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07/06/2012 | OHADA | N°048/2012

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 07 juin 2012, 048/2012


L’hypothèque ordonnée par le juge des requêtes et inscrite pour sûreté et avoir paiement d’une créance, puis validée par la suite par le jugement qui a en même temps condamné le débiteur au paiement, est maintenue nonobstant l’annulation de la convention en vertu de laquelle le prêt a été octroyé au débiteur, en application de l’article 144 de l’Acte uniforme (non révisé) sur les Sûretés.
La convention par laquelle une société anonyme accorde une série de prêts pour un montant total de 27.555.601 FCFA à un de ses administrateurs est nulle et de nul effet a

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L’hypothèque ordonnée par le juge des requêtes et inscrite pour sûreté et avoir paiement d’une créance, puis validée par la suite par le jugement qui a en même temps condamné le débiteur au paiement, est maintenue nonobstant l’annulation de la convention en vertu de laquelle le prêt a été octroyé au débiteur, en application de l’article 144 de l’Acte uniforme (non révisé) sur les Sûretés.
La convention par laquelle une société anonyme accorde une série de prêts pour un montant total de 27.555.601 FCFA à un de ses administrateurs est nulle et de nul effet au regard de l’article 450 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique.
ARTICLE 144 AUPSRVE ARTICLE450 AUSCGIE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 048/2012 du 07 juin 2012, Affaire : Monsieur Salia Mohamed Lamine (Conseil : Maître Abdoul Wahab BERTHE, Avocat à la cour) Contre Société d’Assurances « LAFIA-SA » (Conseils : SCP YATTARA-SANGARE, Avocats à la Cour). Recueil de jurisprudence de la CCJA n° 18, Janvier - Juin 2012, p. 196.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAIDAGI, Président, rapporteur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Salia Mohamed Lamine contre Société d’Assurances « Lafia-S.A » par Arrêt n°223 du 08 octobre 2007 de la Cour Suprême du MALI, saisie d’un pourvoi formé le 07 avril 2005 par Maître Abdoul Wahab BERTHE, Avocat au Barreau du MALI, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Salia Mohamed
Lamine, commerçant domicilié à Badalabougou, Bamako, Rue 132, porte 547, dans la cause l’opposant à la société d’Assurances « LAFIA-SA », Immeuble Assurances Lafïa ACI 2000, BP 1542, ayant pour conseils la SCP YATTARA-SANGARE, Avocats associés, Immeuble ABK1, Avenue Cheick Zayed, BPE 1878 Bamako (MALI),
En cassation de l’Arrêt n°121 rendu le 06 avril 2005 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, en appel et en dernier ressort ;
EN LA FORME : Reçoit les appels ;
AU FOND : Infirme le jugement querellé et ;
STATUANT A NOUVEAU : Rejette l’exception soulevée par Salia Mohamed LAMINE ;
Le condamne à payer aux Assurances LAFIA S.A la somme de 27.555.601 (vingt sept millions cinq cent cinquante cinq mille six cent un) francs CFA ;
Déboute les Assurances LAFIA S.A de la demande de dommage-intérêts ;
Leur octroie l’hypothèque définitive ;
Met les dépens à la charge de Salia Mohamed LAMINE. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que pour garantir le paiement d’une créance évaluée en principal à 27.555.601 F CFA, les Assurances « Lafia S.A » obtenaient du Président du Tribunal de première instance de la Commune V du District de Bamako, l’Ordonnance n°21 du 31 décembre 2002 les autorisant à faire inscrire une hypothèque provisoire sur le titre foncier n°21020 sis à Daoudabougou et appartenant à leur débiteur Salia Mohamed LAMINE ; que par Jugement n°342 du 07 juillet 2003, le Tribunal de première instance de la Commune V validait cette hypothèque en ces termes : « reçoit les Assurances Lafia en leur requête ; déclare que l’hypothèque déjà inscrite contre le défendeur sera maintenue dans sa totalité et condamne Salia Mohamed LAMINE aux dépens » ; que sur appels de Salia Mohamed Lamine et de la Société d’Assurances « LAFIA S.A » la Cour
d’appel de Bamako rendait, le 06 avril 2005, l’Arrêt n° 121 dont le dispositif est ci-dessus reporté ; que sur pourvoi formé par acte n°59 du 07 avril 2005, Maître Abdoul Wahab BERTHE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Salia Mohamed Lamine, la Cour Suprême du MALI, par Arrêt n°223 du 08 octobre 2007, s’est déclarée incompétente et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 450 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 450 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’il n’a jamais été contesté que Monsieur Salia Mohamed LAMINE est administrateur de la Société Lafia et qu’il s’agit d’un emprunt à lui fait par ladite société ; que dès lors les juges du fond avaient l’obligation de déclarer nulle la convention en vertu du texte visé ; qu’ils ont paradoxalement estimé que la nullité a pour effet simplement la remise des prestations dans le statu quo ante, ce qui n’est pas en cause ; qu’aurait-il fallu d’abord que les juges du fond admettent cette nullité, ce qui n’est pas le cas ; qu’en statuant donc comme ils l’ont fait, ils ont violé le texte visé au moyen et l’arrêt querellé doit être cassé ;
Attendu qu’aux termes de l’article 450 de l’Acte uniforme susvisé « à peine de nullité de la convention, il est interdit aux administrateurs, aux directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants ou descendants et aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.
Cette interdiction ne s’applique pas aux personnes morales membres du conseil d’administration. Toutefois, leur représentant permanent, lorsqu’il agit à titre personnel, est également soumis aux dispositions de l’alinéa premier du présent article.
Lorsque la société exploite un établissement bancaire ou financier, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations courantes conclues à des conditions normales. » ;
Attendu que les dispositions susénoncées ont non seulement pour objectif de protéger les intérêts des actionnaires et des créanciers sociaux mais également de moraliser l’administration des sociétés par l’interdiction de pratiques risquant de nuire d’une manière générale au crédit de celles-ci et aux rapports commerciaux ; que la nullité édictée par lesdites dispositions est d’ordre public et constitue une nullité absolue qui peut être invoquée par toute personne intéressée, notamment les parties à la convention incriminée, les actionnaires de la société concernée et même les tiers lorsque la convention nulle leur cause un préjudice ; que cette nullité absolue a pour effet de mettre à néant la convention rétroactivement et par conséquent de mettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement ;
Attendu, en l’espèce, que Monsieur Salia Mohamed LAMINE étant administrateur de la société « Lafia-S.A », il fait partie des personnes à qui il est interdit « de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de se faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers » ; que la convention par laquelle la société « Lafia-
S.A » a accordé des séries de prêts d’un montant global de 27.555.601 F CFA est nulle et de nullité absolue au regard des dispositions susénoncées de l’article 450 de l’Acte uniforme susindiqué ; qu’il s’ensuit qu’en retenant « ... qu’il ne résulte pas du texte [article 450] que la convention est nulle et de nul effet comme le prétend Salia Mohamed LAMINE » la Cour d’appel de Bamako a violé, par mauvaise application, l’article 450 visé au moyen ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt n° 121 rendu le 06 avril 2005 par la Cour d’appel de Bamako et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par acte en date du 07 juillet 2003, Monsieur Salia Mohamed Lamine relevait appel par le truchement de son conseil Maître Abdoul Wahab BERTHE, du Jugement n°342 rendu le même jour par le Tribunal de première instance de la Commune V du District de Bamako et dont le dispositif est le suivant : « vidant son délivré, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort, reçoit les Assurances LAFIA S.A en leur requête, déclare que l’hypothèque déjà inscrite contre le défendeur sera maintenue en totalité et condamne Salia Mohamed LAMINE aux dépens. » ; que par acte en date du 16 juillet 2003, les Assurances Lafia S.A relevait également appel de la même décision ;
Attendu qu’au soutien de son appel, Monsieur Salia Mohamed Lamine soulève, in limine litis, l’exception tirée de la nullité de la convention de prêt en se fondant sur les dispositions de l’article 450 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ; qu’il conclut donc à l’infirmation de la décision déférée et demande à la Cour de constater la nullité de la convention, base de la créance et ordonner la mainlevée et la radiation de l’hypothèque inscrite ;
Attendu que les Assurances Lafia S.A, pour leur part, allèguent que leur créance contre Salia Mohamed LAMINE, évaluée à 27.555. 601 F CFA est certaine et liquide ; que c’est pour cette raison qu’elles ont obtenu une inscription hypothécaire provisoire conformément aux dispositions de l’article 136 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés ; qu’elles sollicitent donc la validation de cette hypothèque provisoire et la condamnation de Salia Mohamed Lamine au paiement de la somme de 27.555.601 F CFA en principal et celle de 5.000.000 F CFA à titre de dommage-intérêts ;
Attendu cependant, que par correspondance en date du 1er février 2005, les Assurances LAFIA S.A, par le truchement de leurs conseils la SCP YATTARA-SANGARE, déclarent se désister de leur appel et sollicitent qu’il leur en soit donne acte ;
Sur le donné acte
Attendu qu’il y a lieu de donner acte à la société Lafia S.A de son désistement d’appel ;
Sur la nullité de la convention de prêt
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux pour lesquels l’arrêt querellé a été cassé, il y a lieu de déclarer nulle et de nul effet la convention de prêt liant Monsieur Salia Mohamed Lamine à la Société des Assurances Lafia S.A ;
Sur la demande de paiement de la somme de 27.555.601 F CFA formulée par Assurances Lafia S.A
Attendu, en l’espèce, que le contrat ayant été déclaré nul, il est censé n’avoir jamais existé et par conséquent les choses doivent être remises dans leur état antérieur avec pour effet que chacune des parties restitue ce qu’elle a reçu de l’autre en exécution de la convention nulle à moins que l’on ne soit en présence d’un demandeur indigne à la répétition, ce qui n’est pas le cas, s’agissant de la société des Assurances Lafia S.A ;
Attendu qu’il ressort des pièces versées aux dossiers, notamment de « bons pour » signés par Monsieur Salia Mohamed Lamine et d’une lettre datée du 31 août 2002 que celui-ci a adressée à la demanderesse, que la société des assurances Lafia S.A est créancière de Monsieur Salia Mohamed Lamine de la somme de 27.555.601 F CFA ; qu’il y a lieu en conséquence de condamner Monsieur Salia Mohamed Lamine au paiement de ladite somme ;
Sur la demande de dommages-intérêts
Attendu qu’ayant donné acte à la société Lafia S.A de son désistement d’appel, il y a lieu de déclarer sa demande de condamnation de Monsieur Salia Mohamed Lamine à la somme de 5.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts, présentée devant la Cour, irrecevable ;
Sur la validation de l’hypothèque provisoire
Attendu qu’aux termes de l’article 144 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, « si la créance est reconnue, la décision statuant sur le fond maintient en totalité ou en partie l’hypothèque déjà inscrite ou octroie une hypothèque définitive » ; qu’en l’espèce, Monsieur Salia Mohamed Lamine ayant été condamné à payer à la société des Assurances Lafia S.A la somme de 27.555.601 F CFA initialement réclamée, il y a lieu de maintenir l’hypothèque déjà inscrite en totalité ; Attendu que Monsieur Salia Mohamed Lamine ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 121 rendu le 06 avril 2005 par la Cour d’appel de Bamako ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare nulle la convention de prêt liant Monsieur Salia Mohamed Lamine à la Société Lafia S.A ;
Condamne Monsieur Salia Mohamed Lamine à payer à la société Lafia S.A la somme de 27.555.601 FCFA ;
Déclare irrecevable la demande par laquelle la société Lafia S.A sollicite la condamnation de Monsieur Salia Mohamed Lamine à la somme de 5.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ;
Maintient en totalité l’hypothèque déjà inscrite par la société Lafia S.A sur le titre foncier n°21020 sis à Daoudabougou et appartenant à Salia Mohamed Lamine ;
Condamne Monsieur Salia Mohamed Lamine aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 048/2012
Date de la décision : 07/06/2012

Analyses

HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE - JUGEMENT DE VALIDATION DE L'HYPOTHÈQUE ET DE CONDAMNATION DU DÉBITEUR - ANNULATION DE LA CONVENTION DE PRÊT AYANT DONNE LIEU À HYPOTHÈQUE - MAINTIEN DE L'HYPOTHÈQUE (ARTICLE 144 AUPSRVE) CONVENTION DE PRÊT ENTRE UNE SOCIÉTÉ ET UN DE SES ADMINISTRATEURS - VIOLATION DE L'ARTICLE 450 AUSCGIE - ANNULATION DE LA CONVENTION


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2012-06-07;048.2012 ?
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