Est irrecevable tout recours en annulation d’une sentence arbitrale fondé sur une disposition de la loi nationale sur l’arbitrage, l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage étant la seule loi régissant la matière dans l’espace OHADA.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 062/2012 du 07 juin 2012 Affaire : Société CONSTRUCTIONS METALLIQUES IVOIRIENNES dite CMI (Conseil : Maître Minta Daouda TRAORE, Avocat à la Cour) Contre FRATERNITE SAINT JEAN EUDES D’ABATTA (Conseils : Maître SARR, ALLARD & Associés, Avocats à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Ndongo FALL, Président, rapporteur Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge Victoriano OBIANGABOGO, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°104/2009/PC du 27 octobre 2009 et formé par Maître Minta Daouda TRAORE, Avocat à la Cour, au nom et pour le compte de la société CONSTRUCTIONS METALLIQUES IVOIRIENNES dite CMI, ayant son siège social à Vridi, Zone Industrielle, Rue des Chimistes, Abidjan (République de Cote d’Ivoire), représentée par Monsieur Bernard DERRIEN, dans la cause sus référencée,
En cassation de l’Arrêt n°224/09 du 24 avril 2009 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable le recours en annulation exercé par la société Constructions Métalliques Ivoiriennes dite CMI contre la sentence arbitrale n° CACI/27-ARB/2007 du 29 avril 2008 comme non conforme aux dispositions de l’article 26 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage ;
La condamne aux dépens ... »
La requérante invoque à l’appui dudit pourvoi deux moyens tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Second Vice-président Ndongo FALL ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Vu l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure les faits suivants :
Par convention en date du 09 décembre 1999, la société CMI s’est engagée à construire à Bingerville, pour la FRATERNITE SAINT JEAN EUDES D’ABATTA, un édifice pour un montant total de FCFA 500 000 000. Elles ont en outre convenu que la société CMI devait souscrire une police d’assurance destinée à couvrir les éventuels sinistres dans les dix années de la réception de l’ouvrage, laquelle réception a eu lieu le 20 novembre 2001.
Courant septembre 2004, la FRATERNITE SAINT JEAN EUDES D’ABATTA a constaté des malfaçons et a demandé à la CMI d’y remédier et, éventuellement, de faire jouer la clause d’assurances. Devant ce qu’elle a considéré comme un manque de diligence, la FRATERNITE SAINT JEAN EUDES D’ABATTA a contacté directement l’assureur qui lui a signifié que le contrat d’assurance souscrit avait été résilié pour non paiement des primes. Elle a alors saisi la juridiction arbitrale, en l’occurrence la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI), conformément à la convention la liant à la société CMI, à l’effet de l’entendre condamnée à réparer les préjudices par elle subis du fait de ses manquements.
Par une sentence arbitrale rendue le 29 avril 2008, le tribunal arbitral de la CACI a condamné la société CMI à payer à la FRATERNITE SAINT JEAN EUDES D’ABATTA la somme totale de FCFA 46 240 592,52 en réparation des préjudices par elle subis.
Sur recours en annulation de la sentence formé par la société CMI, la Cour d’appel d’Abidjan a relevé la non-conformité dudit recours aux dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage et l’a déclaré irrecevable par Arrêt n° 224 rendu le 24 avril 2009 dont est pourvoi ;
Sur le premier moyen
Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’une part, d’avoir déclaré son recours irrecevable en raison de ce que le motif d’annulation invoqué est fondé non pas sur l’Acte uniforme relatif au droit d’arbitrage mais sur l’article 40 de la loi ivoirienne sur l’arbitrage alors qu’aux termes des dispositions de l’article 10 du Traité relatif à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, seules les dispositions contraires de droit interne sont abrogées par les Actes uniformes ;
Mais attendu que même s’il s’induit de l’interprétation a contrario de l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique qu’il n’y a pas abrogation expresse des lois préexistantes qui ne sont pas contraires en principe aux Actes uniformes, la lecture de cette disposition doit, en ce qui concerne l’arbitrage notamment, être complétée par l’article 35 alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage qui dispose que « le présent Acte uniforme tient lieu de loi relative à l’arbitrage dans les Etats parties » ;
Qu’ainsi, en se substituant aux lois préexistantes organisant l’arbitrage en droit interne, l’Acte uniforme abroge toutes les lois générales relatives à l’arbitrage ne laissant subsister que les éventuelles normes d’organisation de l’arbitrage institutionnel qui ne lui sont pas contraires ;
Que le recours en annulation de la sentence arbitrale, régi notamment par l’article 26 dudit Acte uniforme, n’est ouvert que pour les seuls motifs qui y sont limitativement énumérés ;
Que dès lors, une disposition d’une loi nationale sur l’arbitrage ne peut constituer un fondement juridique pertinent d’un recours en annulation ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches
Attendu que la société CMI dans un second moyen tiré d’un « défaut de base légale résultant de l’insuffisance et de l’obscurité des motifs » reproche à la Cour d’appel, d’avoir par des « affirmations laconiques et troubles [qui] ont vidé l’arrêt de toute base légale », estimé d’une part que la loi ivoirienne sur l’arbitrage n’était pas applicable au recours et, d’autre part, de n’avoir pas annulé la sentence qui a statué sur les premières demandes de FRATERNITE SAINT EUDES D’ABATTA qui étaient supposées abandonnées dès l’introduction de nouvelles demandes en cours d’instance ;
Mais attendu que, sur la première branche de ce moyen, l’analyse du premier moyen justifie la position adoptée, sur la question de l’applicabilité des dispositions de la loi nationale, par la Cour d’appel ;
Que, sur la seconde branche du moyen qui n’est d’ailleurs pas articulée à l’un des motifs d’annulation limitativement énumérés à l’article 26 de l’Acte uniforme, la Cour d’appel a relevé fort justement, qu’en application des articles 52 et 100 du code ivoirien de procédure civile, la renonciation à une demande doit être explicite ou découler de l’introduction d’une autre radicalement contraire, de sorte que les demandes successives ne peuvent coexister ;
Qu’ainsi ce second moyen ne peut non plus prospérer ;
Attendu qu’il y a lieu en conséquence de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu qu’il y a lieu de condamner la société CMI qui succombe aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi de la société CONSTRUCTIONS METALLIQUES IVOIRIENNES dite CMI ;
La condamne aux dépens.