Est irrecevable pour forclusion le recours en annulation d’une sentence arbitrale exercé plus d’un an après la notification de la sentence arbitrale exéquaturée, l’article 27 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage ayant fixé un délai d’un mois.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 049/2012 du 07 juin 2012 Affaire : Société PRO-PME Financement S.A (Conseil : Maître Paul Privat GWET, Avocat à la Cour) Contre : 1 ) Monsieur TANKO Jean ; 2) Madame TANKO née NDOUHEU Madeleine (Conseil : Maître Léopold Thierry EYANA, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAIDAGI, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 18 février 2009 sous le n°016/2009/PC et formé par Maître Paul Privat GWET, Avocat au barreau du Cameroun, BP 1532, Douala - CAMEROUN, agissant au nom et pour le compte de la Société PRO-PME Financement S.A, aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Luc LE GUERRIER, dans la cause l’opposant à Monsieur TANKO Jean et Madame TANKO née NDOUHEU Madeleine, ayant pour conseil Maître Léopold Thierry EYANA, Avocat au barreau du Cameroun, BP 12602 Douala -CAMEROUN,
En cassation de l’Arrêt n°060/C rendu le 16 mai 2008 par la Cour d’appel du Littoral de Douala et dont le dispositif est le suivant :
« Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Reçoit l’appel ;
Au fond
Annule la sentence arbitrale rendue le [24 juillet 2006] par le Centre d’Arbitrage du GICAM ;
Condamne la société PRO-PME aux dépens ... ; »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, le 16 avril 2002, la société PRO-PME Financement et Monsieur TANKO Jean ont conclu une convention d’ouverture de crédit avec garantie hypothécaire pour l’achat et les frais d’installation des équipements de production, laquelle a fait l’objet d’un avenant le 21 octobre 2002 et contenant respectivement une clause compromissoire ; qu’estimant que les engagements contractuels n’ont pas été respectés, la société PRO-PME Financement a saisi, avec l’accord des époux TANKO, le Centre d’Arbitrage du GICAM à Douala qui a rendu le 24 juillet 2006 une sentence arbitrale condamnant Monsieur TANKO Jean à lui payer la somme de 97 745 976 FCFA et reconventionnellement, la société PRO-PME Financement à payer à Monsieur TANKO Jean la somme de 15 000 000 FCFA ; que par Ordonnance n°1635 du 07 septembre 2006, la sentence a été exequaturée et signifiée le 16 novembre 2006 aux époux TANKO lesquels ont, par requête reçue au greffe de la Cour le 30 novembre 2006 sous le numéro 271, saisi la Cour d’appel du Littoral à Douala d’un recours en annulation ; qu’opposant l’irrecevabilité de la demande du recours en annulation pour violation de l’article 5, alinéa 1er de la loi n°2003/2009 relative à la désignation des juridictions compétentes visées à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine et selon lequel, qu’en cas de recours en annulation de la sentence, la Cour d’appel est saisie par voie d’assignation ou par motion en notice, les époux TANKO ont sollicité et obtenu la radiation de l’affaire du rôle ; que par exploit du 26 décembre 2007, les époux TANKO ont assigné par devant la Cour d’appel du Littoral, la société PRO-PME Financement pour voir annulée la sentence arbitrale du 24 juillet 2006 ; que la société PRO-PME Financement répliquait en invoquant l’irrecevabilité pour forclusion du recours en annulation exercé le 26 décembre 2007 contre la sentence exequaturée et signifiée le 16 novembre 2006 intervenu tardivement soit plus d’un an après la signification ce, en violation de l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage aux termes desquels « le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l’exequatur » ; que le 16 mai 2008, la Cour d’appel du Littoral a rendu l’Arrêt n°060/C dont pourvoi en motivant que la première requête en annulation en date du 30 novembre 2006 suspendait le délai de recours d’un mois.
Sur le second moyen
Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation de l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, déclaré recevable le
recours en annulation formé le 26 décembre 2007 par les époux TANKO contre la sentence arbitrale exequaturée et signifiée le 16 novembre 2006 aux motifs que le premier recours du 30 novembre 2006 contre lequel les époux TANKO ont sollicité et obtenu la radiation le 17 décembre 2007 suspendait le délai de recours ouvert aux époux TANKO au sens de l’article 198 du code de procédure civile et commerciale du Cameroun alors, selon le moyen, que le délai de recours contre une sentence arbitrale est d’un mois à compter de la date de notification de ladite sentence et que le recours formé le 26 décembre 2007 est irrecevable pour forclusion ;
Attendu que les articles 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et 198 du code de procédure civile et commerciale du Cameroun disposent respectivement : « le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l’exequatur » et « s’il survient au cours du délai d’appel un changement dans l’état de l’une des parties, le délai d’appel sera suspendu et ne recommencera à courir que 08 jours après une nouvelle signification visant expressément l’application du présent article » ;
Attendu que la sentence arbitrale exequaturée a été signifiée le 16 novembre 2006 et que le recours en annulation intervenu le 30 novembre 2006 contre ladite sentence a été exercée dans le délai d’un mois fixé par l’article 27 de l’Acte uniforme sus énoncé ; que la radiation sollicitée par les époux TANKO pour raison de confusion de mode de saisine préalablement faite par voie de requête et obtenue le 17 décembre 2007 ne peut être considérée, au sens de l’article 198 du code de procédure civile et commerciale du Cameroun, comme un changement survenu au cours du délai d’appel pour le suspendre, le délai du recours ayant commencé à courir depuis le 16 novembre 2006, date de la signification ; que l’article 27 de l’Acte uniforme susénoncé indique que le recours en annulation cesse d’être recevable s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l’exequatur ; qu’ainsi, le recours intervenu le 26 décembre 2007 par voie d’assignation soit plus de treize mois après le 16 novembre 2006, date de la signification de la sentence est tardif pour être exercé après expiration du délai légal, et doit être déclaré irrecevable ; qu’en retenant, pour déclarer recevable le recours du 26 décembre 2007 formé par voie d’assignation contre la même sentence, après obtention de la radiation le 17 décembre 2007, que la première requête en annulation en date du 30 novembre 2006 suspendait le délai de recours d’un mois, la Cour d’appel du Littoral a, par mauvaise interprétation, violé l’article 27 de l’Acte uniforme susindiqué ; que dès lors il convient de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer sans qu’il soit besoin de statuer sur le premier moyen ;
SUR L’EVOCATION
Attendu que le recours formé le 26 décembre 2007 par voie d’assignation contre la sentence arbitrale exequaturée et signifiée le 16 novembre 2006 a été exercé après expiration du délai d’un mois fixé par l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ; que pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la cassation, il convient de déclarer irrecevable le recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 24 juillet 2006 par le Centre d’Arbitrage du GICAM à Douala exequaturée le 07 septembre 2006 par le Président du tribunal de première instance de Douala Bonandjo comme tardif ;
Sur les demandes des époux TANKO
Attendu les époux TANKO sollicitent la confirmation de l’Arrêt n°060/C du 16 mai 2008 de la Cour d’appel du Littoral ;
Mais attendu que la Cour de céans ayant retenu l’irrecevabilité du recours en annulation de la sentence arbitrale exequaturée pour cause de forclusion, cette demande est sans objet ;
Attendu qu’ayant succombé, Monsieur TANKO Jean et Madame TANKO née NDOUHEU Madeleine doivent être condamnés solidairement aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°060/C rendu le 16 mai 2008 par la Cour d’appel du Littoral ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Déclare irrecevable, pour forclusion, le recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 24 juillet 2006 par le Centre d’Arbitrage du GICAM à Douala et exequaturée le 07 septembre 2006 par le Président du Tribunal de première instance de Douala Bonandjo ;
Déclare sans objet les demandes de Monsieur TANKO Jean et Madame TANKO née NDOUHEU Madeleine ;
Les condamne solidairement aux dépens.