La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 janvier 2014 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, rapporteur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 juillet 2010 sous le n°067/2010/PC et formé par Maître Jean Paul Moussa VEKETO, Avocat au Barreau de la République Centrafricaine, demeurant Avenue David DACKO, Immeuble Jean Marie GUENGOUA, agissant au nom et pour le compte de ECOBANK CENTRAFRIQUE SA, dont le siège est à Bangui, place de la République, BP 910, dans la cause qui l’oppose à la Société SOCA-CONSTRUCTA SARL dont le siège est à Bangui, Avenue de l’Indépendance, BP 1438, ayant pour Conseils Maîtres Denis MOLOYOAMADE et Jacob SANGONE-
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DEMOBONA, tous Avocats au Barreau de la République Centrafricaine, Rue de la victoire, BP 2427 Bangui,
en cassation de l’Arrêt n°264 rendu le 24 juillet 2009 par la Cour d’appel de Bangui et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort :
En la forme : Déclare l’appel recevable ; Au fond : Infirme le jugement querellé dans toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau : Dit et juge que la créance de ECOBANK s’élève à la somme de 93.104.518 F ; Condamne la Société SOCA-CONSTRUCTA au paiement de ladite somme ; La condamne en outre au paiement de la somme de 45.000.000 F à titre de dommages-
intérêts ; Déboute ECOBANK du surplus de sa demande » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice-Président ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que courant 2002, la Société SOCA-CONSTRUCTA, dirigée par le sieur BABA MARTIN, bénéficiait de plusieurs concours financiers de la Banque dite BICA, devenue ECOBANK CENTRAFRIQUE, et dont le Conseil d’Administration est présidé par le même BABA MARTIN ; que devant les difficultés financières SOCA-CONSTRUCTA et la BICA signaient une convention de remboursement en date du 10 juin 2004, excluant les agios avec une clause de déchéance ; que les échéances n’ayant pas été respectées par la SOCA-CONSTRUCTA, la BICA fit jouer cette clause et intégra les agios dans le montant dû et ce, conformément à une instruction de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale ; qu’estimant le nouveau montant exagéré, SOCA-CONSTRUCTA saisissait le Tribunal de commerce de Bangui, aux fins de déclarer nulle la résiliation de la convention du 10 juin 2004, de constater que les agios évalués à 155.853.365 F sont abandonnés par la BICA, de dire que la créance de la BICA est arrêtée à 412.000.000 F, et enfin de condamner la BICA à lui payer 5 milliards à
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titre de dommages-intérêts ; que la BICA ayant conclu reconventionnellement au rejet de ces réclamations, a demandé la condamnation de SOCA-CONSTRUCTA au paiement de 872.681.285 F à titre principal et 218.680.321 F à titre de dommages-intérêts ; que par Jugement n°77 du 25 septembre 2007, le Tribunal déclarait la convention du 10 juin 2004 régulièrement résiliée, les agios abandonnés, arrêtait le solde dû par SOCA-CONSTRUCTA à 412.000.000 F et enfin condamnait la BICA à titre de dommages-intérêts ; que sur appel, la Cour infirmait ce jugement et rendait l’arrêt susvisé dont pourvoi ;
Sur la compétence
Attendu que dans son mémoire en réponse en date du 08 décembre 2010, SOCA- CONSTRUCTA a soulevé l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, en raison de ce qu’elle a déjà saisi la Cour de Cassation Centrafricaine et que le recours contient des règles de droit interne ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 16 du Traité Institutif de l’OHADA, la saisine de la Cour de céans entraîne la suspension de toute procédure de cassation devant une juridiction nationale ; qu’il y a donc lieu de rejeter cette exception, le contentieux étant relatif à la nullité d’une convention réglementée et prévue par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans le même mémoire, SOCA-CONSTRUCTA a soulevé l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la première signification a été faite par ECOBANK CENTRAFRIQUE le 09 avril 2010 ; que sans que cette signification ait été annulée, ECOBANK CENTRAFRIQUE a procédé à une deuxième signification le 1er juin 2010 qui lui a permis de faire son recours le 21 juillet 2010 ;
Mais attendu que le recourant a bien fait préciser dans la deuxième signification, que la première comportant des erreurs manifestes, a été annulée ; que dès lors, le pourvoi est recevable à compter de la deuxième signification ;
Sur les deux moyens tirés de la violation des articles 438 et 440 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
Attendu que dans un premier moyen, il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les articles 438 alinéa 3 et 440 alinéa 1er de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’appel de Bangui a confirmé l’abandon des agios en faveur de SOCA-CONSTRUCTA, alors que l’abandon est une convention soumise à autorisation préalable du Conseil d’Administration et que Monsieur BABA MARTIN, Gérant de SOCA-CONSTRUCTA, a pris part au vote sur la question ; que le deuxième moyen fait état de la violation de l’article 440 alinéas 2 et 3 du même Acte uniforme, en ce que la Cour d’appel a fixé le montant de la créance à 93.104.518 F, alors que la convention du 10 juin 2004 n’a jamais été soumise ni à l’approbation du Conseil d’Administration, ni à celle de l’Assemblée Générale Ordinaire ;
Mais attendu que lorsque les conventions réglementées prévues aux articles 438 et 448 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, n’ont pas été conclues conformément à la procédure, il appartient, en vertu de l’article 445, aux organes de la Société ou à tout actionnaire d’exercer une action en nullité devant la
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juridiction compétente dans le délai prescrit ; que la nullité ne pouvant être relevée d’office, il ne saurait être fait grief à l’arrêt querellé d’avoir maintenu les termes de la convention du 10 juin 2004 qui a exclu les agios du montant de la créance ; qu’il échet de rejeter les moyens et de déclarer le pourvoi mal fondé ;
Attendu que la BICA devenue ECOBANK CENTRAFRIQUE succombant sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Se déclare compétente ; Reçoit le pourvoi ; Le rejette comme étant mal fondé ; Condamne la BICA devenue ECOBANK CENTRAFRIQUE aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier