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Ohadata J-15-18
SOCIÉTÉS COMMERCIALES – VALIDITÉ DE L’ACTION INITIÉE CONTRE UNE SOCIÉTÉ DANS LE RESSORT DE SON SIÈGE RÉEL, DIFFÈRENT DE SON SIÈGE STATUTAIRE – POUVOIR DES ORGANES SOCIAUX : VALIDITÉ DE L’ENGAGEMENT ÉCRIT PRIS PAR LE RESPONSABLE JURIDIQUE D’UNE SOCIÉTÉ POUR LE COMPTE DE LA SOCIÉTÉ SUR PAPIER À ENTÊTE DE CETTE DERNIÈRE – FUSION – ABSORPTION D’UNE SOCIÉTÉ PAR UNE AUTRE : TRANSMISSION DU PASSIF DE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE À CELLE ABSORBANTE.
La cour d’appel qui a retenu « …qu’il est constant que la [Sté A] a absorbé par fusion
la [Sté B] ; que cette convention a pour conséquence le transfert tant des actifs de la [Sté B] que de ses passifs sur la [Sté A] ; Or considérant qu’il n’est pas contesté qu’à la date de ladite fusion ainsi qu’il ressort du courrier en date du 21 février 2000 adressé par la [Sté B] SFCI aux époux [X.] en réponse à la suite réservée à l’exécution de la convention les liant, la [Sté B] était débitrice des époux [X.] au titre de ladite convention ; qu’ainsi cette dette n’ayant pu être [constatée] avant la date de la fusion absorption litigieuse, celle-ci est absorbée par la [Sté A] qui en devient contractuellement la débitrice et est donc tenue de s’en acquitter ; », sans démontrer au préalable en quoi la correspondance du 21 juillet 2000 a pu rendre la Sté B débitrice des époux X., alors que ce fait a été contesté par la Sté A tout au long de la procédure, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, qui encourt la cassation.
Les tiers peuvent, selon leur intérêt, invoquer soit le siège statutaire, soit le siège réel
d’une société. C’est donc à bon droit que la compétence de la Section de tribunal de Dabou (Côte d’Ivoire) a été retenue par les premiers juges saisis par les défendeurs au pourvoi, dès lors qu’elle correspondait au siège statutaire de la société demanderesse au pourvoi.
Il résulte des termes de l’article 122 de l’AUSCGIE que la société commerciale est
engagée à l’égard des tiers par les actes de ses organes de gestion, de direction et d’administration, sans qu’il puisse leur être opposé les limitations de leurs pouvoirs prévues par les statuts. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont regardé la correspondance du responsable juridique et des ressources humaines de la société débitrice (rédigée sur papier à entête de cette dernière avec son cachet et rassurant les créanciers sur le respect des termes du contrat de vente litigieux, s’engageant notamment au respect des échéances convenues, soit par la société elle-même, soit, en cas de fusion, par la nouvelle société) comme une promesse unilatérale de paiement, engageant la société débitrice. Il en est ainsi dès lors que :
- l’absorption n’est pas contestée et qu’il résulte de des dispositions de l’article 189
de l’AUSCGIE que la fusion entraine la transmission à titre universel du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante ;
- les créanciers ont soutenu sans être démentis que depuis la fusion de la société débitrice avec une autre, la nouvelle société exploite la plantation vendue et le quota d’exportation dont les créanciers étaient bénéficiaires.
C’est donc à juste titre que le premier juge a déclaré la saisie partiellement fondée.
ARTICLE 54 AUPSRVE ARTICLE 26 AUSCGIE ARTICLE 189 AUSCGIE
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Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, 2ème ch., Arrêt n° 018/2013 du 07 mars 2013 ; pourvoi n° 130/2009/PC du 23/12/2009 : Compagnie des Bananes de Côte d’Ivoire dite CDBCI c/ Martial DUPARC, Fatome HOUBALLAH épouse DUPARC, Recueil de jurisprudence n° 20, Vol. 2, janvier – décembre 2013, p. 80-83.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 07 mars 2013, où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Namuano F. DIAS GOMES, Juge Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge rapporteur et Maître BADO Koessy Alfred, Greffier ; Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 décembre 2009 sous le
n°130/2009/PC et formé par la Société Civile Professionnelle DOGUE-Abbé YAO et Associés, Avocats à la cour, demeurant, 29 Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie des Bananes de Côte d’Ivoire, en abrégé CDBCI, Société Anonyme dont le siège social est à Abidjan-Plateau, représentée par Monsieur Alexander AGUDELO, Directeur Général, dans la cause qui l’oppose à Martial DUPARC, planteur, demeurant à Songon M’Bratté et Fatome HOUBALLAH épouse DUPARC, sans profession, demeurant à Songon M’Bratté, ayant tous deux pour Conseil la SCPA BAZIE-KOYO-ASSA, Avocats à la Cour,
en cassation de l’Arrêt civil contradictoire n° 271 rendu le 8 mai 2009 par la quatrième
Chambre civile A de la Cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en référé
et en dernier ressort ; Déclare la Société CDBCI recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n°89
rendue le 20 mai 2008 par la Juridiction des référés du tribunal de Dabou ; L’y dit mal fondée et l’en déboute ; Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ; Condamne la CDBCI aux dépens. » La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête en cassation annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique ;
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Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par acte notarié en dates
des 18 septembre 1997 et 29 février 2000, les époux Duparc ont cédé une plantation à Alexandre Sylvain AMANY au prix de 140.000.000 FCFA ; qu’en vertu de l’Ordonnance n°41/2007 rendue le 14 juin 2007 par le Président de la Section de Tribunal de Dabou, ils ont fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la CDBCI ouverts dans les livres de la Société Ivoirienne de Banque (SIB), pour avoir sûreté et paiement de la somme de 45.000.000 de francs, représentant selon eux le reliquat du prix de vente ; que saisi par la CDBCI aux fins de mainlevée de cette mesure conservatoire, le juge des référés du même tribunal a déclaré celle- ci partiellement fondée et l’a cantonnée à la somme de 48.000.000 de francs ;
Que sur appel de la CDBCI, la cour d’appel d’Abidjan a confirmé cette ordonnance par
l’arrêt entrepris ; Sur le deuxième moyen en sa première branche Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué une insuffisance de motifs, constitutive d’un
défaut de base légale, en ce que, pour retenir l’existence d’une créance des époux DUPARC sur la SFCI, créance que cette dernière aurait transmise à la CDBCI par suite de la fusion-absorption intervenue entre ces deux sociétés, la cour d’appel s’est fondée sur une correspondance en date du 21 février 2000, alors que ce courrier, signé par le responsable juridique et des ressources humaines de la SFCI, ne peut pas être considéré comme une lettre d’engagement de la SFCI à payer la créance de AMANY Sylvain, son auteur n’étant pas habilité à engager le patrimoine de cette société pour le paiement de la dette d’un tiers, une telle décision relevant des pouvoirs du gérant ;
Attendu que pour écarter la contestation de la CDBCI relative à l’existence d’une
quelconque créance la liant aux époux DUPARC et justifiant la saisie de ses comptes, le juge d’appel a énoncé « …qu’il est constant que la CDBCI a absorbé par fusion la SFCI ; que cette convention a pour conséquence le transfert tant des actifs de la SFCI que de ses passifs sur la CDBCI ; Or considérant qu’il n’est pas contesté qu’à la date de ladite fusion ainsi qu’il ressort du courrier en date du 21 février 2000 adressé par la SFCI aux époux DUPARC en réponse à la suite réservée à l’exécution de la convention les liant, la SFCI était débitrice des époux DUPARC au titre de ladite convention ; qu’ainsi cette dette n’ayant pu être prononcée avant la date de la fusion absorption litigieuse, celle-ci est absorbée par la CDBCI qui en devient contractuellement la débitrice et est donc tenue de s’en acquitter ; »
Attendu qu’en se déterminant par ces motifs, sans démontrer au préalable en quoi la
correspondance du 21 juillet 2000 a pu rendre la SFCI débitrice des époux Duparc, alors que ce fait a été contesté par la CDBCI tout au long de la procédure, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, de
casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ; Sur l’évocation
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Attendu que suivant exploit en date du 4 juin 2008, la CDBCI a formé appel contre l’Ordonnance n° 89 rendue le 20 mai 2008 par le juge des référés de la Section de Tribunal de Dabou, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, en matière de référé et en premier ressort ; Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ; Mais dès à présent, vu l’urgence ; Déclarons recevable et partiellement bien fondée la demande de la Compagnie des
Bananes de Côte d’Ivoire ; Cantonnons la saisie à la somme de quarante huit millions de francs CFA ; Déboutons du surplus ; Condamnons les défendeurs aux dépens ; » Sur la compétence du juge des requêtes du tribunal de Dabou pour autoriser la
saisie ; Attendu qu’aussi bien devant le juge des référés qu’en cause d’appel, la CDBCI a fait
valoir que, selon l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la juridiction compétente pour autoriser une saisie conservatoire est celle du domicile ou du lieu où demeure le débiteur;
Que faisant remarquer que son siège social est situé à Abidjan Plateau, 2, Avenue
Nogués, Immeuble CFAO, 1er étage, Escalier B, elle a soutenu que la juridiction présidentielle de la Section de Tribunal de Dabou était incompétente pour autoriser la saisie ;
Attendu qu’en réplique, les époux Duparc ont fait valoir que selon ses statuts, la CDBCI
a son siège social à « Songhon Agban, route d’Agban, BP 37 » ; qu’ils invoquent les dispositions de l’article 23 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales, pour soutenir que le siège social d’une entreprise est celui mentionné dans ses statuts et que celui de la CDBC étant situé dans le ressort territorial de la Section de Tribunal de Dabou, c’est à bon droit que le juge des référés, à la suite de celui des requêtes, a retenu la compétence de cette juridiction ;
Attendu que la CDBCI a rétorqué que, « si au moment de sa constitution son siège social
était situé à Songhon Agban, celui-ci a été transféré à Abidjan-Plateau, 2, Avenue Noguès, Immeuble CFAO, 1er étage, Escalier B », ce que les époux DUPARC ne pourraient prétendre ignorer, pour lui avoir notifié plusieurs actes de la procédure à cette dernière adresse ;
Attendu cependant que selon l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du Groupement d’intérêt économique, « Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société, si le siège réel est situé en un autre lieu » ;
Qu’en d’autres termes, les tiers peuvent, selon leur intérêt, invoquer soit le siège
statutaire, soit le siège réel ;
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Attendu que c’est donc à bon droit que la compétence de la Section de Tribunal de
Dabou a été retenue par les premiers juges. Sur la créance et la saisie Considérant que pour contester l’existence d’une quelconque créance la liant aux époux
DUPARC et justifiant la saisie de ses comptes, la CDBCI a fait remarquer que la convention notariée de vente a été conclue entre les époux DUPARC et Alexandre Sylvain AMANY, agissant en son nom propre et non en celui de la SFCI ; qu’elle a soutenu que la correspondance du 21 février 2000 ne peut pas être regardée comme un engagement de la SFCI ayant fait naître à sa charge une obligation de payer la dette d’un tiers, puisqu’émanant d’une personne n’ayant pas le pouvoir d’engager le patrimoine de la SFCI et que dès lors, la SFCI n’a pu lui transmettre une quelconque obligation vis-à-vis des époux DUPARC par l’effet de la fusion-absorption ;
Attendu qu’il est constant, pour n’être contesté par aucune des parties, que Alexandre
Sylvain AMANY, associé gérant de la SFCI, a conclu la convention notariée de vente litigieuse en son nom propre, et non en représentation de la SFCI ;
Attendu toutefois, qu’il est tout aussi constant que AMANY a procédé au paiement du
montant des deux premières échéances de sa dette par deux lettres de change tirées sur le compte de la SFCI ; qu’à la correspondance du conseil des époux en date du 27 janvier 2000, le sommant de surseoir à la vente de la plantation jusqu’à complet paiement du prix, il a été répondu par une lettre du 21 février 2000, écrite sur papier à en-tête de la SFCI, portant le cachet ainsi que la signature de son responsable juridique et des ressources humaines ; que l’auteur de ce courrier a rassuré les époux sur le respect des termes du contrat de vente litigieux, s’engageant notamment au respect des échéances convenues, soit par la SFCI, soit, en cas de fusion, par la CDBCI ;
Attendu qu’il résulte des termes de l’article 122 de l’Acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique que la société commerciale est engagée à l’égard des tiers par les actes de ses organes de gestion, de direction et d’administration, sans qu’il puisse leur être opposé les limitations de leurs pouvoirs prévues par les statuts ;
Attendu que c’est à bon droit que les premiers juges ont regardé la correspondance du
21 février 2000 comme une promesse unilatérale de paiement, engageant la SFCI ; Attendu que l’absorption de la SFCI par la CDBCI n’est pas contestée ; Qu’il résulte des dispositions de l’article 189 de l’Acte uniforme sur le droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique que la fusion entraine la transmission à titre universel du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante ;
Attendu que les époux DUPARC ont soutenu que depuis sa fusion avec la SFCI, la
CDBCI exploite la plantation vendue et le quota d’exportation dont les époux DUPARC étaient bénéficiaires;
Que cette assertion n’a pas été démentie ;
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Attendu dès lors que c’est également à bon droit que le premier juge a déclaré la saisie partiellement fondée ;
Qu’il échet de déclarer l’appel mal fondé ; Attendu que la CDBCI qui a succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Casse l’Arrêt n°271 rendu le 8 mai 2009 par la quatrième Chambre civile A de la Cour
d’appel d’Abidjan ; Evoquant et statuant sur le fond, Déclare l’appel mal fondé ; Confirme l’ordonnance de référé entreprise ; Condamne la CDBCI aux entiers dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier