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08/03/2012 | OHADA | N°013/2012

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 08 mars 2012, 013/2012


Le contrat de travail signé entre un Directeur Général de société anonyme, distinct du mandat exercé par ce dernier conformément aux articles 426 et suivants de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales, ne correspond à aucun emploi effectif et ne saurait relever du juge social.
Un tel contrat ne relève pas de la Cour suprême nationale mais de la CCJA en raison de l’application de l’AUSCGIE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 013/2012 du 08 mars 2012, Affaire : ELTON OIL COMPANY, (Conseil : Maître DOUDOU NDOYE, Avocat à la Cour) Contre PA

PA MACTAR SARR (Conseil : COUMBA SEYE NDIAYE, Avocat à la Cour)
La Cour Com...

Le contrat de travail signé entre un Directeur Général de société anonyme, distinct du mandat exercé par ce dernier conformément aux articles 426 et suivants de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales, ne correspond à aucun emploi effectif et ne saurait relever du juge social.
Un tel contrat ne relève pas de la Cour suprême nationale mais de la CCJA en raison de l’application de l’AUSCGIE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 013/2012 du 08 mars 2012, Affaire : ELTON OIL COMPANY, (Conseil : Maître DOUDOU NDOYE, Avocat à la Cour) Contre PAPA MACTAR SARR (Conseil : COUMBA SEYE NDIAYE, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.HA.DA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge, rapporteur Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 avril 2009, sous le n° 043/2009/PC et formé par Maître Doudou NDOYE, Avocat au Barreau du Sénégal, 18, rue Raffenel à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la Société ELTON OIL COMPANY, dans la cause l’opposant à Monsieur PAPA MACTAR SARR, demeurant à Dakar (Sénégal), quartier Amadies zone 18, parcelle n° 14, ayant pour conseil Maître Coumba SEYE Ndiaye, Avocat au barreau de Dakar, 68 Rue Wagane DIOUF, X Amadou Assane NDOYE à Dakar,
En cassation contre l’Arrêt n° 45 rendu le 25 février 2009 par la Cour Suprême du Sénégal, dont le dispositif est ainsi énoncé :
« Casse et annule l’arrêt n°472 rendu le 06 novembre 2007 par la deuxième chambre sociale de la Cour d’Appel de Dakar ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Kaolack pour y être statué à nouveau. »
Attendu que le défendeur, Papa Mactar SARR, soulève in limine litis l’incompétence de la Cour de céans, telle qu’elle figure au mémoire en réponse annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;
Vu les dispositions des articles 13, 14, 15, 16, 17 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par contrat à durée indéterminée en date du 28 Janvier 2000, Monsieur PAPA MACTAR SARR avait été recruté et nommé Directeur Général de la Société d’interventions Financières (SIFI) ;
Que l’un des volets de sa mission dans cette société étant de dégager des stratégies de développement et d’imaginer des projets, SARR avait proposé au Conseil d’Administration de la SIFI qui l’a accepté lors de sa réunion du 27 juin 2000, la création d’une société de distribution pétrolière ;
Qu’immédiatement après, une réunion du Conseil d’Administration en date du 28 juillet 2000 avait désigné SARR Directeur Général de la future société Elton et membre de son Conseil d’Administration, cumulativement avec ses fonctions de Directeur Général de la SIFI ; que conséquemment, le salaire de SARR avait été revu à la hausse à compter du 1er janvier 2001 ;
Que par acte notarié à Dakar le 28 décembre 2000, avait été reconnue l’existence juridique de la société ELTON OIL COMPANY S.A (ci-après Elton), dont le capital était détenu à 80% par la SIFI, 15% par SARR lui-même et 5% par Madame Ndèye Soukeyna NDAO ; que le 09 décembre 2002, le Conseil d’administration de Elton avait décidé de mettre fin au cumul des deux fonctions de Directeur Général de SARR qui devrait désormais se consacrer exclusivement à la fonction de Directeur Général de Elton, mais conservant l’intégralité de son salaire de fonction et les avantages inhérents ; qu’après avoir exercé pendant deux ans et demi les fonctions de Directeur Général de Elton du 28 juillet 2000 au 13 décembre 2002, SARR signa un « contrat de travail » le 13 décembre 2002 avec Elton représentée par le Président du Conseil d’Administration, Monsieur Souleymane KANE ;
Que le 04 Août 2006, la réunion du Conseil d’Administration à laquelle avait participé Monsieur SARR, décida « de mettre, à dater de ce jour, un terme au mandat de Directeur Général confié à Monsieur Papa Mactar SARR ; » ;
Attendu que dans sa déclaration faite au cours de cette même réunion du Conseil d’Administration que sa « révocation et la rupture unilatérale du contrat en question relève de l’infraction de licenciement abusif et des sanctions qui s’y rapportent dont celle de l’obligation à indemniser la victime. », SARR saisit le Tribunal du Travail de Dakar pour faire juger que sa révocation constituait un licenciement abusif et lui allouer en conséquence une réparation totale de deux milliards trois cent millions cinq cent quatre vingt quinze mille huit cent quatre vingt seize (2.300.595.896) FCFA ;
Que la juridiction prud’homale de Dakar retint sa compétence sur l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par Elton ; fit droit à cette demande par Jugement n°266 du 25 avril 2007 et condamna Elton à payer à SARR diverses sommes dont le montant
total se chiffra à cinq cent soixante quatre millions cent vingt neuf mille cinquante trois et soixante seize centimes (564.129.053,76) FCFA ;
Que sur appel de Elton, la Cour d’appel de Dakar, par Arrêt n°472 du 06 novembre 2007, considérant que SARR n’ayant pas eu la qualité du salarié prévu par l’article 2 du code du travail exerçant un emploi effectif distinct et dissociable des fonctions de Directeur général prescrit par l’article 426 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), déclara le Tribunal du travail incompétent ; infirma en toutes ses dispositions le Jugement n°266 du 25 avril 2007 du Tribunal du Travail de Dakar ; renvoya Monsieur Papa Mactar SARR à mieux se pourvoir ;
Que sur le pourvoi en cassation formé par SARR, la Cour Suprême du Sénégal, estimant que le droit du travail n’ayant pas encore fait l’objet d’un Acte Uniforme de l’OHADA et qu’en conséquence le litige découlant d’un contrat de travail ne peut relever que de la compétence des juridictions sociales, a rendu l’Arrêt n°45 du 25 février 2009 sus énoncé, objet du présent recours devant la Cour de céans.
SUR L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE
Attendu que SARR soutient :
- qu’il était lié à Elton par un contrat de travail à durée indéterminée ; qu’il est stipulé dans ce contrat que celui-ci est régi par le Code du Travail du Sénégal, les textes réglementaires pris en son application et la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle du Sénégal du 27 mai 1962 ; que ce contrat contient également une clause attributive de compétence aux juridictions sociales du Sénégal pour connaître de tous litiges nés de son exécution ou de sa rupture ;
- qu’il n’existe pas d’Acte uniforme en matière sociale et corrélativement, la Cour de céans est manifestement incompétente en vertu de l’article 17 du Traité OHADA, le présent litige étant un litige social ;
Attendu que la présente espèce opposant Elton à SARR relève de l’interprétation de l’article 426 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) et de l’application des articles 486 alinéa 1, 489, 492 et 493 du même Acte ;
Attendu que le principe de révocabilité ad nutum du Directeur général d’une Société Anonyme, édicté par l’article 492 de l’AUSCGIE et transcrit dans l’article 18 alinéa 3 des statuts de la société Elton, est un principe d’ordre public ;
Attendu qu’en signant un contrat avec Elton pour garantir la stabilité d’un mandat qu’il exerçait déjà depuis plus de deux ans, SARR a procédé à un pacte qui n’avait pour finalité ou pour effet que de restreindre ou d’entraver la révocation ad nutum du Directeur Général de la S.A Elton qu’il était, et se ménager ainsi un préavis contraire au principe de la révocabilité ad nutum ;
Attendu qu’un tel contrat, qui ne correspond à aucun emploi effectif exercé cumulativement avec la fonction de Directeur général, distinct du mandat de Directeur général
de Société Anonyme au sens de l’article 426 susvisé et conclu dans le seul objectif de contourner la rigueur d’un principe d’ordre public, ne revêt aucune valeur juridique ;
Attendu qu’au demeurant, SARR ne peut se prévaloir sans se contredire dans ses conclusions en additionnelle et réplique du 1er mars 2007 devant le Tribunal de travail de Dakar, d’une part, d’un contrat de travail à durée indéterminée signé entre la Société Elton et lui en application des dispositions des articles 426 et 489 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciales et, d’autre part, s’exonérer de l’application à son litige avec Elton de cet Acte uniforme ;
Que dans ces conditions, et en vertu des dispositions de l’article 14 du Traité OHADA, la Cour de céans est fondée à retenir sa compétence pour en connaître ; que la Cour Suprême du Sénégal, en se déclarant compétente, a procédé à une interprétation erronée et une fausse application des dispositions susvisées ;
Attendu que pour ces motifs, il y a lieu, conformément à l’article 18 alinéa 3 du Traité OHADA, de décider que la Cour Suprême du Sénégal s’est déclarée compétente à tort et qu’en conséquence, l’arrêt n°45 qu’elle a rendu le 25 février 2009 doit être réputé nul et non avenu, sans qu’il soit nécessaire de s’attarder sur le moyen du pourvoi ;
Attendu que Papa Mactar SARR ayant succombé, il doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable le pourvoi formé le 29 avril 2009 par la Société anonyme Elton ;
Dit et juge que la Cour Suprême du Sénégal s’est déclarée compétente à tort ;
En conséquence, déclare nul et non avenu l’Arrêt n°45 rendu le 25 février 2009 par la Cour Suprême du Sénégal ;
Condamne Monsieur Papa Mactar SARR aux dépens ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 013/2012
Date de la décision : 08/03/2012

Analyses

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE - SOCIÉTÉ ANONYME - DIRECTEUR GÉNÉRAL - CONTRAT DE TRAVAIL FICTIF - COMPÉTENCE DE LA COUR SUPRÊME NATIONALE (NON) - COMPÉTENCE DE LA CCJA EN VERTU DU DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2012-03-08;013.2012 ?
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