La Cour d’appel qui déclare irrecevable l’appel contre un jugement rendu en audience éventuelle validant le commandement tendant à saisie immobilière et fixant la date d’adjudication, sur le fondement de l’article 313 de l’AUPSRVE, lequel se rapporte à la demande d’annulation de la décision judiciaire (ou du procès verbal) d’adjudication, fait une fausse application de la loi. L’appel interjeté est irrecevable, mais sur le fondement de l’article 300 alinéa, s’agissant d’un jugement ayant statué hors les cas où l’appel est prévu.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 021/2012 du 15 mars 2012, Affaire : TRAZIE Zamblé Roger (Conseil : Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour) Contre Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest dite BIAO-CI (Conseil : Maître AKA F. Félix, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Ndongo FALL, Président, rapporteur Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge Victoriano OBIANGABOGO, Juge Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire TRAZIE Zamblé Roger contre la BIAO-CI, par Arrêt n° 535/06 du 12 octobre 2006 de la Cour suprême de Côte d’Ivoire saisie d’un pourvoi formé par exploit en date du 09 décembre 2004 par TRAZIE Zamblé Roger, 01 BP 8220 Abidjan 01, ayant pour Conseil Maître TAPE Manakalé Ernest, Avocat à la Cour, demeurant à l’avenue LAMBLIN, Immeuble l’Equateur, 3e étage, 01 BP 5176 Abidjan 01,
En cassation de l’Arrêt n° 930/4CB rendu le 30 juillet 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire) qui a déclaré irrecevable l’appel interjeté contre le jugement de validation du commandement à fins de saisie immobilière rendu à l’audience éventuelle en date du 13 décembre 2002 du Tribunal de première instance d’Abidjan- Plateau, au motif « qu’il est constant comme résultant de l’acte d’appel de TRAZIE Zamblé Roger que la demande principale tend à voir déclarer nulle la saisie immobilière dont il a fait l’objet ;
Qu’en la matière, l’article 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution énonce : « la nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notariée d’adjudication ne peut être demandée par voie d’action principale en annulation portée devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle l’adjudication a été faite que dans le délai de 15 jours suivant l’adjudication » ;
Qu’il ressort des pièces de la procédure que le jugement avant-dire-droit soumis à la sanction de la Cour a été rendu en matière immobilière le 7 juillet 2003 ;
Que l’appel n’est intervenu que le 8 septembre 2003, soit plus des 15 jours prévus par la législation en la matière ;
Qu’il s’en suit que l’appel de TRAZIE Zamblé Roger ... est irrecevable comme tardif ... » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique tel qu’il figure à l’acte de pourvoi en cassation annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Ndongo FALL, Second Vice-Président ;
Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort du dossier de la procédure que pour l’acquisition d’une villa SOPIM, TRAZIE Zamblé Roger a sollicité et obtenu en septembre 1978 de la Compagnie Ivoirienne de Financement Immobilier dite CIFIM, un crédit assorti d’une affectation hypothécaire d’un montant de 9 994 000 F CFA en principal, remboursable en 18 annuités de 1978 à 1996 ; que la CIFIM a été dissoute en 1988 alors que TRAZIE Zamblé Roger poursuivait le remboursement de son prêt ; que par la suite, la BIAO-CI qui avait refinancé le crédit, a entrepris la réalisation de l’hypothèque pour le recouvrement de sa créance ; que pour ce faire, elle a initié une procédure de saisie immobilière dans le cadre de laquelle, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan - Plateau a rendu un jugement validant le commandement à fins de saisie immobilière en date du 13 décembre 2002 ; que sur appel de ce jugement, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt frappé de pourvoi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 313 et 299 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi par une application erronée de l’article 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que « la nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notariée d’adjudication ne peut être demandée par voie d’action principale en annulation portée devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle l’adjudication a été faite que dans le délai de 15 jours suivant l’adjudication » alors que son appel a été formé non contre un jugement d’adjudication comme le prévoit cet article mais contre le jugement dit avant dire droit n° 348/CIV 4/ADD du 07 juillet 2003 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan - Plateau qui a validé le commandement aux fins de saisie immobilière et a renvoyé les parties à l’audience des criées du 11 août 2003 en dépit de l’incompétence territoriale du Tribunal soulevée en raison de la situation de l’immeuble saisi qui se trouve dans le ressort du Tribunal de première instance de Yopougon et sur le fondement de l’article 299 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé qui dispose que :
« Les contestations ou demandes incidentes doivent, à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle.
Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication » ;
Attendu qu’en effet les contestations ou demandes incidentes comme en l’occurrence l’incident relatif à la compétence territoriale du tribunal saisi sont régies par les articles 298, 299 et 300 dudit Acte uniforme ; que plus particulièrement concernant l’appel, l’article 300 prévoit en son alinéa 2 que les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière « ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis » ;
Attendu qu’ainsi la contestation tendant à obtenir la nullité du jugement rendu à l’audience éventuelle, en raison de l’incompétence de la juridiction saisie, devant être portée devant le tribunal dans les forme et délai prévus aux articles 298 et 299 sus énoncés, c’est à tort que la voie de l’appel a été utilisée dès lors que le jugement dont appel n’a statué dans l’un des cas spécifiés à l’article 300 alinéa 2 sus énoncé ;
Qu’il suit de ce qui précède que la Cour d’appel, ayant déclaré l’appel irrecevable sur le fondement erroné de l’article 313 qui se rapporte à la demande d’annulation de la décision judiciaire (ou du procès verbal) d’adjudication, a fait une fausse application de la loi ;
Qu’il y a lieu en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer conformément à l’article 14 alinéa 5 du Traité susvisé ;
Sur l’évocation
Attendu que par jugement en date du 07 juillet 2003 rendu à l’audience éventuelle, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau a validé le commandement et fixé la date d’adjudication à l’audience des criées du 11 août 2003 ;
Que TRAZIE Zamblé Roger, excipant de l’incompétence dudit tribunal en raison de la situation de l’immeuble, objet de la procédure de saisie dans le ressort du Tribunal de Première Instance de Yopougon, a interjeté appel de ce jugement ;
Mais attendu que pour les mêmes motifs qui justifient la cassation de l’arrêt attaqué, il y a lieu, au regard notamment des dispositions de l’article 300 de l’Acte uniforme sus énoncé, de déclarer l’appel irrecevable ;
Sur les dépens
Attendu qu’il échet de condamner le requérant qui succombe aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Reçoit en la forme le pourvoi ;
Casse l’Arrêt n° 348 rendu le 07 juillet 2003 de la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant au fond,
Déclare irrecevable l’appel interjeté contre le Jugement n° 348 du 07 juillet 2003 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan sur le fondement de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Condamne le requérant aux dépens.