La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 14 novembre 2013 où étaient présents :
Monsieur Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Monsieur Idrissa YAYE, Juge, rapporteur Et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Monsieur et Madame Ange BILONG, demeurant à Dakar, Sicap Amitié 3, villa n°4426, ayant pour Conseils Maître Aïssata TALL et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Dakar, 192 Avenue du Président Lamine Guèye x Rue Emile Zola, contre Madame Seynabou CISSE, domiciliée à Dakar à la rue 30 X 45 Médina, par Arrêt n°98 rendu le 19 septembre 2007 par la Cour de cassation du Sénégal, saisie d’un pourvoi initié par les époux BILONG, renvoi enregistré sous le n°029/2008/PC du 17 mai 2008,
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en cassation de l’Arrêt n°539 rendu le 28 octobre 2004 par la Cour d’appel de Dakar
et dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier
ressort ; Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 juin 2004 ;
- Infirme les dispositions de l’ordonnance entreprise ; Statuant à nouveau
- Ordonne l’expulsion des époux BILLONG, pour occupation sans droit ni titre de la villa n°4426 sise à la Sicap Amitié et appartenant à la dame Seynabou CISS ;
- Condamne les époux BILLONG aux dépens ; » ; Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les trois moyens de cassation tels
qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur le Juge Idrissa YAYE ; Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique ; Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Monsieur et Madame
Ange BILONG avaient conclu avec Madame Innocente MONTEIRO un bail commercial portant sur la villa n°4426 de la Sicap Amitié 3 pour une durée de trois ans aux fins d’exploitation d’un fonds de commerce de restauration à l’enseigne « Mini Resto » ;
Que par acte notarié en date du 23 août 2001, dame Seynabou CISSE a acquis la pleine propriété de l’immeuble objet dudit bail commercial ;
Attendu que le 24 septembre 2001, la nouvelle propriétaire notifiait aux époux BILONG sa nouvelle qualité de propriétaire de l’immeuble et exprimait son intention de prendre possession de son bien ;
Que les époux BILONG s’y opposaient en estimant leur bail reconduit tacitement le 05 novembre 1999, suivant la tradition établie entre eux et le propriétaire initial et qu’il court jusqu’au 5 novembre 2002 ;
Attendu que dame CISSE les a assignés en référé aux fins d’obtenir leur expulsion ; Que suivant ordonnance de référé rendue le 06 mai 2002, le juge des référés du
Tribunal régional hors classe de Dakar a statué sur cette requête ainsi qu’il suit : « Statuant publiquement, en matière de référé et en premier ressort ; -Déclarons l’action de Seynabou CISS recevable ; -Nous déclarons incompétent ; -Condamnons la demanderesse aux dépens » ; Que par exploit d’huissier de justice en date du 10 mai 2002, dame Seynabou CISSE a
interjeté appel de cette décision ; Attendu que par Arrêt n°539 en date du 28 octobre 2004, objet du présent pourvoi en
cassation, la Cour d’appel de Dakar a infirmé l’ordonnance entreprise et a ordonné l’expulsion des époux BILONG, pour occupation sans droit ni titre de la villa n°4426 sise à la Sicap et appartenant à dame Seynabou CISSE ;
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Attendu que suivant lettre n°532/2008/G2 en date du 17 juin 2008, le Greffier en chef
de la Cour de céans a invité Madame Seynabou CISSE à constituer Avocat et à présenter un mémoire en défense dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de ladite lettre, laquelle est retournée avec la mention « non réclamé » ; le principe du contradictoire ayant été ainsi respecté, il échet de passer outre et d’examiner le présent pourvoi ;
Sur le premier et deuxième moyen réunis Attendu que les époux BILONG reprochent à la Cour d’appel, d’une part, d’avoir
dénaturé les faits de la cause en se fondant sur le défaut de paiement de loyers pour les considérer comme occupants sans droit ni titre, alors même que dame CISSE a fondé sa demande en expulsion sur leur défaut de qualité de locataire, faute de renouvellement du bail ; d’autre part, d’avoir motivé sa décision en estimant que les requérants n’ont pas payé leurs loyers et qu’ils n’ont pas sollicité le renouvellement du bail trois mois avant son terme pour les considérer comme sans droit ni titre ;
Attendu qu’il résulte pourtant de la lecture de l’arrêt querellé que la Cour d’appel a
considéré la reconduction implicite du bail jusqu’au 05 novembre 2002 et a déduit du non paiement des loyers à la nouvelle propriétaire et de l’absence de demande de renouvellement du bail trois mois avant son expiration une perte de qualité de locataire qui fait d’eux des occupants sans droit ni titre ; Qu’il s’agit là de faits souverainement appréciés par le juge du fond ; Qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a sainement apprécié les faits soumis à son appréciation souveraine ; qu’il s’ensuit que les premier et deuxième moyens ne sont pas fondés ;
Sur le troisième moyen Attendu que les époux BILONG reprochent à l’arrêt attaqué la violation de l’article 92
de l’Acte uniforme précité qui n’est pas applicable en l’espèce en raison de la tradition de tacite reconduction établie entre eux et l’ancien propriétaire ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 92 de l’Acte uniforme précité : « Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut demander le renouvellement de celui-ci, par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail ;
Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu
du droit au renouvellement du bail ; Le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au
plus tard un mois avant l’expiration du bail est réputé avoir accepté le principe du renouvellement de ce bail. » ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces versées au dossier que les preneurs ne contestent
pas avoir reçu notification du changement de propriétaire intervenu ; Que dès lors, ils ne peuvent opposer au nouveau propriétaire la tradition qui serait
établie entre eux et l’ancien propriétaire pour refuser d’exécuter les obligations de preneur d’un bail résultant de la loi et de leur clause contractuelle, il s’ensuit que la tradition de tacite
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reconduction ne peut ici profiter au preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement du bail dans le délai légal de l’alinéa 2 de l’article 92 précité ;
Qu’ainsi, la Cour d’appel en constatant la déchéance du droit au renouvellement du bail et en tirant la conséquence qui s’impose en application de l’article 92 susvisé, a fait une bonne application des faits auxquels elle a sainement appliqué la loi ; qu’il échet d’écarter ce moyen et conséquemment de déclarer le pourvoi des époux BILONG non fondé et de le rejeter ;
Attendu que les époux BILONG ayant succombé, ils doivent être condamnés aux
dépens ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ; En la forme : Déclare recevable le recours introduit par les époux BILONG ; Au fond : Le rejette comme non fondé ; Condamne les époux BILONG aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier