S’il est exact qu’aux termes de l’article 127 alinéa 1er AUS, l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est déjà titulaire d’un droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer, toutefois l’article 382 du code sénégalais des obligations civiles et commerciales prévoit la promesse synallagmatique de contrat qu’il définit comme l’acte par lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit réel immobilier dont le titulaire s’engage à procéder à l’inscription du transfert de ce droit à la conservation foncière ; ladite promesse synallagmatique équivaut à celle de l’article 129AUS
Article 127 alinéa 1 AUS Article 382 Code sénégalais des obligations civiles et commerciales
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, Première chambre, audience publique du 13 juin 2013, Pourvoi : n° 080/2009/PC du 26 août 2009, ARRET N° 054/2013 du 13 juin 2013, Affaire : Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal (Conseil : Maître Mouhamadou A. Bâ dit Gaël, Avocat à la Cour), contre : 1/ Société Sénégal Construction International S.A. ; 2/ Monsieur Serigne Gaye, (Conseils : SCPA Guédel Ndiaye & Associés, Avocats à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 13 juin 2013 où étaient présents :
M. Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président Mme Flora DALMEIDA MELE, Juge M. Namuano F. DIAS GOMES, Juge
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal, ayant son siège social à Dakar, Rue de Fatick Point E, Sénégal, ayant pour conseil Maître Mouhamadou A. Bâ dit Gaël, Avocat à la Cour, demeurant à Dakar, Avenue Malick Sy, contre la Société Sénégal Construction International S.A., ayant son siège social à Dakar, 94, Rue Carnot et Monsieur Serigne Gaye, administrateur de Société, en ses bureaux à Dakar, 94, Rue Carnot, ayant, tous deux, pour conseils la SCPA Guédel Ndiaye & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Dakar, 73 bis, Rue Amadou Assane Ndoye,
en cassation de l’Arrêt n°703 rendu le 15 septembre 2008 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de criées et en dernier ressort ;
En la forme :
1
- Vu l’ordonnance de clôture
Au fond :
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- Déclare l’hypothèque concentrée par Serigne GAYE à titre de caution du profit de la Fédération des Caisses des Crédits Mutuels du Sénégal dite FCCMS nulle et de nul effet.
- Ordonne la discontinuation des poursuites ; - Met les dépens à la charge de la Fédération des Caisses des Crédits Mutuels du
Sénégal dite FCCMS. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte authentique en dates des 09 et 11 mai 2006, la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal a consenti à la Société Sénégal Construction International un prêt d’un montant de 50.000.000 de francs CFA, remboursable en 12 mensualités ; Que pour sûreté de ladite créance en principal, intérêts et frais, Monsieur Serigne Gaye, Directeur Général de la Société Sénégal Construction International, s’est porté caution hypothécaire en donnant en garantie sous condition suspensive de la constatation de ses droits réels immobiliers au livre foncier de Grand Dakar, par la réalisation sous la forme authentique de la vente par la « SICAP » à son profit de l’immeuble consistant en une parcelle de terrain bâti, sis à Dakar « Sicap Liberté 5 », d’une superficie de 507 mètres carrés, formant le lot numéro 5691, à distraire par voie de morcellement du titre foncier n°14.628/DG des communes de Dakar et Gorée, qu’il a acquis suivant attestation auprès de la SICAP depuis le 13 décembre 2001 ;
Attendu que les 19 août et 09 mai 2006, la vente portant sur ledit immeuble a été reçue par acte authentique et enregistré à Grand Dakar, le 11 mai 2006, sous le numéro 1339/01, Volume VIII, Folio 53, Case 1339 ; qu’ainsi les 17 et 31 juillet 2006, les parties au contrat de vente ont procédé par acte notarié à la réalisation de la condition suspensive de leur contrat de prêt et à l’inscription effective de l’hypothèque conventionnelle sur le livre foncier du Bureau de Grand Dakar le 15 avril 2007 ;
Attendu que la Société Sénégal Construction International S.A. n’ayant pas honoré ses engagements contractuels, la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal a entrepris de réaliser l’hypothèque consentie à son profit ; que l’action entreprise dans ce sens par la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal a abouti au Jugement n° 1023/07 en date
2
du 12 juin 2007, aux termes duquel, le Tribunal régional hors classe de Dakar a déclaré recevables les dires de la Société Sénégal Construction International et de Monsieur Serigne Gaye, mais les a rejetés au fond et a renvoyé la cause à l’audience d’adjudication du 18 juillet 2007 ; qu’à la suite de ce jugement, la Société Sénégal Construction International S.A. et Monsieur Serigne Gaye ont relevé appel devant la Cour d’appel de Dakar, laquelle par l’Arrêt infirmatif n°703 en date du 15 septembre 2008, objet du présent pourvoi, a déclaré nulle et de nul effet l’hypothèque consentie par Monsieur Serigne Gaye et ordonné la discontinuation des poursuites ;
Sur le moyen unique du pourvoi
Attendu que la demanderesse invoque à l’appui de son recours un moyen unique de cassation tiré de la violation de l’article 127 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
Attendu en effet que la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal, fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’article 127 alinéa 1 de l’Acte uniforme précité en exigeant expressément, aux termes de cet article, que seul le titulaire du droit réel régulièrement inscrit puisse consentir une hypothèque ; Qu’à la suite d’avoir annulé l’hypothèque consentie à son profit en arguant du fait que le transfert de propriété de l’immeuble objet de l’hypothèque au nom de Monsieur Serigne Gaye est intervenu postérieurement à la convention d’hypothèque, alors que selon elle, cet article proscrit seulement l’hypothèque de la chose d’autrui en stipulant expressément que celui qui consent l’hypothèque doit être propriétaire du droit immobilier qui en est l’objet ; Qu’il conclut par conséquent à la cassation de l’arrêt entrepris ;
Attendu qu’aux termes de l’article 127 alinéa 1 susvisé « L’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer. » ; qu’il résulte des dispositions de cet alinéa 1 de l’article 127 précité que le constituant d’une hypothèque doit être titulaire du droit réel et qu’il doit être capable d’en disposer ; que cet Acte uniforme ne détermine pas ce qu’elle entend par titulaire du droit réel, qu’il laisse le soin au droit national de préciser ;
Attendu que s’il est vrai qu’aux termes de l’article 381 du Code des Obligations Civiles et Commerciales du Sénégal, invoqué par les défendeurs, l’acquisition du droit réel résulte de la mention au titre foncier du nom du nouveau titulaire du droit, il est aussi vrai que ledit code n’interdit pas expressément au titulaire de droit précaire de consentir une hypothèque en connaissance de cause sur un droit réel en cours de distraction par voie de morcellement du titre foncier n°14.628/DG des communes de Dakar et Gorée dont la propriété lui est indiscutablement acquise suivant attestation versée au dossier depuis le 13 décembre 2001 ;
Attendu au demeurant que ledit Code des Obligations en son article 382 prévoit la promesse synallagmatique de contrat qu’elle définit comme l’acte par lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit sur l’immeuble et qui oblige les parties à parfaire leur contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du droit à la conservation de la propriété foncière ; Que cette promesse synallagmatique de contrat peut s’analyser comme la promesse synallagmatique d’hypothèque prévue par l’article 129 dudit Acte uniforme aux termes duquel « Tant que l’inscription n’est pas faite, l’acte d’hypothèque est inopposable aux tiers et constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les
3
oblige à procéder à la publicité. » ; qu’en l’espèce cette publicité a été parfaite par les parties, notamment par l’inscription des droits de Monsieur Serigne Gaye au livre foncier et conséquemment par l’inscription définitive de l’hypothèque consentie à la conservation de la propriété foncière du bureau de Grand Dakar ;
Attendu au surplus que l’Acte uniforme portant organisation des Sûretés en son article 119 prévoit la possibilité de consentir une hypothèque sur un droit réel en cours d’immatriculation, la doctrine reconnaît quasi unanimement que « l’hypothèque est soumise aux modalités qui affectent le droit de propriété de sorte qu’elle est conditionnelle, si la propriété est conditionnelle. », et que la jurisprudence de la Cour de céans admet que la procédure de saisie immobilière peut être poursuivie jusqu’à l’adjudication qui, elle, doit être différée jusqu’à l’obtention du titre foncier ;
Attendu qu’en l’espèce, nul ne peut contester le droit de propriété originel de Monsieur Serigne Gaye au moment de la conclusion du contrat en la forme notariée de prêt ; Que les parties audit contrat ont par la suite régularisé la condition suspensive en procédant à la constatation des droits réels immobiliers de Monsieur Serigne Gaye au livre foncier de Grand Dakar et à la suite à l’inscription de l’hypothèque qu’il a librement consentie ; qu’ainsi, la Cour d’appel de Dakar en annulant ladite hypothèque aux motifs que « le transfert de propriété de l’immeuble au nom de Serigne Gaye est intervenu après les conventions d’hypothèque ; » a fait une application erronée des articles 127 de l’Acte uniforme précité et qu’en conséquence il y a lieu de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et de statuer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit de Maître Aloyse Ndong, Huissier de Justice à Dakar en date du 15 juin 2007, La Société Sénégal Construction International S.A. et Monsieur Serigne Gaye ont interjeté appel du Jugement n° 1023/07 rendu le 12 juin 2007 par le Tribunal régional hors classe de Dakar, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de saisie immobilière et en premier ressort ;
En la forme :
Déclare les dires recevables ;
Au fond :
Les rejette ;
Renvoie la cause et les à l’audience d’adjudication du 18/07/2007 ; » ;
Attendu qu’au soutien de leur appel la Société Sénégal Construction International S.A. et Monsieur Serigne Gaye allèguent la nullité de l’hypothèque consentie par Monsieur Serigne Gaye pour violation de l’article 127 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés et de l’article 381 du Code des Obligations Civiles et Commerciales du Sénégal, motifs pris de ce que Monsieur Serigne Gaye « a donné l’immeuble en hypothèque avant que son droit de propriété n’ait été inscrit au Livre Foncier. » ;
4
Attendu qu’en réplique, la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal soutient pour sa part que l’article 127 de l’Acte uniforme précité n’interdit que l’hypothèque de la chose d’autrui mais, n’interdit pas formellement au propriétaire d’un immeuble de le donner en hypothèque sous la condition suspensive de la constatation de ses droits au livre foncier ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier que la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal et la Société Sénégal Construction International S.A. ont passé, les 09 et 11 mai 2006, devant notaire un contrat de prêt d’un montant de 50.000.000 de francs CFA, assorti d’une caution hypothécaire consentie par Monsieur Serigne Gaye, Président Directeur Général de la Société Sénégal Construction International S.A. et portant sur un immeuble bâti sis à Dakar « Sicap Liberté 5 » d’une superficie de 507 m2 formant le lot n°5691m2 à distraire par voie de morcellement du titre foncier n°14.628/DG des communes de Dakar et Gorée, qu’il a acquis suivant attestation depuis le 13 décembre 2001 et sous la condition suspensive, consentie et acceptée des parties que le constituant opère la constatation de ses droits réels immobiliers au livre foncier de Dakar et par suite à l’inscription de l’hypothèque réalisée longtemps avant l’engagement des poursuites ; qu’il y a lieu dès lors et pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit la Cour de céans à considérer comme fondé le moyen unique de cassation de rejeter cet argument comme non fondé et conséquemment de confirmer purement le jugement attaqué qui a fait une saine et bonne application des dispositions de l’Acte uniforme susvisé et d’ordonner au Tribunal régional hors classe de Dakar la continuation des poursuites ;
Attendu que la Société Sénégal Construction International S.A. et Monsieur Serigne Gaye ayant succombé, il y a lieu de les condamner au paiement des dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Casse l’Arrêt n° 703 rendu le 15 septembre 2008 par la Cour d’appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Confirmer le Jugement n° 1023/07 rendu le 12 juin 2007 par le Tribunal régional hors classe de Dakar ;
Ordonne la continuation des poursuites et, pour y procéder, renvoie devant le Tribunal régional hors classe de Dakar ;
Condamne la Société Sénégal Construction International S.A. et Monsieur Serigne Gaye aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier
5