Le pourvoi en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage obéit aux règles de l’article 15 du Traité Ohada et de l’article 28 du règlement de procédure de ladite Cour et non aux règles nationales du pourvoi en cassation. Il en résulte que l’absence de signification de l’arrêt attaqué n’a aucune incidence sur la recevabilité du pourvoi.
En matière d’hypothèque judiciaire conservatoire, l’article 136 AUS prescrit que l’action en validité de cette hypothèque doit être formée devant la juridiction compétente dans le délai fixé par la décision qui a autorisé ladite inscription.
L’assignation servie doit être considérée comme l’acte introductif d’instance et non l’enrôlement. En énonçant que la simple assignation ne peut être assimilée à une saisine de la juridiction et qui requiert, en plus, d’autres formalités et prononce la mainlevée de l’hypothèque pour cause de caducité de l’ordonnance, la Cur d’appel a violé les dispositions de l’article 136 AUS
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, Première chambre, Audience publique du 14 novembre 2013, Pourvoi : n°031/2008/ PC du 07/05/2008, ARRET N° 071/2013 du 14 novembre 2013, Affaire : Adnan ATTIEH (Conseil : Maître Mohamed Salim Kanjo, Avocat à la Cour) contre La Société FINANCO SA, (Conseil : Maître Saër Lô Thiam, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 14 novembre 2013 où étaient présents :
Monsieur Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur Monsieur Idrissa YAYE, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Monsieur Adnan ATTIEH, Directeur de société demeurant à Dakar, 10, Rue Escarfait, ayant pour Conseils Maîtres Mohamed Salim KANJO et Boubacar KOITA, Avocats à la Cour, demeurant 66, Boulevard de la République, Résidence EL HADJI Seydou Nourou TALL, Dakar, contre la société FINANCO SA, ayant son siège social au 22, Boulevard Franklin Roosvelt, à Dakar, et pour Conseil Maître Saër Lô Thiam, Avocat à la Cour, 71, Avenue Lamine GUEYE, Dakar, par Arrêt n° 137 du 19 décembre 2007, la Cour de cassation du Sénégal saisie d’un pourvoi initié le 31 mars 2006 par Monsieur Adnan ATTIEH, renvoi enregistré sous le n°031/2008/ PC du 07 mai 2008,
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en cassation de l’Arrêt n°204 rendu le 22 février 2005 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Au fond :
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Sur la demande de paiement
Condamne la Société FINANCO SA à payer à Adnan ATTIEH la somme de 107. 500. 000 francs au titre de restitution ;
Dit n’y avoir lieu à lui allouer des dommages intérêts pour rupture abusive ;
Sur la demande de validité d’hypothèque
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la main levée de l’inscription hypothécaire en application de l’article 136 de l’Acte Uniforme sur les sûretés ;
Sur la demande de perfection de vente
Vu l’exploit introductif d’instance
Déclare la demande irrecevable comme étant une demande nouvelle ;
Sur la demande reconventionnelle en paiement et en compensation de FINANCO SA
Déboute FINANCO en l’état
Sur la demande en expulsion
Ordonne l’expulsion de Adnan ATTHIE de l’immeuble TF n°2162/DP » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
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Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 25 juin 1996, la société FINANCO s’était engagée, dans un acte intitulé Compromis d’achat-vente passé devant notaire, à céder à Monsieur Adnan ATTIEH, un immeuble à usage industriel, sis à Dakar, km 18, sur la route de Rufisque, objet du titre foncier n°2162/DP au prix de 290 000 000 francs CFA à régler par mensualités de 20 000 000 FCFA à compter du 30 juin 1996 jusqu’à paiement complet ; que l’acte indiquait que la réalisation de la promesse de vente se fera au plus tard le 31 juillet 1996 sous réserve de l’obtention de toutes les autorisations administratives exigées par la loi et que le bénéficiaire consentait, au profit du promettant, une hypothèque en premier rang sur l’immeuble, le jour de la réalisation de la promesse de vente, pour sûreté et garantie du prix du solde devant être payé à terme ; qu’estimant que Monsieur Adnan ATTIEH ne s’est libéré que d’une partie du prix de l’immeuble à hauteur de 202 500 000 FCFA, la société FINANCO l’a assigné en résolution judiciaire de l’acte compromis d’achat-vente du 25 juin 1996 devant le Tribunal hors classe de Dakar qui, par Jugement n°1058 du 24 mai 2000, l’a débouté de ses demandes ; que la Cour d’appel de Dakar a, par Arrêt n°314 du 12 juin 2003, confirmé ledit jugement ; que face au refus de la société FINANCO de parfaire la vente, Monsieur Adnan ATTIEH a obtenu du Président du Tribunal hors classe de Dakar l’Ordonnance n°1247 du 03 juillet 1998 l’autorisant à faire inscrire une hypothèque conservatoire sur le titre foncier 2162/DP relatif à l’immeuble litigieux pour avoir sûreté et paiement de la somme de 210 000 000 FCFA représentant les sommes versées et lui impartissant un délai de quinze jours après l’inscription et au plus tard le 26 août 1998 pour former sa demande au fond ; que par exploit du 31 juillet 1998, Monsieur Adnan ATTIEH a assigné la société FINANCO à comparaître le 26 août 1998 par devant le Tribunal pour la voir condamner au paiement de la somme de 202 500 000 FCFA outre les intérêts de droit et entendre valider l’hypothèque conservatoire sur le titre foncier 2162/DP ; que l’assignation n’ayant pas été enrôlée, Monsieur Adnan ATTIEH a par exploit en date du 19 février 2001 fait servir, le 27 février 2001, un avenir à la défenderesse à comparaître devant le Tribunal régional hors classe de Dakar lequel a, par Jugement n°625 du 09 avril 2002, débouté Monsieur Adnan ATTIEH de toutes ses demandes, ordonné la main levée de l’inscription hypothécaire sur le titre foncier 2162/DP ; que Monsieur Adnan ATTIEH a interjeté appel devant la Cour d’appel de Dakar qui a rendu le 22 février 2005 l’Arrêt n°204 sus indiqué ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe central de la Cour de Cassation du Sénégal le 04 août 2006, la société FINANCO soulève au principal, l’irrecevabilité du pourvoi sur le fondement des articles 14 alinéa 2 et 20 de la loi n°92-25 du 30 mai 1992 portant sur la Cour de cassation en excipant d’une part, que contrairement à l’indication portée sur la requête et l’exploit de signification, le pourvoi n’est pas accompagné d’une expédition timbrée de l’arrêt attaqué et que d’autre part, l’exploit aux fins de pourvoi en cassation ne lui a pas été personnellement signifié mais plutôt à l’adresse de son conseil et pour être finalement déposé à la préfecture ;
Mais attendu que la Cour de céans, saisie sur renvoi en application de l’article 15 du Traité, les conditions de recevabilité du recours devant elle sont déterminées par l’article 28 du Règlement de procédure de ladite Cour ; que la signification de l’arrêt attaqué n’est pas une condition de recevabilité du recours mais est plutôt le point de départ de la computation du délai dans lequel doit s’exercer le recours et qu’en conséquence l’absence de signification n’a aucune incidence sur la recevabilité du pourvoi ;
Sur les trois branches réunies du deuxième moyen
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Vu les articles 136 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, 195 du code des obligations civiles et commerciales et 826 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile du Sénégal ;
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 136 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, 195 du code des obligations civiles et commerciales et 826 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile du Sénégal aux motifs que pour ordonner la main levée de l’hypothèque inscrite, la Cour d’appel a retenu que la simple assignation ne peut être assimilée à une saisine de la juridiction et a constaté la caducité de l’autorisation de l’inscription hypothécaire alors que, selon le moyen, il a servi le 31 juillet 1998 assignation à la société FINANCO pour l’audience du 26 août 1998 aux fins de paiement et validation d’hypothèque conservatoire obtenue par ordonnance présidentielle pour sûreté de sa créance et que l’irrégularité d’un exploit d’huissier, en l’espèce l’assignation, n’est cause de nullité que si elle préjudicie les intérêts de celui qui l’invoque ;
Attendu selon l’article 136 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, la juridiction compétente peut autoriser le créancier à prendre une hypothèque conservatoire sur un immeuble de son débiteur ; l’action en validité d’hypothèque conservatoire ou la demande au fond, même présentée sous forme de requête aux fins d’injonction de payer doit, à peine de caducité de l’autorisation d’inscription hypothécaire, être formée devant la juridiction compétente dans un délai fixé par la décision ayant autorisé ladite inscription ;
Attendu que l’Ordonnance présidentielle n°1247 du 03 juillet 1998 prescrit que la demande au fond de Adnan ATTIEH doit être formée 15 jours après l’inscription de l’hypothèque et au plus tard pour l’audience du 26 août 1998 ; qu’il ressort des pièces du dossier que Adnan ATTIEH a servi le 31 juillet 1998 à la société FINANCO qui ne le conteste nullement, assignation pour l’audience du 26 août 1998 ; que l’assignation servie, selon la jurisprudence de la Cour de céans doit être retenue comme date de Pacte introductif d’instance et non l’enrôlement ; qu’en énonçant que la simple assignation ne peut être assimilée à une saisine de la juridiction qui requiert en plus l’accomplissement de certaines formalités et en prononçant la mainlevée de l’hypothèque pour cause de caducité de l’ordonnance Payant autorisée, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 136 sus indiqué ; qu’il convient donc de casser l’arrêt sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation
Par acte d’huissier, Monsieur Adnan ATTIEH a relevé appel du Jugement n°625 rendu le 09 avril 2002 par le Tribunal régional de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société FINANCO SA ;
Reçoit les demandes principale et reconventionnelle ;
Au fond :
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Déboute ADNAN ATTIEH de toutes ses demandes ;
Ordonne la mainlevée de l’inscription hypothécaire sur le titre foncier n°2162/DP ;
Déboute la société FINANCO SA de sa demande reconventionnelle ;
Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne ADNAN ATTIEH aux dépens ; » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, Monsieur Adnan ATTIEH conclut à l’infirmation de la décision querellée et sollicite la condamnation de la société FINANCO au paiement de la somme de 202 500 000 FCFA représentant les sommes versées, et celle de 100 000 000 francs à titre de dommages intérêts, la validation de l’hypothèque conservatoire, la perfection de la vente sous astreinte de 50 000 000 de francs CFA par jour de retard ;
Attendu que dans ses conclusions en réponse, la société FINANCO conclut à l’infirmation partielle du jugement et sollicite reconventionnellement le paiement de la somme de 1.039.402.104 FCFA au titre d’indemnité d’occupation, déduction faite des sommes dues à Adnan ATTIEH et l’expulsion de ce dernier ;
Sur la demande en paiement de Adnan ATTIEH
Attendu qu’il ressort des pièces versées aux débats notamment du Jugement. n° 1058 du 24 mai 2000 confirmé par l’Arrêt n°314 du 12 juin 2003 que Adnan a effectué des versements à la société FINANCO à hauteur de 220 000 000 FCFA ; que sa demande en paiement étant fondée, il y a lieu de condamner la société FINANCO à lui restituer la somme sollicitée soit 220 000 000 FCFA non contestée par la société FINANCO dans son assignation du 09 juin 1999 ;
Sur la demande en dommages intérêts
Attendu que la demande de Adnan ATTIEH fondée sur le paiement de dommages intérêts n’étant pas justifiée, il échet de l’en débouter ;
Sur la validation de l’hypothèque conservatoire
Attendu que Adnan ATTHIEH sollicite que soit ordonnée la validation de l’hypothèque conservatoire excipant que l’assignation délivrée 31 juillet 1998 a été servie pour l’audience du 26 août 1998 et respecte le délai fixé dans l’ordonnance autorisant l’hypothèque conservatoire ;
Attendu que la société FINANCO sollicite la mainlevée de l’hypothèque pour non saisine de la juridiction compétente dans le délai fixé par l’ordonnance ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation de l’arrêt, il convient d’infirmer le jugement querellé et d’ordonner la validation de l’hypothèque ;
Sur la demande en perfection de la vente sous astreinte
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Attendu que présentée pour la première fois en appel, la demande en perfection de vente sous astreinte de 50 000 000 de francs CFA par jour de retard est nouvelle et doit être déclarée irrecevable ;
Sur la demande reconventionnelle de la société FINANCO
Attendu que la société FINANCO sollicite reconventionnellement à titre d’indemnité d’occupation, la somme de 1.039 402 104 FCFA à laquelle sera déduite toute somme restant due à Adnan, occupante illégale de l’immeuble ;
Mais attendu que la Cour ne disposant d’aucun élément qui détermine la durée de l’occupation ni le prix des loyers, qu’en l’état, la demande doit être rejetée ;
Sur la demande en expulsion
Attendu que la société FINANCO ayant été condamnée à restituer à Adnan ATTIEH le montant de 220 000 000 FCFA en remboursement des sommes versées, son occupation de l’immeuble dont il ne détient aucun titre est illégale ; qu’il convient de faire droit à la demande de la société FINANCO ;
Attendu qu’ayant succombé, la société FINANCO doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le pourvoi ;
Casse l’Arrêt n°204 rendu le 22 février 2005 par la Cour d’appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme le jugement querellé
Condamne la société FINANCO à restituer à Adnan ATTIEH la somme de 220.000.000 FCFA ;
Ordonne la validation de l’inscription hypothécaire ;
Déclare irrecevable la demande en perfection de la vente ;
Déboute la société FINANCO de sa demande reconventionnelle ;
Ordonne l’expulsion de Adnan ATTIEH de l’immeuble ;
Déboute Adnan ATTIEH de ses autres demandes ;
Condamne la société FINANCO aux dépens.
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Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier
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