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22/11/2013 | OHADA | N°099/2013

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 22 novembre 2013, 099/2013


Il y a une contradiction manifeste entre les deux motivations d’un arrêt qui, pour confirmer la décision querellée, a retenu d’une part « …que la [banque tierce-saisie] a commis une faute en libérant les sommes saisies » et d’autre part que « … le greffier en chef du Tribunal (…) a signé de manière régulière un certificat de non contestation » ; cet arrêt encourt la cassation et l’évocation sans besoin d’examiner la première branche du moyen.
Sur évocation, il ne peut être reproché à une banque, tierce-saisie, de s’être dessaisie des sommes saisies au

vu du certificat de non contestation délivré par le Greffier en chef.
ARTICLE 83 AUPSR...

Il y a une contradiction manifeste entre les deux motivations d’un arrêt qui, pour confirmer la décision querellée, a retenu d’une part « …que la [banque tierce-saisie] a commis une faute en libérant les sommes saisies » et d’autre part que « … le greffier en chef du Tribunal (…) a signé de manière régulière un certificat de non contestation » ; cet arrêt encourt la cassation et l’évocation sans besoin d’examiner la première branche du moyen.
Sur évocation, il ne peut être reproché à une banque, tierce-saisie, de s’être dessaisie des sommes saisies au vu du certificat de non contestation délivré par le Greffier en chef.
ARTICLE 83 AUPSRVE
CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 099/2013 du 22 novembre 2013 ; Pourvoi n° 107/2010/PC du 19/11/2010 : Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC S.A) c/ Monsieur IPANDA François de Paul, Monsieur le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de Yaoundé-EKOUNOU, Etat du Cameroun, représenté par le Ministère de la Justice, Recueil de jurisprudence n° 20, Vol. 2, jan. – déc. 2013, p. 18-22.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine publique tenue à Kinshasa (République Démocratique du Congo) le 22 novembre 2013 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Marcel SEREKOISSE-SAMBA, Premier Vice-président Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice- Président
Namuano F. DIAS GOMES, Juge, Rapporteur Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Monsieur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 novembre 2010 sous le
n°107/2010/PC et formé par la SCPA MEMONG-ETEME & ASSOCIES, B.P 12538 Yaoundé et la SCPA DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite
BICEC S.A dont le siège social est à Douala, BP 1925 Avenue du Général de GAULLE, République du Cameroun, aux poursuites et diligences de son Directeur Général Adjoint domicilié audit siège, dans la cause qui l’oppose à Monsieur IPANDA François de Paul, BP 11581 Yaoundé, et l’Etat du Cameroun représenté par le Ministère de la Justice, BP 1000 Yaoundé-Cameroun,
en cassation, de l’Arrêt n°345/Civ rendu le 23 juillet 2010 par la Cour d’appel du Centre (Yaoundé) statuant en matière de contentieux de l’exécution et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de contentieux de l’exécution,
en appel et à l’unanimité des membres ; En la forme Reçoit l’appel ainsi que l’assignation en intervention forcée introduite par la BICEC
SA contre le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de Yaoundé-Ekounou et l’Etat du Cameroun représenté par le Ministère de la Justice;
Au fond Déclare non fondée l’assignation en intervention forcée, met en conséquence hors de
cause le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de Yaoundé-Ekounou et l’Etat du Cameroun ;
Confirme la décision entreprise ; Condamne l’appelante aux dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort du dossier de la procédure que Maître IPANDA François de Paul, Avocat au Barreau du Cameroun, a sollicité et obtenu de Monsieur le Bâtonnier des avocats, en 2003, une ordonnance de taxe contre Madame Ndoumbé Toto Henriette, veuve de SOPPO PRISO , pour un montant de 75.000.000 (soixante quinze millions) de francs CFA dans la cause l’opposant à la succession de son défunt époux, Paul SOPPO PRISO ; que la succession du decujus ayant refusé de payer à l’amiable la somme susindiquée à la place de la veuve, Maître IPANDA François de Paul a engagé contre celle-ci une procédure de recouvrement forcé qui a abouti à la condamnation de la Société Chococam, tiers saisi aux causes de la saisie-attribution des créances et ceci, pour déclaration mensongère et par application de l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que parallèlement à la procédure initiée par Maître IPANDA François de Paul, Monsieur AKONO Eyinga Jean, mandataire de Madame Ndoumbé Toto Henriette, a obtenu le 14 juillet 2005, l’Ordonnance d’injonction de payer n°121, condamnant Maître IPANDA à payer à la veuve la somme de 55.000.000 (cinquante cinq millions) de francs CFA ; que pour éviter de s’évanouir dans les différentes procédures
entre Maître IPANDA et sieur AKONO, CHOCOCAM obtenait par Ordonnance n°113 du 15 décembre 2005, que les sommes soient remises à la BICEC en qualité de séquestre jusqu’à l’issue du litige qui oppose Maître IPANDA François Paul à sieur AKONO EYINGA Jean ; que sur opposition de Maître IPANDA François de Paul à l’injonction de payer n° 121, le Tribunal de grande instance du Mfoundi, par Jugement n°429 du 23 mars 2006, a rétracté l’Ordonnance n°121 du 14 juillet 2005 ; que saisie par le mandataire AKONO Eyinga Jean, la Cour d’appel de Yaoundé, par arrêt n°487 du 25 août 2006 a annulé le jugement entrepris et condamné Maître IPANDA François de Paul à payer à Monsieur AKONO Eyinga Jean, la somme de 55.000.000 (cinquante cinq millions) de francs susmentionnée; que Maître IPANDA François de Paul, s’est pourvu en cassation contre cet Arrêt, pourvoi enregistré à la CCJA sous le n°077/2006/PC du 02 octobre 2006 ; que muni du dit arrêt, sieur AKONO a entrepris l’exécution forcée ; qu’après plusieurs procédures de conversion et de mainlevée, la saisie conservatoire sera convertie en saisie-attribution le 06 novembre 2006 sans contestation ; qu’alors le greffier en chef du Tribunal de première instance de Yaoundé- EKOUNOU délivrait le 04 novembre 2006 un certificat de non contestation qui a été présenté à la BICEC séquestre aux fins de paiement et de dessaisissement des sommes qu’elle gardait ; que plus tard le 21 novembre 2009, Maître IPANDA se prévalant d’une ordonnance n°119 du 11 juillet 2007 ayant annulé la saisie, assignait la BICEC SA aux fins de lui reverser les sommes mises sous séquestre ; que par Ordonnance n°432 du 25 août 2009 le Président du Tribunal de première instance de Yaoundé-centre Administratif faisait droit à la requête ; que suivant Arrêt n°345 du 23 juillet 2010 dont pourvoi, la Cour d’appel confirmait cette décision ;
Attendu que par lettres n°581/2010/G2 et n°583/2010/G2 du 23 décembre 2010 le
Greffier en chef de la Cour de céans a tenté de joindre L’Etat Camerounais représenté par le Ministère de la Justice et Monsieur IPANDA Paul François afin de leur signifier, en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, le recours en cassation formé pour le compte de BICEC contre l’Arrêt n°345/Civ rendu le 23 juillet 2010 par la Cour d’appel du Centre (Yaoundé) ; que ces correspondances sont demeurées sans suite ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Sur le moyen unique en sa deuxième branche : contradiction de motifs
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir, d’une part relevé qu’aucune contestation n’avait été faite contre l’acte de conversion du 06 novembre 2006 ; que le certificat de non contestation avait été régulièrement délivré et d’autre part déclaré que « la BICEC SA a commis une faute en libérant les sommes saisies alors que les contestations étaient encore pendantes » ; que devant cette contradiction , il y a lieu casser l’arrêt entrepris ;
Attendu en effet que pour confirmer la décision querellée, le Juge d’appel a pris comme motif d’une part « …que la BICEC a commis une faute en libérant les sommes saisies » et d’autre part « … le greffier en chef du Tribunal de Première Instance de Yaoundé– EKOUNOU a signé de manière régulière un certificat de non contestation » ; qu’il y a là une contradiction manifeste entre les deux motivations du fait que la BICEC a pris comme seul argument du paiement, le certificat de non contestation ; qu’il y a lieu donc de casser l’arrêt querellé et évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner la première branche ;
Sur l’évocation
Attendu que par requête en date du 08 Septembre 2009 la BICEC a déclaré interjeter
appel contre l’Ordonnance N°432 rendue le 25 août 2009 par le Président du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif ayant ordonné à la BICEC de libérer entre les mains de Maître IPANDA la somme de 58.374.976 FCFA mise sous séquestre sous astreinte de 200.000 FCFA par jour de retard ;
Attendu qu’au soutien de son appel, la BICEC SA a exposé que les conversions de
saisie conservatoire en saisie-attribution des 07 septembre et 17 octobre 2006 ont été levées volontairement par le saisissant ; que donc elles ne produisaient plus d’effet et que les contestations de Maître IPANDA ont abouti au même résultat que la main levée volontaire ; que le paiement a eu lieu suite à une troisième conversion du 06 novembre 2006 qui n’a pas été contestée ; que dès lors le reproche relatif aux paiements malgré l’existence de procédures en cours, n’est pas fondé ; que donc c’est de manière régulière que le paiement a été fait au vu du certificat de non contestation conformément à l’article 83 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’elle conclut à l’annulation de l’ordonnance querellée et au débouté de Maître IPANDA ;
Attendu que Maître IPANDA a conclu à la confirmation de la décision entreprise aux motifs que suite à l’ordonnance n°523/C du 31 mai 2007 ayant prononcé la nullité de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution du 07 septembre 2006 et celle n° 330 du 21 juin 2007 prononçant la nullité du procès verbal de conversion du 17 octobre 2006, dressé par Maître BALENG MAAH Célestin, huissier de justice, le certificat de non contestation délivré par le Greffier en chef porte non sur les trois conversions mais uniquement sur la dernière datée du 06 novembre 2006, alors qu’en cas de pluralité de conversions le tiers doit attendre l’issue de toutes les contestations ; qu’en conséquence la BICEC SA est la seule responsable du préjudice dont il est, lui, victime ;
Attendu que Maitre NGOUABE Geneviève, Avocat au Barreau du Cameroun,
agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Cameroun, intimé, demande au principal que l’intervention forcée de l’Etat soit déclarée irrecevable pour incompétence et subsidiairement que les deux procédures de contestation opposant Maître IPANDA à sieur AKONO EYINGA suivent leurs cours devant le Tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif et devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé-Ekounou ; que la BICEC S.A était appelée à ces instances en sa qualité de séquestre ; que la BICEC avait connaissance de ces deux procédures ; que le certificat de non contestation délivré par le Greffier en chef du Tribunal de Première instance de Yaoundé-Ekounou porte non pas sur les trois conversions mais uniquement sur la dernière datée du 6 novembre 2006 ; que le tiers ne peut procéder au paiement qu’en l’absence de contestation ; qu’en cas de contestation, le tiers doit attendre l’issue de celle-ci, c’est-à-dire l’intervention de la décision du juge saisi du contentieux de l’exécution ; et qu’en cas de pluralité de contestations le tiers doit attendre l’issue de toutes ou la production des certificats de non contestation les touchant toutes ; qu’en se contentant d’un seul certificat de non contestation la BICEC SA a méconnu les exigences de la loi et a agi avec légèreté assimilable à de la turpitude ; que la BICEC S.A était la seule responsable du préjudice causé à Maître IPANDA ; qu’il n y a pas lieu à condamner le greffier en chef du Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou et par conséquemment pas de garantie par l’Etat du Cameroun de quelque condamnation que ce soit ;
Attendu qu’il est constant que l’acte de conversion du 06 novembre 2006 n’a fait
l’objet d’aucune contestation ; que les premiers actes de conversion avaient fait l’objet de mainlevée volontaire ; que le certificat de non contestation a été délivré par le Greffier en chef ; que l’article 83 de l’Acte uniforme précité disposant que la copie de l’acte de conversion est
signifiée au débiteur qu’à compter de cette signification, le débiteur dispose d’un délai de quinze jours pour contester l’acte de conversion devant la juridiction de son domicile ou du lieu où il demeure ; qu’en l’absence de contestation, le tiers effectue le paiement au créancier ou à son mandataire, sur présentation d’un certificat du greffe attestant l’absence de contestation; que le Greffier a délivré ledit certificat de non contestation dont la régularité n’est remise en cause ni par l’Etat, ni par Maître IPANDA ; qu’il ne peut dès lors être reproché à la BICEC de s’être dessaisie des sommes au vu dudit certificat ;
Attendu que Maître IPANDA François de Paul ayant succombé, il y a lieu le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°345/Civ rendu le 23 juillet 2010 par la Cour d’appel du Centre (Yaoundé-Cameroun) ;
Evoquant et statuant au fond,
Infirme l’ordonnance n°432 rendue le 25 août 2009 ; statuant à nouveau déclare la requête de Maître IPANDA François de Paul mal fondée et l’en déboute ;
Condamne Maître IPANDA François de Paul aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en chef


Synthèse
Numéro d'arrêt : 099/2013
Date de la décision : 22/11/2013

Analyses

POURVOI EN CASSATION - CONTRADICTION ENTRE LES MOTIFS D'UN ARRÊT - CASSATION PROCÉDURE DEVANT LA CCJA - INJONCTION DE PAYER - CRÉANCE FONDÉE UNIQUEMENT SUR DES FACTURES UNILATÉRALEMENT ÉTABLIES - INCERTITUDE DE LA CRÉANCE SAISIE ATTRIBUTION - CONVERSION - LIBÉRATION DES SOMMES PAR LE TIERS SAISI EN ABSENCE DE CONTESTATION


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2013-11-22;099.2013 ?
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