La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine publique tenue à Kinshasa (République Démocratique du Congo) le 22 novembre 2013 où étaient présents : Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Marcel SEREKOISSE-SAMBA, Premier Vice-président Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice-président Namuano F. DIAS GOMES, Juge, Rapporteur
Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Monsieur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
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Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 02 juin 2010 sous le n°053/2010/PC et formé par La Société Civile Professionnelle d’Avocats BILE-AKA, BRIZOUA-BI et Associés, Avocats à la Cour, sis au 7 Boulevard LATRILLE, Abidjan Cocody 25 BP 945 Abidjan 25 et Maître Thomas DINGAMGOTO, BP 1003 N'DJAMENA, Avocats, à la Cour, agissant au nom et pour le compte de ESSO EXPLORATION AND PRODUCTION CHAD INC dite ESSO TCHAD SA, Société enregistrée dans l’Etat de DELAWARE (USA), succursale du Tchad dont le siège est à N’Djaména, BP 694, prise en la personne de D. SCOTT MILLER son Directeur Général, dans la cause l’opposant à Ingénierie Electronique Service en abrégé IES SARL, ayant son siège social à N'Djaména BP 1481, et pour Conseils la Société Civile Professionnelle d’Avocats les OSCARS, 06 BP 390 ABIDJAN 06 et le Cabinet DJAÏBE et Associés, Avocats au Barreau du Tchad, BP 1011 N’Djaména,
en cassation de l’Arrêt civil répertoire n°059/2010 du 26 mars 2010 rendu par la Cour
d’appel de N’Djamena, dont le dispositif est le suivant : « Après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière
commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit l’appel de la Société IES;
Au fond : Infirme le Jugement n°071/07 du 21/11/07 en toutes ses dispositions.
Evoque et statue à nouveau, condamne ESSO Exploration and Production Chad et IHS Europ Assistance solidairement à payer à IES la somme de 12.751.248 FCFA en principal et 3.000.000 FCFA à titre de droit et 1.500.000 FCFA à titre de frais de procédure, soit une somme totale de 17.251.248 FCFA ;
Les condamne solidairement aux dépens liquidés à la somme de cinq cent cinquante
mille (550.000) F CFA » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’INGENIERIE ELECTRONIQUE SERVICE en abrégé IES SARL, s’estimant créancière de la Société ESSO EXPLORATION AND PRODUCTION CHAD INC dite ESSO TCHAD SA , a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de commerce de N’Djaména l’Ordonnance n°012/07 du 27 avril 2007, faisant injonction à celle-ci de lui payer la somme totale de 17.751.248 F ; que suite à l’opposition de ESSO TCHAD SA, le Tribunal
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de commerce de N’Djaména, par Jugement n°071/07, du 21 novembre 2007 rétractait ladite ordonnance au motif qu’elle n’est pas redevable ; que sur appel, la Cour de N’djamena, suivant Arrêt n°059 du 26 mars 2010, infirmait le jugement entrepris et condamnait ESSO TCHAD SA à payer à IES SARL, solidairement avec Europe Assistance les sommes réclamées ; que c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;
Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 1er de
l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé l’article 1er de l’Acte uniforme
susvisé en ce qu’il a été fait fi des dispositions qui régissent la matière, établissant les critères et conditions d’une procédure d’injonction de payer ; qu’il résulte des faits de la cause que si la créance est chiffrée, elle n’est ni certaine ni exigible, que c’est à tort que la procédure d’injonction de payer a été mise en œuvre ;
Attendu que pour infirmer le jugement et faire droit à l’injonction de payer, le juge
d’appel a pris comme motif « que si ESSO TCHAD SA nie tout lien contractuel avec IES SARL et que sa responsabilité ne peut être engagée dans cette relation d’affaire qu’elle considère comme étant l’affaire de Europ Assistance et IES, l’examen du dossier à travers les pièces qui y sont versées prouvent à suffisance que ESSO TCHAD SA a bel et bien établi des relations contractuelles avec IES à travers ses représentants ; que les docteurs Togyem et Mogodé sont bien employés de ESSO ; de plus, ESSO reconnait expressément dans ses écritures que Europ Assistance a l’obligation de lui soumettre toutes les commandes qui, avant leur acceptation doivent être approuvées par elle par l’entremise de ses services représentés par Mogodé Judith ; que dès l’instant où Mogodé approuve une commande, cela engage ipso facto la responsabilité de ESSO ; qu’en mettant hors de cause ESSO comme il l’a fait, le premier juge, n’a pas assis sa décision sur de bases légales ; qu’il convient de retenir la responsabilité de ESSO et de la condamner pour la présente cause » ;
Attendu que de cette motivation n’apparait nulle part l’existence d’une créance
certaine liquide et exigible, alors que ces conditions sont substantielles dans la procédure d’injonction de payer conformément à l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées, de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il échet de casser l’arrêt querellé sans qu’il ne soit besoin d’examiner l’autre moyen ;
Sur l’évocation Attendu que par acte du 23 novembre 2007, la société IES SARL a déclaré relever
appel du Jugement n°071/07 du 21 novembre 2007 rendu par le Tribunal de commerce, qui a déclaré l’opposition ESSO TCHAD SA recevable et fondée et constaté qu’elle n’est pas redevable et a rétracté l’ordonnance d’injonction de payer.
Attendu qu’au soutien de son appel IES SARL a exposé qu’elle est attributaire d’un marché de fourniture de matériels médicaux d’un montant de 12.751.248 F à la clinique Koné 5 pour le compte de ESSO TCHAD SA; que les factures proforma avec des propositions de prix de matériels à livrer et leur quantité lui ont été transmises par internet ; que c’est après toutes les formalités au niveau de ESSO TCHAD SA qu’elle a livré des matériels qui ont été réceptionnés le 11 novembre 2006 ; qu’alors qu’elle s’attendait au paiement, EEPCI s’y oppose au motif que les quantités sont de trop et qu’elle ne paiera que 5.394.272 F ; qu’elle
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sollicite le paiement de 12.751.248 F à titre principal, 3.000.000 F d’intérêt de droit et 1.500.000 F de frais de procédure ;
Attendu qu’en réplique, ESSO TCHAD SA a conclu à la confirmation du jugement
querellé en expliquant que dans le cadre de l’organisation et du fonctionnement de la clinique Koné 5 chargée de soigner son personnel elle a contracté avec Europ Assistance HLS chargée de l’administration et de la gestion de ladite clinique ; que c’est Europ Assistance qui passe les commandes et reçoit livraison des produits des fournisseurs avec lesquels elle contracte librement ; que c’est elle qui soumet la commande à l’appréciation de ESSO TCHAD SA par ses services techniques représentés par Docteur MOGODE, qu’elle, ESSO TCHAD SA, n’est pas liée par un contrat quelconque à IES;
Attendu que la requête aux fins d’injonction de payer est sous-tendue seulement par
une facture pro forma du 4 novembre 2006 et par une facture N°007/PBT/02/07 du 05 février 2007 toutes des pièces émanant de IES ; que manifestement ces pièces sont insuffisantes pour établir une créance certaine ; qu’il échet dès lors de rejeter la requête en injonction de payer et renvoyer IES SARL à mieux se pourvoir ;
Attendu qu’IES SARL succombant sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement après en avoir délibéré, Casse l’Arrêt n°59/2010 rendu le 26 mars 2010 par la Cour d’appel de Ndjamena ; Evoquant et statuant le fond ; Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Déclare la requête en injonction de payer mal fondée ; Renvoie IES SARL à mieux se pourvoir ; Condamne IES SARL aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef