Il résulte de l’article 14 alinéa 3 du traité OHADA que la compétence de la CCJA s’apprécie, non pas sur le fondement des moyens invoqués à l’appui du pourvoi mais plutôt sur la nature de l’affaire qui a donné lieu à la décision attaquée en recherchant si l’affaire soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes ou des règlements prévus au Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. En l’espèce, la CCJA est compétente pour une affaire relative à une procédure de saisie immobilière introduite devant un tribunal en exécution de décisions de justice devenues définitives.
La Cour suprême qui a retenu sa compétence en décidant que le moyen unique de cassation invoqué par le demandeur au pourvoi tiré de la contrariété de décisions ne soulève aucune question se rapportant à l’interprétation et à l’application d’Actes uniformes, alors que l’arrêt attaqué a décidé entre autres qu’il n’y a pas lieu de surseoir à la vente de l’immeuble saisi et a ordonné au tribunal de fixer conformément à la loi, une nouvelle date pour la vente dudit immeuble, a méconnu les dispositions de l’article 18 du traité OHADA en se déclarant à tort compétente. Sa décision est nulle et non avenue.
Sont irrecevables, pour violation de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la CCJA, les moyens en cassation présentés simultanément avec un recours en annulation de la décision rendue par une juridiction nationale de cassation au mépris de la compétence de la CCJA. Il appartient au requérant, de réintroduire un nouveau recours en cassation de l’arrêt d’appel.
Les dépens doivent être réservés, dès lors que la CCJA n’a pas tranché le fond du litige. ARTICLES 14, 18 DU TRAITÉ OHADA ARTICLES 43 ET 52 DU RÈGLEMENT DE PROCÉDURE DE LA CCJA Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, 1ère ch., Arrêt n° 003/2013 du 07 mars 2013 ; pourvoi n°116/2009/ PC du 16/11/2009 : Abdoulaye Diallo c/ Monsieur LALLE Bi Ya Jacques, Recueil de jurisprudence n° 20, Vol. 1, janvier – décembre 2013, pp. 40-44.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 mars 2013 où étaient présents :
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M. Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président Mme Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur M. Idrissa YAYE, Juge et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ; Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 novembre 2009 sous le
n°116/2009/PC et formé par la SCPA NAMBEYA-DOGBEMIN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan-Cocody Cités des Arts, 323 logements, immeuble D, 04 BP 968 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Abdoulaye DIALLO, domicilié à Marcory, 11 BP 1808 Abidjan 11 dans la cause l’opposant à Monsieur LALLE BI Ya Jacques, domicilié à Abidjan-Marcory, zone 4C, rue des majorettes, villa n°389 bis, ayant pour conseil, Maître KOULOUFOUA Yvonne, Avocat à la Cour, demeurant au 9, Rue Augustin de TESSIERES, 01 BP 1567 Abidjan 04,
en annulation de l’Arrêt n°586/09 rendu du 08 octobre 2009 par la Chambre Judiciaire
de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS Rejette le pourvoi formé par ABDOULAYE DIALLO contre l’arrêt n°481 en date du
11 juillet 2008 de la Cour d’Appel d’Abidjan ; Laisse les dépens à la charge du trésor public ; » ; Le requérant invoque à l’appui de son recours deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure fait ressortir qu’en
règlement d’une dette, Monsieur Abdoulaye DIALLO a émis au profit de Monsieur LALLE BI Ya Jacques , deux chèques SGBCI d’un montant total de 35 000 000 FCFA revenus impayés faute de provision ; que par Jugement n°1700/2000 du 24 février 2000, le Tribunal correctionnel d’Abidjan a condamné Monsieur Abdoulaye DIALLO à une peine d’emprisonnement et au paiement à Monsieur LALLE BI Ya Jacques de la somme de 35 000 000 FCFA représentant le montant des deux chèques et de celle de 5 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts ; que par Arrêt n°712 rendu par défaut le 25 juillet 2000, la Cour d’appel d’Abidjan a déclaré irrecevable comme tardif l’appel interjeté par Monsieur Abdoulaye DIALLO contre ledit jugement ; que sur son opposition, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 24 avril 2001 l’Arrêt itératif défaut n°210 déclarant recevable son opposition mais mal fondée ; que sur le pourvoi de Monsieur Abdoulaye DIALLO, suivi d’une procédure de sursis à exécution, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême a, par Arrêt n°025/2001 rendu le 29 novembre 2001, ordonné la continuation des poursuites à hauteur de 15 000 000 FCFA et a, par Arrêt n°017/06 du 24 mai 2006, rejeté le pourvoi formé contre
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l’Arrêt n°210 devenu désormais définitif ; que contestant la dette, Monsieur Abdoulaye DIALLO assignait en reddition de comptes Monsieur LALLE BI Ya Jacques devant le Tribunal de première instance d’Abidjan qui, par Jugement n°1610/Civ.3A du 28 mai 2008, condamnait ce dernier à payer à Monsieur Abdoulaye DIALLO la somme de 35 436 800 FCFA au titre du trop perçu ; que sur appel de Monsieur LALLE BI Ya Jacques, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°377 Civ. 4 B du 12 juin 2009, infirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris et dit que Monsieur Abdoulaye DIALLO reste redevable de la somme de 26 500 000 FCFA en vertu du Jugement correctionnel n°1700 du 24 février 2000 ; que le pourvoi formé par Monsieur Abdoulaye DIALLO contre l’Arrêt n°377 Civ. 4 B du 12 juin 2009 a été rejeté par Arrêt n°095/12 du 02 février 2012 de la Cour suprême de Côte d’Ivoire ; qu’en exécution des différentes décisions, Monsieur LALLE BI Ya Jacques a initié contre Monsieur Abdoulaye DIALLO une procédure de saisie immobilière devant le Tribunal de première instance d’Abidjan qui rendait, par Jugement avant dire droit n°2343 CIV 2 C du 26 novembre 2007, la décision dont le dispositif suit :
« Par ces motifs Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ; Reçoit les dires et observations formulées par monsieur ABDOULAYE DIALLO ; Les dits cependant mal fondés ; Les rejette ; Constate que toutes les formalités requises pour parvenir à la vente de l’immeuble
saisi ont été régulièrement accomplies ;
En donne acte au créancier poursuivant, monsieur LALLE BI YA JACQUES ;
Valide en conséquence le commandement aux fins de saisie en date des 18 juillet et 08 août 2007 ;
Dit cependant qu’il y a une procédure en reddition de compte entre les parties dont il sera tenu compte ;
Renvoie la cause et les parties à l’audience des criées fixée au 14 février 2008 ; Réserve les dépens ; » ; Que sur appel de Monsieur LALLE BI YA JACQUES, la Cour d’appel d’Abidjan a
par Arrêt 481/08 du 11 juillet 2008 rendu la décision dont le dispositif suit : « Par ces motifs, Statuant publiquement contradictoirement en matière civile, commerciale,
administrative et en dernier ressort, En la forme
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Déclare Mr. LALLE BI YA Jacques recevable en son appel principal et Mr. Abdoulaye DIALLO recevable en son appel incident ;
Au fond Dit Mr. LALLE BI YA Jacques bien fondé en son appel principal ; Reforme le
jugement n°2343 CIV 2 C du 26 novembre 2007 rendu par le Tribunal de première instance d’ABIDJAN ;
Dit qu’il n’y a pas lieu de surseoir à la vente de l’immeuble saisi ; Ordonne au Tribunal de fixer conformément à la loi une nouvelle date pour la vente
dudit immeuble ; Dit par contre Mr. Abdoulaye DIALLO mal fondé en son appel incident ;
L’en déboute ;
Le condamne aux entiers dépens ; » ; Que sur le pourvoi en cassation exercé par Monsieur Abdoulaye DIALLO contre
l’arrêt sus indiqué, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême a rendu l’Arrêt de rejet n°586/09 du 08 octobre 2009 dont recours en nullité devant la Cour de céans est sollicité, après avoir retenu sa compétence malgré la demande introduite par Monsieur Abdoulaye DIALLO le 14 février 2009 sollicitant le dessaisissement de la juridiction nationale de cassation et le renvoi de la procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en vertu des articles 14 et 15 du Traité OHADA et 51 du Règlement de procédure de ladite Cour ;
Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
Attendu que Monsieur LALLE BI YA Jacques soulève in limine litis l’incompétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage au motif que l’Arrêt n°586/09 de la Cour suprême de Côte d’Ivoire dont recours devant la Cour de céans a été rendu à la suite du pourvoi introduit par exploit d’huissier en date du 14 janvier 2009 contre l’Arrêt n°481/08 du 11 juillet 2008 et portait sur le moyen unique de cassation pris de « la contrariété de décisions rendues entre les mêmes parties relativement au même objet et sur les mêmes moyens », lequel ne soulève aucune question relative à l’interprétation et à l’application des actes uniformes de l’OHADA ;
Attendu que l’article 14, alinéa 3 du Traité institutif de l’OHADA dispose : « saisie par voie de recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. »
Attendu que selon les dispositions susénoncées, la compétence de la Cour s’apprécie, non pas sur le fondement des moyens invoqués à l’appui du pourvoi mais plutôt sur la nature de l’affaire qui a donné lieu à la décision attaquée en recherchant si l’affaire soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes ou des règlements prévus au Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ; qu’en l’espèce, l’affaire dont
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résulte l’Arrêt n° 586/09, objet du présent pourvoi, est relative à une procédure de saisie immobilière introduite devant le Tribunal par Monsieur LALLE BI YA Jacques contre Monsieur Abdoulaye DIALLO en exécution de décisions de justice devenues définitives ; que dès lors, la Cour de céans est compétente ;
Sur l’annulation de l’Arrêt n°586/09 du 08 octobre 2009
Vu l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Attendu que Monsieur Abdoulaye DIALLO sollicite l’annulation de l’Arrêt n°586/09
du 08 octobre 2009 de la Chambre judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire rendu en violation de l’article 18 du Traité suscité aux motifs qu’ayant par demande du 04 février 2009 adressée au Président de ladite Chambre sollicité le renvoi de la procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage conformément aux articles 14 et 15 du Traité OHADA et 51 du Règlement de procédure, la Chambre Judiciaire a fait fi de sa demande et a statué en retenant sa compétence alors qu’il a précisé que l’arrêt de la Cour d’appel se rapporte à l’interprétation et à l’application des Actes uniformes de l’OHADA et que seule la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est compétente en cas de recours en cassation ;
Attendu que Monsieur LALLE BI YA Jacques estime qu’en l’absence d’indication de
texte légal violé, la nullité invoquée ne se justifie pas ; Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité sus visé : « Toute partie qui, après
avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ;
La cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la
juridiction en cause. Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » ;
Attendu qu’il ressort de l’arrêt dont l’annulation est sollicitée qu’après pourvoi en
cassation formé suivant acte d’huissier de justice en date du 14 janvier 2009 avec assignation devant la Chambre Judicaire de la Cour suprême, Monsieur Abdoulaye DIALLO a, par requête en date du 4 février 2009 enregistrée à la Cour suprême de Côte d’Ivoire sous le numéro 022/09, sollicité le dessaisissement de la juridiction nationale de cassation et le renvoi de la procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage en vertu de l’article 14 et 15 du Traité institutif de l’OHADA au motif que l’arrêt de la Cour d’appel se rapporte à l’interprétation et à l’application des Actes uniformes ; que la Chambre judiciaire de la Cour suprême a retenu sa compétence en décidant que le moyen unique de cassation invoqué par le demandeur au pourvoi tiré de la contrariété des décisions ne soulève aucune question se rapportant à l’interprétation et à l’application des actes uniformes ; qu’en se déterminant ainsi, alors que l’ Arrêt n°481/08 du 11 juillet 2008 attaqué a décidé entre autres qu’il n’y a pas lieu de surseoir à la vente de l’immeuble saisi et a ordonné au Tribunal de fixer conformément à la loi, une nouvelle date pour la vente dudit immeuble, après avoir demandé la reformation du Jugement n°2343 CIV 2 C du 26 novembre 2007 du Tribunal de première instance d’Abidjan lequel avait rejeté les dires et observations formulés par Monsieur Abdoulaye DIALLO et validé le commandement aux fins de saisie en date des 18 juillet et 08 août 2007 et renvoyé la cause et les parties à l’audience des criées fixée au 14 février 2008 en disant qu’il y a
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cependant une procédure en reddition de compte entre les parties dont il sera tenu compte, la Chambre Judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions de l’article 18 du Traité susvisé en se déclarant à tort compétente ; qu’il s’ensuit que sa décision résultant de l’Arrêt n°586/09 du 08 octobre 2009 est nulle et non avenue ;
Sur les moyens invoqués par Monsieur Abdoulaye DIALLO
Attendu que Monsieur Abdoulaye DIALLO a invoqué deux moyens de cassation à l’appui de son pourvoi exercé devant la Cour de céans, l’un tiré de la violation de la loi et le second du défaut de base légale ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 52.4 du Règlement de
procédure de la Cour de céans selon lesquelles : « Si la cour décide que la juridiction nationale s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. Toute partie devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité et aux articles 23 à 50 du présent Règlement. », Monsieur Abdoulaye DIALLO peut exercer un recours en cassation devant la Cour de céans dans les forme et délai prescrits par le texte sus énoncé ; qu’en conséquence, les moyens invoqués à l’étape du présent recours en cassation devant la Cour de céans ont été formés en violation des dispositions sus énoncées et doivent être déclarés irrecevables ;
Sur les dépens
Attendu que la présente décision ne tranchant pas le fond, il y a lieu de réserver les
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Se déclare compétente ;
Dit que la Cour suprême de Côte d’Ivoire s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi formé par Monsieur Abdoulaye DIALLO ;
Déclare en conséquence nul et non avenu l’Arrêt n°586/09 du 08 octobre 2009 rendu par ladite Cour ;
Déclare irrecevables en l’état les moyens invoqués à l‘appui du présent recours en cassation ;
Réserve les dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier