d'arbitrage du GICAM n'a pas été choisi par les parties n'a en rien violé la loi; que ce moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen
Attendu que la société ARNO fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé l'article 26 de
l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage en prononçant l'annulation de la sentence arbitrale du 23 décembre 2010 du Centre du GICAM alors que selon le moyen, la Cour d'appel devait vérifier si l'une des six conditions alternatives de recevabilité du recours en annulation de sentence était remplie ;
Mais attendu que la Cour d'appel qui a retenu que: « c'est en violation de la loi que
l'arbitre unique a été désigné par cette institution» pour conclure à l'annulation de la sentence arbitrale querellée s'est conformée à l'une des conditions de recevabilité prévues à l'article 26 de l'Acte uniforme sus indiqué en l'occurrence la désignation irrégulière de l'arbitre unique par une institution d'arbitrage autre que celle prévue dans la clause compromissoire au contrat liant les parties; qu'en conséquence le moyen n'est pas fondé ;
Attendu que la société ARNO ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ; Rejette le pourvoi ; Condamne la société ARNO aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier