La CCJA ne peut connaître, par la voie du recours en cassation, des affaires qui, bien que soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité tel qu’indiqué à l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité, concernent des décisions appliquant des sanctions pénales, ces dernières ayant été expressément exclues de son champ de compétence. En effet, l’Arrêt n°38/CRIM du 11 juin 2009 de la Cour d’appel du Littoral, objet du présent pourvoi, a été rendu en matière criminelle et a, entres autres, déclaré l’accusé coupable de certains faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à 15 ans d’emprisonnement ferme.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 053/2012 du 07 juin 2012 Affaire : Monsieur ETONDE EKOTO Edouard Nathanaël (Conseils : Maître PENSY Emmanuel, Avocat à la Cour ; Maître MBONGO-BWAME Martine, Avocat à la Cour) Contre : 1°) Port Autonome de Douala (P.A.D) ; (Conseils : Maître NGONGO-OTTOU Martin Désiré, Avocat à la Cour, Maître NOMO BEYALA, Avocat à la Cour ; Maître Abdoul BAGUI, Avocat à la Cour Maître NGANN Supermann, Avocat à la Cour) ; 2°) Ministère Public
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAIDAGI, Président, rapporteur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 juin 2009 sous le n°059/2009/PC et formé par Maître Emmanuel PENSY, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Monsieur ETONDE EKOTO Edouard Nathanaël, ancien Président du Conseil d’Administration du Port Autonome de Douala dans l’affaire l’opposant au Ministère Public et au Port Autonome de Douala, ayant son siège social à Douala au centre des affaires maritimes à Bonandjo, BP 4020 Douala, représenté par son Directeur Général Monsieur Jean Marcel DAYAS MOUNOUME et ayant pour conseils Maître NGONGO-OTTOU Martin Désiré, Avocat à la Cour, cabinet sis à la nouvelle route Bastos, Rue n° 1750, BP 8179 Yaoundé, Maître NOMO BEYALA, Avocat à la Cour, cabinet sis Avenue Amadou AHIDJO, à l’immeuble « Jean Vespa », BP 901 Yaoundé, Maître Abdoul BAGUI, Avocat à la Cour, cabinet sis quartier FOUDA, immeuble ADE Graphies, BP 25082 Yaoundé et Maître NGANN Supermann, Avocat à la Cour, cabinet sis au rond point NLONGKAK, Direction Bastos, immeuble « la Grande Pharmacie des Lumières », BP 14536 Yaoundé,
En cassation de l’Arrêt n°38/CRIM rendu le 11 juin 2009 par la Cour d’appel du Littoral statuant en matière criminelle et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut à l’égard des accusés KAMDEM et ASA’ANA NTSANG MBA Thompson et contradictoirement à l’égard des autres parties, en matière criminelle, en appel et en deuxième ressort, et à l’unanimité des membres ;
EN LA FORME
Reçoit les appels ;
AU FOND
Annule le jugement entrepris ;
Evoquant et statuant à nouveau, déclare recevable l’exception soulevée par le PAD tirée de l’irrecevabilité de la constitution de Maître TCHAKOUNTE PATIE ;
Constate que cette exception est fondée et dit irrecevable la constitution de cet Avocat pour le compte de l’accusé SYAM SIWE ;
Reçoit les autres exceptions et fins de non recevoir soulevée par les parties ;
Les dit non fondées et les rejette ;
Donne acte au Ministère public de ce qu’il a abandonné les poursuites engagées contre l’accusé WENSITCHEU MOUGA s’agissant du crime de coaction de détournement des derniers publics de la somme de 75.025.283 frs CFA payée aux sociétés CDE Services et Power Tech NETWORK dans le cadre des marchés d’acquisition des licences informatiques et des logiciels et celles engagées contre ZIBI François, KAMDEM et TCHEKAMG Cilviane épouse NTCHATCHO du chef de détournement des derniers publics en coaction de la somme de 1.716.249.601 frs au titre de valeurs de caisse non apurées ;
Déclare lesdits accusés non coupables des faits ci-dessus spécifiés et les en acquitte pour faits non établis ;
Déclare ETONDE EKOTO Edouard non coupable des faits de coaction de détournement des derniers publics de la somme de 77.980.430 frs représentant la prime d’intéressement ou de résultat et de celle de 500.000.000 de francs payée à la Société AITI ;
Déclare SYAM SIWE non coupable de détournement des derniers publics de la somme de 1.267.000.000 francs payée aux sociétés SAFRIC et Damen Shipyard
Acquitte ETONDE EKOTO au bénéfice du doute s’agissant du détournement de la somme de 77.980.430 francs et acquitte ces deux accusés pour faits non établis pour les autres faits ci-dessus spécifiés ;
Déclare les accusés SYAM SIWE et ETONDE EKOTO coupables des autres faits qui leur sont reprochés ;
Déclare les accusés SIEWE NITCHEU, EWODO NOAH, ZIBI F. Martin, BABILA TITA Eric, WENSITCHEU MOUGA, KAMDEM, ASA’ANA NTSANG MBA Thompson,
TCHEKANG Cilviane épouse NTCHATCHO, DINGAN Faustin, ABESSOLO Etienne et TEGUEL Maurice coupables des faits qui leur sont reprochés ;
Accorde le bénéfice des circonstances atténuantes à tous les accusés en raison de leur qualité de délinquants primaires à l’exception des accusés SIYAM SIWE, KAMDEM, ASA’ANA NTSANG MBA Thompson et TEGUEL Maurice ;
Les condamne ;
SIYAM SIWE Alphonse, KAMDEM et ASA’ANA NTSANG MBA à l’emprisonnement à vie ;
ETONDE EKOTO, EWODO NOAH, ZIBI François, DINGANA Faustin, BABILA TITA Eric, WENSITCHEU MOUGA Jean Paul, TCHENKAMG à 15 ans d’emprisonnement ferme ;
SIEWE NITCHEU à 25 ans d’emprisonnement ;
ABESSOLO Etienne à 15 ans d’emprisonnement ferme ;
Condamne TEGUEL Maurice à un an d’emprisonnement ferme ;
Décerne mandat d’arrêt contre TEGUEL Maurice, ASA’ANA MBA Thompson et KAMDEM ;
Décerne mandat d’incarcération contre TCHEKAMG Cilviane épouse NTCHATCHO, ZIBI François Martin, BABILA TITA Eric, DINGANA Faustin, WENSITCHEU MOUGA Jean Paul et ABESSOLO Etienne ;
Ordonne la confiscation prévue par l’article 35 du code pénal ;
Prononce les déchéances de l’article 30 dudit code pour une durée de dix ans pour SIYAM SIWE et SIEWE NITCHEU et cinq ans pour les autres accusés condamnés à l’exception de TEGUEL Maurice ;
Reçoit le PAD en sa constitution de partie civile ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne SIYAM SIWE à payer la somme de 12.167.267.465 francs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne solidairement les accusés SIYAM et ETONDE EKOTO Edouard à payer la somme de 3.800.000 frs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne solidairement les accusés SIYAM, ETONDE et BABILA à payer la somme de 400.000.000 de francs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne SIYAM SIWE et SIEWE NITCHEU à payer solidairement la somme de 19.966.521.866 francs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne SIYAM et ABESSO à payer au PAD la somme de 188.794.955 francs à titre de dommages-intérêts ;
Condamne SIYAM SIWE, SIEWE NITCHEU, DINGANA Faustin et WENSITCHEU MOUGA à payer solidairement la somme de 116.231.044 francs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne SIYAM SIWE, ASA’ANA MBA Thompson et WENSITCHEU MOUGA à payer solidairement la somme de 577.950.300 frs au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne EWODO NOAD et ETONDE EKOTO à payer respectivement les sommes de 48.000.000 et 85.700.000 au PAD à titre de dommages intérêts ;
Condamne SIYAM SIWE, BABILA TITA Eric, ZIBI F. Martin, KAMDEM, TCHEKAMG épouse NTCHATCHO à payer solidairement la somme de 737.182.487 frs au PAD à titre de dommages intérêts, soit au total la somme de 34.291.448.117 frs à payer au PAD ;
Déclare le PAD non fondé sur le surplus de ses demandes et l’en déboute ;
Ordonne la restitution des véhicules et de la salle à manger saisis au PAD ;
Condamne les accusés aux dépens liquidés quant à présent à la somme de 685.851.962 francs répartie comme suit :
SIYAM SIWE 243.345.350 frs ETONDE EKOTO Edouard 1.714.000 frs EWODO NOAH 960.000 frs SIYAM SIWE et SIEWE NITCHEU 399.330.438 frs SIYAM SIWE et ETONDE 76.000 frs SIYAM SIWE, ETONDE et BABILA TITA 8.000.000 frs SIYAM SIWE NITCHEU, DINGANA Faustin et WENSITCHEU 2.324.620 frs SIYAM, ASA’ANA NTSANG MBA, WENSITCHEU 11.559.006 frs SIYAM, BABILA, SIBI, KAMDEM, TCHEKAMG 14.743.650 frs ABESSOLO et SIYAM SIWE 3.775.900 frs TEGUEL Maurice 23.000 frs
Dit qu’ils paieront lesdits dépens solidairement le cas échéant immédiatement entre les mains du Greffier en chef de la Cour d’appel de céans faute de quoi ils y seront contraints par corps pour une durée de trois mois pour TEGUEL Maurice, 24 mois pour ABESSOLO Etienne et DINGANA Faustin et cinq ans pour SIYAM SIWE, SIEWE NITCHEU, BABILA TITA Eric, TCHEKAMG Cilviane épouse NTCHATCHO, WENSITCHEU MOUGA, KAMDEM et ZIBI François Martin ;
Dit n’y avoir lieu à contrainte par corps en raison de leur âge contre les accusés EWODO NOAH, ETONDE EKOTO Edouard et ASA’ANA MBA Thompson ;
Avertit les accusés KAMDEM et ASA’ANA MBA Thompson de ce qu’ils disposent d’un délai de 10 jours pour faire opposition à compter du lendemain de la signification du
présent arrêt et de trente jours pour se pourvoir en cassation à compter de l’expiration du délai d’opposition ;
Avise les autres parties de ce qu’elles disposent d’un délai de 10 jours à compter du lendemain du prononcé du présent arrêt pour se pourvoir en cassation ;
Ordonne la publication du présent arrêt au journal des annonces légales ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les même jour, mois et an que dessus ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi « les moyens de cassation » tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par lettre en date du 18 juin 2009 et enregistrée le 19 juin 2009 au greffe de la Cour de céans, Maître Emmanuel PENSY, Avocat au Barreau du Cameroun, agissant au nom et pour le compte de Monsieur ETONDE EKOTO Edouard Nathanaël, a déclaré formuler un pourvoi en cassation contre l’Arrêt n°38/CRIM rendu le 11 juin 2009 par la Cour d’appel du Littoral statuant en matière criminelle et dont le dispositif est reproduit ci-dessus ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Vu l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité institutif de l’OHADA ;
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 12 avril 2010, le Port Autonome de Douala, défendeur au pourvoi, soulève, entre autres, l’incompétence ratione materiae de la Cour de céans ; que selon lui, le demandeur au pourvoi fonde son recours en cassation dirigé contre l’Arrêt n°38/CRIM du 11 juin 2009 rendu par la Cour d’appel du Littoral statuant en matière purement et exclusivement criminelle et non correctionnelle sur les articles 14 du Traité OHADA, 889, 890 et 891 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique alors qu’il est constant que tel n’a jamais été le cas, l’arrêt attaqué n’ayant nullement fait application des Actes uniformes OHADA qui, du reste, ne lui aurait pas permis de prononcer des sanctions pénales qu’il comporte ; que la tentative de sieur ETONDE EKOTO d’évoquer la compétence de la haute Cour de céans en invoquant simplement dans l’argumentaire des dispositions de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales que le juge d’appel n’a pas eu à appliquer, ne saurait prospérer ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévues au présent Traité à l’exception
des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu qu’il ressort des dispositions susénoncées que la Cour de céans ne peut connaître, par la voie du recours en cassation, des affaires qui, bien que soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité, concernent des décisions appliquant des sanctions pénales ; que l’Arrêt n°38/CRIM du 11 juin 2009 de la Cour d’appel du Littoral, objet du présent pourvoi, a été rendu en matière criminelle et a, entres autres, déclaré l’accusé ETONDE EKOTO coupable de certains faits qui lui sont reprochés et l’a condamné à 15 ans d’emprisonnement ferme ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer incompétente ;
Attendu que Monsieur ETONDE EKOTO Edouard Nathanaël ayant succombé, il échet de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Condamne Monsieur ETONDE EKOTO Edouard Nathanaël aux dépens.