La requête tendant à organiser une procédure orale devant la CCJA peut être rejetée, lorsque les parties ont régulièrement conclu sur tous les moyens, toutes les pièces ont été produites et que l’affaire ne présente aucune spécificité de nature à rendre indispensable une procédure orale.
Il résulte des articles 19 et 25 de l’AUPSRVE que la procédure simplifiée tendant à la
restitution s’applique seulement lorsqu’il s’agit d’un meuble corporel déterminé. C’est donc à tort que cette procédure simplifiée a été mise en œuvre pour des immeubles hypothéqués. Ladite procédure est non avenue et il est superfétatoire de statuer sur la demande en nullité des exploits de signification de la dite ordonnance.
Le jugement rendu en premier ressort et qui n’a pas été assorti de l’exécution provisoire
n’est pas un titre exécutoire. Il en est de même pour un jugement avant-dire-droit rendu en premier ressort. En conséquence, l’ordonnance ayant ordonné une restitution sur le fondement d’un tel jugement doit être rétractée. ARTICLE 19 AUPSRVE ARTICLE 25 AUPSRVE ARTICLE 33 AUPSRVE ARTICLE 34 DU RÈGLEMENT DE PROCÉDURE DE LA CCJA Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, 2ème ch., Arrêt n° 008/2013 du 07 mars 2013; pourvoi n° 026/2006/PC du 19/04/2006 : Société Générale de Banques au Cameroun dite SGBC SA c/ Monsieur WABO René, Recueil de jurisprudence n° 20, Vol. 2, janvier – décembre 2013, pp. 5-9.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 mars 2013 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge et Maître BADO Koessy Alfred, Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 avril 2006 sous le
N°026/2006/PC et formé par Maître PENKA Michel, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 3588 Douala-Bonanjo, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques
2
au Cameroun dite S.G.B.C. SA dont le siège social est à Douala, 78, rue Joss B.P. 4042, dans la cause l’opposant à WABO René, ayant pour Conseil Maître SANDJON K. Jules, Avocat à la Cour, BP 13266 Douala-Cameroun,
en cassation de l’Arrêt N°02/C rendu le 21 octobre 2005 par la Cour d’appel du Littoral
à Douala (Cameroun), et dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et
commerciale, en appel et en dernier ressort ; En la forme : Reçoit l’appel ; Au fond : confirme le jugement entrepris ; Met les dépens à la charge de la SGBC (Société Générale de Banques au Cameroun
SA), distraits au profit de Maître SANDJON, Avocat aux offres de droit » ; La requérante invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur le Juge Namuano Francisco DIAS GOMES ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que Monsieur
WABO René, pour financer ses activités, a obtenu de la banque S.G.B.C. SA plusieurs prêts ; qu’en garantie des remboursements, il a fait constituer au profit de la banque 03 hypothèques inscrites les 18 juin 1982 et 23 décembre 1983, sur des immeubles objets des titres fonciers n°s 5157/W, 10084/W et 3342/ Mifi ; que contre toute attente le 06 septembre 1994 Monsieur WABO René donnait assignation à la SGBC SA en radiation des hypothèques, en restitution des titres fonciers et sollicitait eu égard aux contestations sur le reliquat encore dû, que soit désigné un Expert aux fins d’arrêter contradictoirement le solde de ses comptes ouverts dans les livres de cette banque ; qu’il obtenait gain de cause par Jugement Avant Dire Droit n° 221 du 1er février 1995 ; que la SGBC SA, par requête datée du 05 juin 1996 a interjeté appel contre la décision Avant Dire Droit ; que la Cour d’appel du Littoral, par Arrêt n° 74/CC rendu le 01 juin 1998, a déclaré l’appel irrecevable et ordonné le retour du dossier devant le premier juge pour vider sa saisine sur le fond ;
Que par la suite le 27 mars 1995, la SGBC SA servira à Monsieur WABO un
commandement aux fins de saisie immobilière ; que par Jugement civil n°04 rendu le 05 octobre 1995, le Tribunal de Grande Instance de Douala déclarait Monsieur WABO non fondé en ses Dires et Observations et ordonnait la continuation des poursuites ;
Que le 17 juillet 2001, WABO René a signifié à la SGBC SA, ainsi qu’au conservateur
des domaines, un exploit « signification-commandement » d’avoir à restituer dans le délai de 08 jours les titres fonciers des immeubles hypothéqués ; qu’en réaction, la SGBC SA a saisi le
3
14 août 2001, d’une part, le Juge des référés en discontinuation des poursuites, d’autre part, le Tribunal de Première Instance de Douala en nullité du commandement du 17 juillet 2001 ; que par Ordonnance n° 502 du 30 janvier 2002, le juge des référés a ordonné la discontinuation des poursuites engagées par WABO René jusqu’à l’aboutissement au fond de la procédure relative à la nullité du commandement du 17 juillet 2001 ; que sans attendre, le 15 mai 2002, par requête aux fins d’injonction, Monsieur WABO René a de nouveau sollicité et obtenu la restitution de ces titres sur le fondement du Jugement Avant Dire Droit n°221 du 01 février 1995, suivant l’Ordonnance N° 1874 rendue le 21 mai 2002 ; que sur opposition de la SGBC SA, le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, par Jugement civil n° 92 rendu le 25 février 2004, déboutait la SGBC SA de sa demande en rétractation de l’Ordonnance n° 1874 et la condamnait à restituer les titres fonciers ; que sur appel de la banque, la Cour d’appel du Littoral-Bonanjo a confirmé le jugement querellé par l’Arrêt n° 02/C rendu le 21 octobre 2005, arrêt dont pourvoi ;
Sur la requête tendant à une procédure orale Attendu que par conclusion en date du 5 janvier 2011, Maître PENKA Michel, Avocat
de la SGBC SA, a sollicité que soit organisée une procédure orale devant la Cour de céans ; Mais attendu que les parties ont régulièrement conclu sur tous les moyens ; que d’une
part toutes les pièces ont été produites et, d’autre part, que l’affaire ne présente aucune spécificité de nature à rendre indispensable une procédure orale ; qu’il échet de rejeter la requête ;
Sur le premier moyen en sa deuxième branche : violation de l’article 33 de l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par adoption de motifs, admis que le Jugement avant-dire-droit N°221 rendu le 1er février 1995 était définitif et constituait un titre exécutoire ;
Attendu à cet égard que le jugement dont il s’agit a lui-même dans son dispositif
expressément retenu « dit n’y avoir lieu d’assortir la présente décision d’astreinte et de l’exécution provisoire » ;
Attendu qu’un jugement rendu en premier ressort fût-il sur le fond, et non assorti de
l’exécution provisoire ne saurait être exécuté, à fortiori un jugement avant-dire-droit dont la Cour d’appel a déclaré l’appel irrecevable en l’état ; que la Cour d’appel par son arrêt confirmatif du Jugement civil n°92 rendu le 25 février 2004 a fait droit à la requête de Monsieur René WABO sollicitant la restitution des titres fonciers sur la base dudit Jugement avant-dire- droit violant ainsi l’article 33 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qu’il échet donc de casser l’Arrêt n°02/C de la Cour d’appel du Littoral rendu le 21 octobre 2005 et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième moyen ;
Sur l’évocation Attendu que par requête datée du 18 mars 2004 adressée à Monsieur le Président de la
Cour d’appel du Littoral, la Société Générale de Banques au Cameroun dite SGBC SA, ayant pour Conseil Maître PENKA Michel, a relevé appel contre le Jugement n°92 rendu le 25 février
4
2004 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo statuant en matière civile et commerciale dans la cause qui l’oppose à Monsieur WABO René ;
Attendu que par requête datée du 14 mai 2002 Monsieur René WABO avait saisi le
Président du Tribunal de première instance de Douala d’une demande tendant à la restitution des titres fonciers hypothéqués auprès de la SGBC SA ; qu’au soutien de sa requête il a exposé que par Jugement avant-dire-droit N°221 du 1er février 1995, les hypothèques inscrites sur les titres fonciers ont été annulées ; que la même décision a ordonné ipso facto la restitution desdits titres ; qu’aucun acte d’appel n’ayant été enregistré, cette décision était devenue définitive ; qu’il devait être enjoint à la SGBC SA de restituer les titres ; que l’ordonnance subséquente rendue sur requête le 21 mai 2002 sans que la SGBC SA ne soit appelée a été attaquée par celle- ci devant le tribunal de première instance de Douala aux fins de nullité des exploits de signification et de rétractation de l’ordonnance suscitée ; que la SGBC sera déboutée par le Jugement N°92 du 25 février 2004 frappé d’appel ;
Attendu qu’en cause d’appel la SGBC SA fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel d’avoir
violé les articles 19, 25 et 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution , en considérant, d’une part, le Jugement avant dire droit N°221 du 01 février 1995 comme un titre exécutoire définitif, alors que ce jugement n’en est pas un au sens de l’article 33 car avait fait l’objet d’un acte d’appel le 14 mai 2002, et d’autre part, en ordonnant la restitution des titres fonciers qui sont des biens immobiliers, alors que l’article 19 vise les biens meubles corporels, et d’avoir rejeté les exceptions de nullité des exploits du 27 mai et 03 juin 2002 soulevées ; qu’elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris ;
Attendu que Monsieur WABO René, intimé a exposé que l’exploit du 27 mai 2002 est
une erreur matérielle et que celui du 03 juin 2002 ne contenait pas ce vice ; qu’il est créancier d’une obligation de délivrer ou de restituer donnant application à l’article 19 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il conclut à la confirmation du jugement entrepris ;
Attendu qu’aux termes de l’article 19 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « Celui qui se prétend créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel déterminé, peut demander au président de la juridiction compétente d’ordonner cette délivrance ou restitution » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 25 du même acte, la signification de l’ordonnance
d’injonction de délivrer ou de restituer doit contenir à peine de nullité sommation d’avoir dans un délai de 15 jours : «- soit à transporter à ses frais le bien désigné en un lieu et dans les conditions indiquées ; -soit, si le détenteur du bien a des moyens de défenses à faire valoir, former opposition au greffe de la juridiction qui a rendu la décision par déclaration écrite ou verbale contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite » ;
Attendu qu’enfin, aux termes de l’article 33 en son alinéa 1er, constituent des titres
exécutoires : «Les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute » ;
5
Attendu qu’il résulte des articles 19 et 25 visés que la procédure simplifiée tendant à la restitution s’applique seulement lorsqu’il s’agit d’un meuble corporel déterminé ; qu’en l’espèce, les biens en cause sont des immeubles hypothéqués ; que c’est à tort que la procédure simplifiée a été mise en œuvre ; que cette procédure étant non avenue, il est superfétatoire de statuer sur la demande en nullité des exploits de signification de la dite ordonnance ;
Attendu, par rapport à l’article 33, que la cassation a été obtenue du fait que la restitution
ne peut être ordonnée en vertu du jugement avant-dire-droit du 1er février 1995 ; qu’en effet ce jugement a été rendu en première ressort et n’a pas été assorti de l’exécution provisoire ; qu’il n’a donc pas constitué un titre exécutoire ; qu’il y a lieu d’infirmer le Jugement civil N°92 rendu le 25 février 2004 et ordonner la rétractation de l’Ordonnance N°1874 rendue le 21 mai 2002 ;
Attendu que Monsieur WABO René ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux
dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Dit n’y avoir lieu à procédure orale ; Casse l’Arrêt Nº02/C rendu le 21 octobre 2005 par la Cour d’appel du Littoral
Douala-Bonanjo ; Evoquant et statuant à nouveau : Infirme le Jugement Civil N°92 rendu le 25 février 2004 par le Tribunal de première
instance de Douala-Bonanjo ; Ordonne la rétractation de l’Odonnance N°1874 du 21 mai 2002 ; Déclare sans objet les demandes relatives aux nullités des exploits des 27 mai 2002 et
03 juin 2002 ; Condamne Monsieur WABO René aux entiers dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier