Une créance fondée sur une reconnaissance de dette notariée cosignée par les parties revêt une origine contractuelle et peut dès lors être soumise à la procédure d’injonction de payer conformément à l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
ARTICLE 2 AUPSRVE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 015/2012 du 08 mars 2012, Affaire : BOA Thiémélé Assanvo Léon (Conseils : SCPA Abel KASSI, KOBON et Associés, Avocats à la Cour) Contre KEJZMAN Robert (Conseil : Maître BLESSY Le Prince, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge, rapporteur Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire BOATHIEMELE ASSANVO Léon Administrateur de Société, contre KEJZMAN Robert par Arrêt n° 512/10 du 08 juillet 2010 de la Cour Suprême, chambre judiciaire, de la République de Côte d’ivoire, saisie d’un pourvoi initié le 12 mars 2010 par la SCPA Abel KASSI, KOBON et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan Cocody les II plateaux, Boulevard Latrille, Résidence SICOGI Latrille, 06 B.P. 1774 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de BOATHIEMELE ASSANVO Léon contre l’Arrêt n° 07 rendu le 09 janvier 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est ainsi énoncé :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare recevable l’appel régulièrement relevé par KEJZMAN Robert du jugement civil contradictoire n° 1255/3° Civ.C rendu sur opposition le 6/06/2007 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
Au fond
L’y dit bien fondé ;
Infirme ledit jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, rejette comme non fondée l’opposition de Mr BOATHIEMELE ASSANVO LEON ;
Restitue aux ordonnances d’injonction de payer n° 762/05, 763/05 et n° 764/05 du 14/03/2005 leur plein et entier effet ;
Condamne Mr Boa Thiémélé Assanvo Léon au paiement de la somme en principal de 190.000.000 FCFA outre les intérêts frais et accessoires ;
Condamne l’intimé aux dépens ».
Le requérant invoque à l’appui de son recours trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que le présent recours, introduit dans les formes et délais légaux, est en la forme recevable.
Attendu qu’au courant de l’année 2001, Monsieur KEJZMAN Robert (ci-après KEJZMAN) a servi à Monsieur BOATHIEMELE ASSANVO Léon (ci-après BOA) la somme de cent quatre vingt dix millions (190.000.000) FCFA ; que pour authentifier leur transaction et formaliser les modalités de remboursement de cette somme par BOA à KEJZMAN, les deux parties ont signé à Abidjan par devant le notaire Me Serge ROUX un acte notarié intitulé « reconnaissance de dette » qui établissait en même temps un échéancier de paiements semestriels, commençant le 30 juin 2003 et finissant le 31 décembre 2005 ;
Attendu que le débiteur BOA n’ayant honoré aucune des échéances malgré toutes les réclamations de KEJZMAN en vue du recouvrement, celui-ci a entrepris la procédure d’injonction de payer qui a abouti à la délivrance le 14 mars 2005 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan de trois (3) ordonnances, respectivement :
- n° 762, de 70.000.000 FCFA représentant les échéances des 30 juin et 31 décembre 2005 ;
- n° 763 de 70.000.000 FCFA représentant l’échéance du 30 juin 2003 ; - n° 764 de 70.000.000 FCFA représentant les échéances des 31
décembre 2003, 30 juin 2004 et 31 décembre 2004 ;
Que sur opposition de BOA, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a rendu le 06 juin 2007 le Jugement n° 1255/3° qui a rétracté les ordonnances sus mentionnées ;
Que Kejzman ayant interjeté appel le 26 juin 2007, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 09 janvier 2009 l’Arrêt n° 07 sus énoncé qui, frappé de pourvoi devant la Cour Suprême de la Côte d’ivoire, a fait l’objet de dessaisissement de celle-ci par son arrêt n°512/10 du 08 juillet 2010 au profit de la Cour de céans.
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est fait reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que la Cour a considéré qu’une créance fondée sur une reconnaissance de dette avait une cause contractuelle, alors que la jurisprudence exclut du champ d’application de la procédure d’injonction de payer les actes de reconnaissance de dette ;
Attendu que l’article 1er de l’acte notarié intitulé « Reconnaissance de dette » stipule :
« Par les présentes le DEBITEUR reconnaît devoir légitimement au CREANCIER, ici présent et qui accepte, la somme de cent quatre vingt dix millions (190.000.000) de francs CFA, pour prêt de pareille somme qu’il lui a consenti dès avant ce jour, directement entre ses mains » ;
Attendu que ce faisant, BOA a déterminé KEJZMAN à lui octroyer un prêt qu’il a sollicité en prenant à l’égard de celui-ci, comme garantie de remboursement, un engagement notarié contenant un échéancier précis d’exécution de son obligation ; que l’article 1134 du Code civil, en matière de sous-seing privé évoqué par les parties, non seulement édicté une obligation de contracter de bonne foi, mais surtout consacre également l’exigence de la bonne foi en son alinéa 3 en proclamant que les « conventions doivent être exécutées de bonne foi » ;
Que dans ces conditions, l’acte notarié librement cosigné par BOA et KEJZMAN, spécifiant que la nature de la convention entre ces derniers est un « prêt », revêt bien un caractère contractuel, autorisant ainsi le créancier KEJZMAN à mettre en œuvre l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il s’en suit que ce moyen n’étant pas fondé doit en conséquence être rejeté ;
Sur le deuxième moyen
Attendu le requérant demande à la Cour de céans de casser l’arrêt pour absence de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance ou la contrariété de motifs, en ce que la Cour a dénaturé l’acte de reconnaissance de dette en lui attribuant la nature d’un contrat de prêt, alors que ledit acte ne revêt pas les caractéristiques du contrat de prêt telles que définies par l’article 1892 du Code civil ;
Attendu que les prétentions développées dans ce moyen sont identiques à celles du premier moyen dans la mesure où elles évoquent en de termes différents la nature de la convention entre les deux parties ; que partant, ce moyen doit être rejeté pour les mêmes motifs retenus au premier moyen ;
Sur le troisième moyen
Attendu que le requérant demande la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan pour omission de statuer en ce qu’elle a considéré que la convention était est un contrat de prêt sans rapporter la preuve de la remise de fonds par KEJZMAN à BOA ;
Attendu que BOA, en exigeant de la Cour d’appel et de KEJZMAN la preuve de la remise de fonds, procède à un renversement de la charge de la preuve, alors qu’il lui appartenait de prouver par tous moyens que matériellement, malgré sa signature non contestée au bas l’acte notarié, KEJZMAN ne lui a fourni aucune prestation ; qu’ainsi le moyen n’est pas fondé et mérite le rejet ;
Attendu que le pourvoyant BOA THIEMELE ASSANVO Léon ayant succombé, il doit être condamné aux dépens
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
En la forme :
Déclare recevable le recours introduit par BOATHIEMELE ASSANVO Léon.
Au fond :
Le déclare non fondé et le rejette ;
Condamne le requérant aux dépens.