La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 décembre 2013 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Jean-Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 18 janvier 2011 sous le n°015/2011/PC, , et formé par Maître GANG-NON KOKO NANTIGA, Avocat au barreau de Centrafrique, BP 289 Bangui, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Abel KOMENGUE-MALENZAPA, demeurant au PK 10, Route de DAMARA, BEGOUA, BP 206, dans la cause l’opposant à ECOBANK Centrafrique S.A, dont le siège est à Bangui, Place de la République, BP 910 , prise en la personne de son Administrateur Directeur Général, ayant pour Conseils Maîtres Mathias Barthélémy MOROUBA, Jocelyn Clotaire TENGUE et TCHAKOUTE PATIE Charles, Avocats à la Cour et à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), BP 851 Bangui,
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en cassation de l’arrêt n° 175 rendu le 31 août 2010 par la Cour d’appel Bangui dont le dispositif est le suivant :
« Statuant contradictoirement à l’égard des parties, en matière de référé et en dernier
ressort : En la forme : Reçoit ECOBANK-CENTRAFRIQUE en son appel ; Au fond : Constate que la Cour de Justice de NDJAMENA a par arrêt rendu le 08 avril 2010
ordonné le sursis à exécution de l’arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 10 décembre 2009. Infirme en conséquence l’ordonnance querellée ; Statuant à nouveau : Déclare le Juge des référés national incompétent ; Met les dépens à la charge de KOMENGUE-MALENZAPA Abel » ; Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi trois moyens tels qu’ils figurent à la
requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la Banque Internationale pour la Centrafrique (BICA) éprouvait de graves difficultés de direction et de gestion en 2001/2002, quand il avait été fait appel au Sieur Abel KOMENGUE- MALENZAPA, ancien cadre dirigeant de banque ; que plus tard sur injonction de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), le Conseil d’Administration qui avait besoin d’un professionnel pour redresser l’établissement portait son choix sur le susnommé en qualité de Directeur Général ; qu’un contrat de travail entre ces deux parties avait été conclu en date du 02 janvier 2004, avec deux avenants respectifs en date des 05 octobre 2005 et 15 septembre 2006 ; qu’à sa réunion du 15 décembre 2006 tenue à Douala (Cameroun), la COBAC a décidé de suspendre les attributions de cet organe et concomitamment de nommer un mandataire avec les attributions d’un administrateur provisoire, en la personne du même Abel KOMENGUE-MALENZAPA ; mais quelque temps après, la COBAC, procédait à son remplacement ; que mécontent de cette situation, le sieur Abel KOMENGUE-MALENZAPA décida de saisir le 07 juin 2007 la Cour de Justice de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), pour la réparation du préjudice à lui causé par les décisions de la COBAC, organe de la CEMAC ; qu’alors que l’on s’attendait à une décision contre la COBAC, ce fut plutôt la société ECOBANK-Centrafrique, nouveau repreneur de la BICA, qui sera condamnée par l’Arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 09 décembre 2009 à servir divers droits ; que cet arrêt de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC a été notifié le 25 janvier 2010 à ECOBANK-Centrafrique qui a réagi en saisissant ladite Cour aux fins de tierce opposition et de sursis à exécution ; que le sursis sera accordé par Arrêt n°05/CJ/CEMAC/10 du 08 avril 2010 et la rétractation par Arrêt n°01/2011 du 10
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novembre 2011 ; qu’entre temps, le sieur Abel KOMENGUE-MALENZAPA a mis en exécution le premier arrêt par saisie-attribution du 28 janvier 2010 sur le compte bancaire d’ECOBANK-Centrafrique tenu par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) de Bangui, tout en sollicitant à la Cour de céans l’annulation des Arrêts CEMAC n°05/2010 du 08 avril 2010 et n°01/2011 du 10 novembre 2011 ; qu’ECOBANK-Centrafrique qui a contesté cette saisie-attribution devant le Président du Tribunal de grande instance de Bangui , a été déclarée irrecevable par Ordonnance n°082 du 22 mars 2010, laquelle déférée devant la Cour d’appel de Bangui, a été infirmée par l’Arrêt n°175 du 31 août 2010, dont pourvoi ;
A/ En la forme 1. Sur la recevabilité du pourvoi pour défaut d’intérêt Attendu qu’ECOBANK-Centrafrique, s’appuyant sur l’article 32 alinéa 2 du
Règlement de procédure de la CCJA, soulève d’abord l’irrecevabilité du pourvoi formé par Abel KOMENGUE-MALENZAPA pour défaut d’intérêt en ce que l’arrêt attaqué ne lui fait pas grief, du fait que cette décision, pas plus que l’ordonnance de référé du 22 Mars 2010, n’a donné suite favorable à la contestation de la saisie-attribution ;
Mais attendu que l’arrêt attaqué dispose comme suit : « … Au fond : Constate que la Cour de Justice de NDJAMENA a, par arrêt rendu le 08 avril 2010, ordonné le sursis à exécution de l’Arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 10 décembre 2009 ; Infirme en conséquence l’ordonnance querellée ; Statuant à nouveau : Déclare le Juge des référés national incompétent ... » ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt attaqué empêche la poursuite des actes judiciaires inhérents à la saisie-attribution de créances initiée à l’encontre d’ECOBANK- Centrafrique portant ainsi grief aux intérêts du sieur Abel KOMENGUE-MALENZAPA ; que donc cette exception n’est pas fondée ;
2. Sur la recevabilité pour forclusion
Attendu qu’ECOBANK-Centrafrique soulève ensuite la forclusion en ce que l’arrêt querellé a été signifié le 16 novembre 2010 et le recours déposé à la Cour le 18 janvier 2011, soit plus de deux mois après, alors qu’aux termes de l’article 28-1 du Règlement de procédure de la CCJA, le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée ;
Attendu en effet que l’article de 28-1 du Règlement de procédure de la CCJA dispose que : « Lorsque la Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation prévue au troisième ou quatrième alinéa de l’article 14 du Traité, le recours est présenté au Greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’Avocat du requérant dans les conditions fixées à l’article 23 ci-dessus ... » ; mais attendu que la décision n°002/99/CCJA augmentant les délais de procédure en raison de la distance, dans son article 1er dispose que : « Sauf si les parties ont leur résidence habituelle en Côte d’Ivoire, les délais de procédure sont augmentés, en raison de la distance, comme suit :
- en Afrique centrale : de vingt et un jours, - en Afrique de l’ouest : de quatorze jours, - en République Fédérale Islamique des Comores et autres pays : trente jours » ;
Attendu qu’en ajoutant les vingt un jours prévus pour l’Afrique centrale au délai de deux mois le pourvoi est recevable ;
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B/ Au fond Sur le premier moyen de cassation en sa deuxième branche tirée de la violation de
l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que sieur Abel KOMENGUE-MALENZAPA fait grief à l’arrêt attaqué
d’avoir violé l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il a déclaré que le juge des référés national était incompétent pour statuer sur une contestation de saisie-attribution alors qu’en telle matière la compétence du juge national de l’urgence est exclusive ;
Attendu en effet qu’aux termes l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou une saisie conservatoire est le président statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui... » ; qu’il s’en suit que la contestation de saisie-attribution entreprise par ECOBANK relève de cette juridiction et que le Président du Tribunal de grande instance de Bangui est bel et bien le juge national compétent à statuer par voie de référé sur les litiges et demandes concernant l’exécution forcée ; qu’en le déclarant incompétent en la matière, l’arrêt de la Cour d’appel de Bangui viole l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et mérite cassation sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Sur requête reçue au greffe de la Cour d’appel de Bangui, le 09 juin 2010, enregistrée
sous le n°250/10, ECOBANK Centrafrique a interjeté appel de l’Ordonnance de référé n°082 rendue le 22 mars 2010 par le Président du Tribunal de grande instance de Bangui ;
Attendu qu’ECOBANK Centrafrique à l’appui de l’appel a conclu à l’infirmation de
l’ordonnance entreprise au motif que par Arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 rendu le 09 décembre 2009, la Chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC à N’Djamena l’avait condamnée à payer les trois mois de préavis à KOMENGUE MALENZAPA, mais cette même chambre est revenue sur sa décision en ordonnant le sursis à son exécution par Arrêt n°05/CJ/CEMAC/CJ/10 du 08 avril 2010 ; que par conséquent, elle demande que la saisie pratiquée par KOMENGUE MALENZAPA soit annulée ;
Attendu que pour sa part, sieur KOMENGUE MALENZAPA Abel conclut à la
confirmation de l’ordonnance entreprise sur le fondement de l’article 32 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision ; qu’il soutient qu’en vertu de l’arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 rendu le 09 Décembre 2009, il a pratiqué une saisie attribution sur le compte d’ECOBANK le 28 janvier 2010 pour la somme de 112.973.952, FCFA, détenu par la BEAC à Bangui ; qu’en plus il relève appel incident pour demander à la Cour d’ordonner le payement immédiat de la somme par la BEAC ;
Sur la recevabilité de la requête en contestation
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Attendu qu’en l’espèce, il ressort de l’analyse des pièces dossier que la contestation a été élevée par requête en date de 25 février 2010 et non par assignation, formalité prescrite par l’article 170 de l’Acte uniforme portant Organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’à cet égard elle est irrecevable ;
Mais attendu que l’Arrêt n°01 rendu le 10 novembre 2011 a rétracté la décision de condamnation contre ECOBANK et retiré tout effet exécutoire au titre ; qu’il y a lieu dès lors de dire qu’aucune exécution ne peut être entreprise contre ECOBANK ;
Attendu que sieur Abel KOMENGUE MALENZAPA ayant succombé, il y a lieu de
le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le pourvoi contre l’Arrêt n°175 rendu le 31 août 2010 par la Cour d’appel Bangui ;
Casse l’Arrêt n°175 rendu le 31 août 2010 par la Cour d’Appel Bangui ;
Evoquant et statuant à nouveau,
Confirme l’ordonnance entreprise ; mais constate que la Cour de Justice de la CEMAC a rétracté son Arrêt n°011/CJ/CEMAC/CJ/09 du 09 décembre 2009 ;
Dit que du fait de la survenance de l’Arrêt n°01 du 10 novembre 2011, aucune exécution ne peut être poursuivie contre ECOBANK ;
Condamne sieur Abel KOMENGUE MALENZAPA aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier