La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 13 juin 2013 où étaient présents :
2
M. Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président, rapporteur Mme Flora DALMEIDA MELE, Juge
M. Namuano F. DIAS GOMES, Juge et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 17 novembre 2009 sous le n° 118/2009/PC et formé par la SCPA CD & Associés, Avocats à la Cour, 40, Avenue Lamblin, BP 1328 Abidjan 17, agissant pour le compte de la Société Ivoirienne de Manutention et d’Acconage dite SOCIMAC dont le siège social est sis à Abidjan Zone portuaire, Boulevard de Vridi, BP 1070 Abidjan 15, dans la cause l’opposant à la Société Odyssey West Africa, SARL dite Odyssey, dont le siège est à Abidjan, Résidence Pinguey, Cocody Ambassade, 06 BP 344 Abidjan 06, ayant pour conseil Maître SOLO PACLIO, Avocat à la Cour, y demeurant Avenue Lamblin, Résidence MATCA, 04 BP 227 Abidjan 04, en cassation de l’Arrêt n° 416/civ 6B rendu le 23 juin 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif suit :
«PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ; Reçoit la SOCIMAC en son action ;
AU FOND;
- L’y dit mal fondée et l’en déboute ; - Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ; - Condamne la SOCIMAC SA aux dépens »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Premier Vice-Président ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société Ivoirienne de Manutention et d’Aconage dite SOCIMAC a conclu avec la Société Odyssey West Africa, SARL, dite Odyssey, un contrat dénommé « Contrat coordinateur Sécurité » aux termes duquel Odyssey avec les sociétés sous- traitantes Odyssey Consulting et Guardian’s Assistance, s’engagent à fournir à SOCIMAC des prestations consistant, entre autres, à assurer le suivi des procédures de sûreté et de sécurité du Groupe MAERSK Côte d’Ivoire (groupe composé de SOCIMAC SA et MAERSK SA), le bon fonctionnement du poste de contrôle des moyens de sécurité électronique et humains, le gardiennage et l’assistance sur les sites MAERSK CI (Safcom et Marcom) ; que l’article 5 de la convention a prévu que l’ensemble de ces prestations chiffrées à 16 400 000FCFA par trimestre seront facturées par
3
les prestataires Guardian’s Assistance et Odyssey Consulting, regroupées et présentées au paiement par le gestionnaire du contrat Odyssey West Africa ; que c’est ainsi qu’une première facture pour la période du 1er mai au 31 juillet 2007 d’un montant de 58 056 000 FCFA adressée par Odyssey le 04 mai 2007 à SOCIMAC a été réglée le 31 juillet 2007 par le virement du montant correspondant au compte de Odyssey logé à la Société Générale de Banque de Côte d’Ivoire dite SGBCI ; que les factures suivantes ont également été honorées sans incident jusqu’à l’année 2008 où SOCIMAC s’est abstenue de payer quatre factures d’un montant de 60 801 860 FCFA présentées par Odyssey, pour le motif qu’un vol a été perpétré dans son enceinte dont elle rendait Odyssey responsable ; qu’après plusieurs démarches infructueuses tendant à rentrer dans ses droits, Odyssey a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan- Plateau l’Ordonnance d’injonction de payer n°981/2008 rendue le 21 mars 2008 obligeant la SOCIMAC à payer à Odyssey la somme de FCFA 60 801 860 ; que cette ordonnance signifiée à SOCIMAC le 07 avril 2008 a été frappée d’opposition de celle-ci le 21 avril 2008 ;
Attendu que par Jugement n°2746 du 12 novembre 2008, le Tribunal de première
instance d’Abidjan a débouté la SOCIMAC de son opposition comme non fondée ; que sur appel de SOCIMAC, la Cour d’appel d’Abidjan, par l’Arrêt sus énoncé n°416 rendu le 23 juin 2009, a confirmé le jugement querellé en toutes ses dispositions ; Sur la recevabilité du pourvoi Attendu que la société défenderesse Odysey SARL soulève in limine litis l’irrecevabilité du pourvoi de SOCIMAC, tirée de la violation de l’article 28.4 du Règlement de procédure de la Cour de céans , en ce que le mandat de représentation délivré par la SOCIMAC le 16 novembre 2009 à son Conseil CD & Associés l’a été par un Directeur Général dont le mandat était expiré le 31 décembre 2008 tel qu’il ressort du Procès verbal d’assemblée générale extraordinaire de SOCIMAC du 10 janvier 2007, alors qu’aux termes du texte susvisé, le mandat donné à l’avocat doit avoir été « régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet » ;
Attendu qu’en application de l’article 26 du Règlement de procédure de la Cour de céans, le juge rapporteur a sollicité et obtenu, suivant bordereau de communication enregistré au greffe de la Cour le 26 avril 2013 sous le n° 261/G/PC, le procès- verbal de la réunion du Conseil d’Administration de la société SOCIMAC en date du 30 mai 2009 qui mentionne sur la liste de présence, rubrique « Administrateurs présents ou représentés » ; «La Société APM Terminals Mauritius Limited, Actionnaire et représentée par M. Robert Bal ; » ; qu’en outre, la disposition du procès verbal de la réunion extraordinaire du Conseil d’Administration de la SOCIMAC du 10 janvier 2007 alléguée par Odyssey stipulait intégralement que «Monsieur Robert Bal exercera ses fonctions de Directeur Général conformément aux dispositions légales jusqu’au 31 Décembre 2008. Toutefois ce mandat est renouvelable » ; qu’il suit de ce qui précède qu’à la date à laquelle Monsieur Robert Bal donnait mandat à son Conseil, il avait bien la qualité de Directeur général et par conséquent habilité à donner mandat spécial dans les conditions fixées par l’article 28 alinéa 4 susvisé ; qu’il échet de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par Odyssey et procéder à l’analyse des moyens du pourvoi ;
Sur le premier moyen
4
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’avoir violé l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’article 3 du Code de procédure civile ivoirien, les articles 1984 et suivants du Code civil ivoirien et l’article 5 du Contrat coordinateur sécurité du 08 janvier 2007, en ce que le créancier ne justifie pas de la certitude, de la liquidité et de l’exigibilité de la créance ; en ce que plusieurs parties sont titulaires de la créance issue de leurs différentes prestations d’un montant total réclamé par Odyssey West Africa seule qui ne justifie pas d’un mandat à lui délivré par les autres créanciers pour agir en justice en leurs lieu et place, alors qu’aux termes des dispositions des textes susvisés, d’une part, la créance réclamée doit être certaine, liquide et exigible pour autoriser le recours à la procédure d’injonction de payer et d’autre part , le créancier doit justifier d’un mandant délivré par les autres intervenants lui conférant la qualité pour agir en leurs noms ;
Attendu qu’en application des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la procédure d’injonction de payer peut être initiée lorsque la créance est certaine, liquide et exigible ou résulte d’une cause contractuelle ; qu’en l’espèce la SOCIMAC ne conteste pas l’existence de la créance, se contentant de soutenir qu’Odyssey n’est pas la seule créancière ;
Mais attendu que non seulement il résulte des pièces du dossier qu’Odyssey a agi en
son nom personnel, mais aussi l’article 5 alinéa 2 de la convention la liant à la SOCIMAC fait d’elle le gestionnaire du contrat lui donnant la qualité d’agir seule pour le compte de l’ensemble des autres cocontractants ; qu’ainsi, la Cour d’appel d’Abidjan, en statuant comme elle l’a fait, n’a en rien violé les dispositions tant de l’Acte uniforme susvisé que du droit national ivoirien invoqué ; qu’il échet de rejeter ce moyen ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris ensemble Attendu que la SOCIMAC reproche à l’arrêt attaqué, d’une part le défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs, en ce que la Cour d’appel n’a pas répondu à la prétention de SOCIMAC tirée de la caducité de l’ordonnance d’injonction de payer, se contentant de relever de manière laconique que « l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée dans les délais prévus par la loi » , alors qu’aux termes aussi bien du Code de procédure civile ivoirien, de la doctrine que de la jurisprudence, toute décision doit être suffisamment motivée ; et d’autre part, la violation de l’alinéa 2 de l’article 7 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’elle a retenu que l’ordonnance d’injonction de payer avait été signifiée dans le délai, alors que cette ordonnance, rendue le 21 mars 2007 et signifiée le 07 avril 2008, la Cour d’appel se devait d’en constater la caducité ;
Attendu qu’en effet la date du 21 mars 2007 relevée comme étant celle de la signature
de l’ordonnance n’est qu’une erreur matérielle, par ailleurs corrigée par le Président du Tribunal qui ne pouvait rendre une ordonnance une année avant l’introduction de la requête ; qu’ainsi la Cour d’appel, en confirmant sur ce point l’argumentaire du Tribunal, n’a en rien violé la loi ; qu’il y a lieu de rejeter aussi ces deux moyens ;
5
Sur les dépens
La société SOCIMAC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Déclare le pourvoi recevable ; Le rejette; Condamne la SOCIMAC aux dépens
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier