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15/03/2012 | OHADA | N°022/2012

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 15 mars 2012, 022/2012


Constitue une interprétation erronée de l’article 54 de l’AUPSRVE le fait pour une Cour d’appel de déclarer, pour valider une saisie conservatoire de créances, que la durée d’existence de la créance était à elle seule une circonstance de nature à en menacer le recouvrement sans que soit établie une corrélation entre cette durée et le risque d’insolvabilité ou des manœuvres entreprises de mauvaise foi par le débiteur et qui seraient de nature à priver d’efficacité toutes mesures de recouvrement ultérieures. Doit par conséquent être ordonnée la mainlevée de tell

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Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 022/2012 du 1...

Constitue une interprétation erronée de l’article 54 de l’AUPSRVE le fait pour une Cour d’appel de déclarer, pour valider une saisie conservatoire de créances, que la durée d’existence de la créance était à elle seule une circonstance de nature à en menacer le recouvrement sans que soit établie une corrélation entre cette durée et le risque d’insolvabilité ou des manœuvres entreprises de mauvaise foi par le débiteur et qui seraient de nature à priver d’efficacité toutes mesures de recouvrement ultérieures. Doit par conséquent être ordonnée la mainlevée de telle saisie.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 022/2012 du 15 mars 2012, Affaire : Société Nationale Ivoirienne de Travaux dite SONITRA S.A. (Conseil : Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour) Contre Société KOFFI ABOUT & PARTNERS ARCHITECTES SARL dite K.A.P. ARCHITECTES
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Ndongo FALL, Président, rapporteur Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge Victoriano OBIANGABOGO, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi, enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 077/2007/PC et formé par Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour, 17 Bd ROUME, résidence ROUME, 2e Etage, Porte 22, 23 BP 274 Abidjan 23, au nom et pour le compte de la SONITRA, sise à Abidjan, route d’Abobo, 01 BP 2609 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la Société KOFFI ABOUT et PARTNERS ARCHITECTES dite KAP ARCHITECTES, sise à Abidjan Plateau 20, Avenue du Général DE GAULLE, Immeuble l’Ebrien,
En cassation de l’Arrêt n° 283/Civ-1) en date du 11 mai 2007 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire) qui, statuant en dernier ressort, a infirmé l’ordonnance de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société K.A.P. ARCHITECTES sur les comptes bancaires de la SONITRA S.A. au motif « qu’il n’est pas contesté que la société KAP a exécuté pour le compte de la SONITRA des travaux ;
[Qu’il] n’est pas non plus contesté qu’une créance est née au profit de la société KAP du fait de la réalisation de ces travaux et que cette dette de la SONITRA n’a pas encore été éteinte par cette dernière ; [Que], partant, c’est à juste titre que la société KAP allègue que sa créance paraît fondée en son principe et ce, en application de l’article 54 de l’Acte uniforme relatif aux procédures de recouvrement simplifié de créance ;
... qu’il est également constant que la créance dont le recouvrement a donné lieu à la saisie conservatoire querellée résulte de la réalisation de travaux à la suite d’un contrat conclu entre les parties le 28 mai 1999 ;
[Que] cette créance est donc vieille de plus de six (06) ans ;
[Qu’ainsi], le temps mis pour son règlement caractérise le péril qui en découle [et qu’] en statuant ... dans le sens contraire, le premier juge n’a pas fait une bonne application de l’article 54 susvisé » ;
La requérante invoque au soutien de son pourvoi un moyen unique tel qu’il figure au recours annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Ndongo FALL, Second Vice-Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu que par courrier en date du 08 janvier 2008, le Greffier en chef de la Cour de céans a signifié conformément aux dispositions des articles 24 et 30 du Règlement de procédure de la Cour, la requête en cassation à la société KAP ARCHITECTES ; que le principe du contradictoire étant ainsi respecté, il y a lieu de statuer sur son bien fondé ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que les relations d’affaires entre la SONITRA S.A et la société KAP ARCHITECTES ont été interrompues pendant la crise politico-militaire survenue en Côte d’Ivoire en décembre 1999 ; que la société KAP ARCHITECTES a par la suite exigé que la société SONITRA S.A lui règle la somme de 317 775 000 F CFA qui constituerait le solde du montant dû dans le cadre de l’exécution d’un contrat les liant ; que la SONITRA S.A fait valoir que non seulement la société KAP ARCHITECTES n’a pas exécuté son contrat selon les termes convenus mais qu’elle-même ne peut obtenir le paiement de la part du maître d’ouvrage qu’est l’Etat de Côte d’Ivoire que sur présentation des justificatifs de la dépense alors que toutes les démarches entreprises auprès de la société KAP ARCHITECTES afin de recevoir les justificatifs de ses prétentions se sont avérées vaines ; que s’estimant néanmoins dans son droit, la société KAP ARCHITECTES a entrepris des mesures de recouvrement et a obtenu l’Ordonnance d’injonction de payer numéro 1173 du 15/03/2006 contre laquelle opposition a été exercée par la société SONITRA S.A. ; que la société KAP ARCHITECTES a également pratiqué une saisie conservatoire sur les avoirs de la société SONITRA S.A. entre les mains de la société AGEROUTE ; que le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan saisi a ordonné la mainlevée de la saisie ; que statuant sur l’appel interjeté contre l’ordonnance de mainlevée, la Cour d’appel d’Abidjan a infirmé cette ordonnance par l’Arrêt n° 283 du 11 mai 2007 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique
Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement » ;
Qu’elle fait valoir que la Cour d’appel d’Abidjan en décidant que le temps mis pour le règlement de la créance est constitutif de la menace au sens de l’article 54 de l’Acte uniforme alors qu’il est notoirement connu qu’elle est une société solvable du fait tant de la composition de son capital social que par ses activités de Bâtiments- Travaux Publics ;
Qu’elle précise que, même à supposer que le temps mis pour le règlement puisse constituer une menace, la société KAP qui invoque ce moyen n’est pas exempte de tout reproche car ce n’est que par l’Ordonnance n° 1173 du 15 mars 2006 qu’elle a manifesté son intention de recouvrer sa prétendue créance ;
Attendu qu’en effet, s’il est exact que les conditions de la saisie conservatoire prévues à l’article 54 de l’Acte uniforme renvoie à des éléments de pur fait dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, la caractérisation des éléments d’appréciation retenus est soumise au contrôle de la Cour ;
Qu’en l’espèce, la spécification de la durée de l’existence de la créance comme circonstance, à elle seule, de nature à menacer le recouvrement de la créance au sens dudit article, sans que soit établie une corrélation entre cette durée et le risque d’insolvabilité ou des manœuvres entreprises de mauvaise foi par le débiteur et qui seraient de nature à priver d’efficacité toutes mesures de recouvrement ultérieures, constitue une interprétation erronée de ce texte qui expose la décision attaquée à la censure ;
Qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan et d’évoquer le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que les conditions relatives aux circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance prévues à l’article 54 et comme ci-dessus définies n’étant pas établies par le saisissant pour les motifs ci-dessus justifiant la cassation de l’arrêt, il y a lieu de déclarer recevable l’appel de la SONITRA S. A. et au fond, y faisant droit, de confirmer l’ordonnance entreprise ;
Attendu que la société KAP ARCHITECTES qui succombe doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Reçoit en la forme le pourvoi ;
Casse l’arrêt n°283/Civ-1 en date du 11 mai 2007 de la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant,
Reçoit en la forme l’appel de la SONITRA S. A. ;
Au fond, confirme l’ordonnance de mainlevée de la saisie conservatoire ;
Condamne la société KOFFI ABOUT & PARTNERS ARCHITECTES dite KAP ARCHITECTES S. A.R.L aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 022/2012
Date de la décision : 15/03/2012

Analyses

SAISIE CONSERVATOIRE - JUSTIFICATION DE LA SAISIE PAR LA DURÉE DE LA CRÉANCE - INTERPRÉTATION ERRONÉE DE L'ARTICLE 54 AUPSRVE - MAINLEVÉE DE LA SAISIE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2012-03-15;022.2012 ?
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