La CCJA n’est pas compétente pour statuer lorsque les conditions de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité OHADA ne sont pas réunies. Il en est ainsi lorsque le litige relève d’une matière non réglementée par un Acte uniforme ou est survenu antérieurement à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme. En l’espèce, l’Acte uniforme relatif au droit commercial général dont la demanderesse au pourvoi excipe les articles 160, 162 et 164 contenus dans son titre II intitulé commissionnaire pour sa mise hors de cause comme commissionnaire a été adopté le 17 avril 1997 et est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Or, adopté et entré en vigueur après la conclusion et l’exécution du contrat en date du 9 septembre 1996, cet Acte uniforme ne peut être appliqué au présent litige du seul fait qu’il soit invoqué par une partie.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A , ARRET N° 050/2012 du 07 juin 2012, Affaire : Madame KOUAME AMENAN Delphine, (Conseil : Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour) Contre Madame BONI née N’GUESSAN ADJOUA Claudine
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAIDAGI, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 avril 2009 sous n°039/2009/PC et formé par Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour, demeurant à l’avenue Lamblin, immeuble L’EQUATEUR, 01 BP 5176 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Madame KOUAME Amenan Delphine, demeurant à Abidjan-Vridi dans la cause l’opposant à Madame BONI née N’GUESSAN Adjoua, domiciliée à Abidjan, Port Bouët - Vridi, ayant pour conseils Maîtres ORE & Associés, Avocats à la Cour, demeurant Boulevard Clozel, résidence GYAM, Abidjan,
En annulation de l’Arrêt n° 127/2009 rendu le 05 mars 2009 par la Cour Suprême de Côte d’ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« Par ces motifs
Rejette le pourvoi formé par KOUAME AMENAN Delphine contre l’arrêt N° 147 en date du 23 février 2007 de la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par courrier n°326/2009/G2 du 14 mai 2009 reçu le 20 mai 2009, le recours a été signifié à Madame BONI née N’GUESSAN Adjoua Claudine par l’intermédiaire de ses conseils Maître ORE & Associés qui n’ont pas déposé de mémoire en réponse dans le délai de trois mois qui leur a été imparti ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure fait ressortir que sur opposition formée le 17 septembre 2003 par Madame KOUAME Amenan Delphine contre l’Ordonnance aux fins d’injonction de payer N°3922/2003 rendue le 15 juillet 2003 qui l’a condamnée à payer à Madame BONI née N’GUESSAN Adjoua Claudine la somme principale de 27 000 000 Francs, le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau a, par Jugement N° 2055/CIV3D rendu le 06 juillet 2005, déclaré Madame KOUAME AMENAN Delphine irrecevable en son action pour cause de forclusion ; que sur appels principal et incident de Madame KOUAME Amenan Delphine et de Madame BONI née N’GUESSAN Adjoua Claudine, la troisième chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 23 février 2007 l’Arrêt n° 147 dont le dispositif est le suivant : « statuant publiquement, contradictoirement en matière civile, en dernier ressort, déclare recevables les appels tant principal qu’incident interjetés par Dame KOUAME Amenan Delphine d’une part et par Dame BONI née N’GUESSAN Adjoua Claudine d’autre part du Jugement N°2055 rendu le 06 juillet 2005 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ; déclare fondé l’appel principal de Dame KOUAME AMENAN Delphine et non celui de dame BONI née N’GUESSAN ADJOUA et le rejette comme tel ; infirme ledit jugement ; statuant à nouveau, déclare recevable l’opposition formée le 17 septembre 2003 contre l’ordonnance d’injonction de payer N°3922 du 15 juillet 2003 ; déclare cependant ladite opposition mal fondée ; dit qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée ; condamne Dame KOUAME AMENAN Delphine à payer à Dame BONI née N’GUESSAN ADJOUA Claudine la somme de 27 000 000 F cfa en principal outre les intérêts ; déboute par ailleurs dame BONI née N’GUESSAN ADJOUA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure dilatoire ; déclare sans objet la demande d’exécution provisoire ; condamne Dame KOUAME AMENAN Delphine aux dépens ; » ; que le 20 décembre 2007, Madame KOUAME AMENAN Delphine formait un pourvoi en cassation contre l’arrêt susénoncé devant la Cour Suprême de Côte d’ivoire et invoquait, par conclusions en date du 06 juin 2008, l’incompétence de ladite Cour et le renvoi de l’affaire devant la Cour de céans en application de l’article 15 du Traité OHADA ; que statuant sur ledit pourvoi, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’ivoire a, par Arrêt n° 127/09 du 05 mars 2009 dont annulation est sollicitée, rejeté le pourvoi après s’être déclarée compétente ;
Sur l’annulation de l’Arrêt n°127/09 du 05 mars 2009
Vu l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Attendu que Madame KOUAME AMENAN Delphine demande à la Cour de céans d’annuler l’Arrêt n° 127/09 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême rendu en violation de l’article 18 du Traité suscité en ce qu’ayant soulevé l’incompétence de ladite Cour dans ses conclusions du 06 juin 2008, celle-ci est passée outre et a statué en retenant sa compétence alors que le litige qui l’oppose à Madame BONI née N’GUESSAN ADJOUA a trait à une ordonnance d’injonction de payer régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dont le recours en cassation relève de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité sus visé : « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause. Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » ;
Attendu qu’il ressort de l’énonciation de l’arrêt dont annulation est sollicitée que Dame KOUAME AMENAN Delphine, après avoir formé un pourvoi en cassation devant la Chambre Judicaire de la Cour Suprême contre l’Arrêt n° 147 du 23 février 2007, a soulevé l’incompétence de ladite
Cour sur le fondement de l’article 14 du Traité suscité en ce que le litige l’opposant à Madame BONI née N’GUESSAN ADJOUA est relatif à la procédure d’injonction de payer ; que statuant sur le pourvoi, la Cour suprême a retenu que « dame KOUAME AMENAN Delphine a elle- même saisi la Cour Suprême, qu’en cette qualité, elle n’est pas recevable à soulever l’incompétence de ladite Cour. » ;
Attendu que l’arrêt déféré devant la Cour Suprême soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme et que, conformément à l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, seule la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est compétente pour connaître le pourvoi y relatif ; qu’en statuant sur le pourvoi à lui soumis nonobstant la demande d’incompétence formulée par la demanderesse au pourvoi, la Chambre Judiciaire de la Cour suprême de Côte d’ivoire a méconnu les dispositions de l’article 18 du Traité susvisé en se déclarant à tort compétente ; qu’il s’ensuit que sa décision résultant de l’Arrêt n° 127/09 du 05 mars 2009 est nulle et non avenue ;
Sur la demande de Madame KOUAME AMENAN Delphine relative à l’évocation
Attendu que Madame KOUAME AMENAN Delphine demande à la Cour de céans qu’après l’annulation de l’Arrêt n° 127/09 rendu le 05 mars 2009 par la Chambre Judiciaire de la Cour suprême de Côte d’ivoire, de statuer à nouveau en jugeant que l’opposition formée contre l’Ordonnance d’injonction de payer n°3922 du 15 juillet 2005 est fondée pour cause d’autorité de la chose jugée et de rétracter ladite ordonnance ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la Cour de céans selon lesquelles : « Si la cour décide que la juridiction nationale s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. Toute partie devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité et aux articles 23 à 50 du présent Règlement. », la demande de Madame KOUAME AMENAN Delphine tendant à statuer à nouveau est formulée en violation des dispositions sus énoncées et doit être déclarée irrecevable ;
Attendu que chacune des parties supportera ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Dit que la Cour Suprême de Côte d’ivoire s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi formé par Madame KOUAME Amenan Delphine ;
Déclare en conséquence nul et non avenu l’Arrêt n° 127/09 rendu le 05 mars 2009 par ladite Cour ;
Déclare irrecevable la demande de Madame KOUAME Amenan Delphine relative à l’évocation de l’affaire ;
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.