La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2012 | OHADA | N°012/2012

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 08 mars 2012, 012/2012


La volonté librement exprimée par les parties de recourir à l’arbitrage pour régler leur différend ne peut être respectée que si elle repose sur la loyauté des parties ; tel n’étant pas le cas lorsqu’une partie, par son comportement empreint de mauvaise foi fait perdre confiance à l’autre. Dès lors, ne viole pas la clause compromissoire la partie qui, ayant constaté l’indifférence de l’autre face à ses multiples démarches tendant au règlement de leur différend, renonce expressément à la clause compromissoire et saisit le juge étatique.
La déchéance pour d

faut de signification de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer à toutes ...

La volonté librement exprimée par les parties de recourir à l’arbitrage pour régler leur différend ne peut être respectée que si elle repose sur la loyauté des parties ; tel n’étant pas le cas lorsqu’une partie, par son comportement empreint de mauvaise foi fait perdre confiance à l’autre. Dès lors, ne viole pas la clause compromissoire la partie qui, ayant constaté l’indifférence de l’autre face à ses multiples démarches tendant au règlement de leur différend, renonce expressément à la clause compromissoire et saisit le juge étatique.
La déchéance pour défaut de signification de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer à toutes les parties comme l’exige l’article 11 de l’AUPSRVE n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice subi par la partie qui l’invoque.
La rubrique « agios bancaires et intérêts divers » ne repose sur aucun support juridique et ne détermine pas avec précision les éléments qui composent cette partie de la créance comme l’exige l’article 4 alinéa 2 de l’AUPSRVE.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 012/2012 du 08 mars 2012, Affaire : Société Entreprise Ivoirienne de Construction Bâtiment dite EICB (Conseil : Maître TAPE MANAKALE Ernest, Avocat à la Cour) Contre SOCIETE GROUPE EOULEE Sarl dite GROUPE EOULEE. Recueil de jurisprudence de la CCJA n° 18, Janvier - Juin 2012, p. 114.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge, rapporteur Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 mars 2009, sous le n° 023/2009/PC et formé par Maître TAPE MANAKALE Ernest, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, à l’Avenue Lamblin, immeuble L’Equateur, 3è étage, 01 BP 5176 Abidjan 01, Tél : 20 33 70 86, dans la cause l’opposant à la Société Groupe Eoulée, dont le
siège est à Abidjan, Rue Pierre et Marie Curie, zone 4 C, 20 BP 347 Abidjan 20 représentée par Emile KEI BOGUINARD, son gérant, agissant au nom eI pour le compte de la Société Entreprise Ivoirienne de Construction Bâtiment (EICB) dont le siège est à Abidjan, 15 BP 50 Abidjan 15, représentée par son Gérant, Monsieur DIBY EBROTTIE,
En cassation de l’Arrêt n° 470 rendu le 21 avril 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi énoncé :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale, administrative et en dernier ressort ;
En la forme :
Reçoit la Société Groupe EOULEE en son appel ;
Au fond :
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Dit que la Société Groupe EOULEE n’est pas déchue de son opposition ;
La déclare en conséquence recevable en son opposition ;
Déclare incompétent le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour connaître du litige ;
Met les dépens à la charge de la Société EICB ... » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par contrat en date du 07 octobre 2002, la Société Groupe EOULEE Sarl avait confié à la Société Entreprise Ivoirienne de Construction Bâtiment (EICB), la construction d’une tranche de clôture de 200 mètres linéaires en tôle galva à la décharge d’Akouédo ;
Que le contrat prévoyait un délai d’exécution des travaux de trois mois à compter de la signature du contrat, et le règlement des factures dans les 45 jours suivant la réception définitive desdits travaux ;
Que l’article 14 du contrat soumettait tout litige qui surviendrait dans l’application du contrat à un règlement amiable ; et qu’en cas d’échec, « le litige sera porté devant la Cour d’Arbitrage d’Abidjan conformément à la procédure de médiation-conciliation en vigueur » ; que la Société EICB a exécuté et livré les travaux à la Société Groupe EOULEE qui lui a délivré le 02 septembre 2003 un « CERTIFICAT DE BONNE EXECUTION » ; que le Groupe EOULEE, dans l’impossibilité de régler les factures de l’EICB dans le délai contractuel convenu, avait délivré à celle-ci une « attestation de solde » dans laquelle elle accusait réception de trois factures des travaux d’un montant total de 68.592.307 FCFA pour lequel elle « s’engage à payer à la société EICB une pénalité par jour calendaire de retard après échéance, fixée à un millième (1/1000è) du montant de chaque facture concernée lors des règlements. Le montant desdites pénalités est plafonné à trente pour cent (30%) du montant desdites factures ... » ; que la Société EICB ayant constaté l’inobservation de ses engagements par sa cocontractante la Société Groupe EOULEE, et ayant procédé entre juin et novembre 2003 à des réclamations, des relances et des sommations de payer infructueuses, lui avait notifié par lettre du 27 novembre 2003 sa « renonciation à l’application de l’article 14 du marché », dont les dispositions prévoyaient la clause compromissoire de recours à la Cour d’Arbitrage d’Abidjan ;
Que le 12 janvier 2004, l’EICB saisissait le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer, à laquelle le Président avait fait droit en condamnant, par Ordonnance n° 756 du 13 janvier 2004, la Société Groupe EOULEE et Monsieur KEI BOGUINARD à payer à l’EICB la somme de 92.407.814 FCFA ; que l’Ordonnance avait été signifiée le 29 janvier 2004 à la Société Groupe EOULEE qui en a formé opposition le 12 février 2004 ; que par Jugement n° 1518 du 15 mai 2005, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait déclaré la Société Groupe EOULEE déchue de son acte d’opposition sur la base de l’article 11 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (AUPSRVE) ; que sur appel du Groupe EOULEE, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°470 du 21 avril 2006, a rendu la décision sus énoncée, objet du présent pourvoi ;
Sur le moyen unique
Attendu que l’EICB invoque un moyen unique de cassation, tiré de la violation de la loi, fausse application ou fausse interprétation de l’article 11 de l’AUPSRVE, en ce que la Cour d’appel d’Abidjan, pour infirmer le Jugement n° 1518 du 15 mai 2005 et rétracter l’Ordonnance n°756 du 13 janvier 2004, a retenu que « les dispositions de l’article 11 de l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement prescrivant la signification de l’opposition à toutes les parties ne sont pas d’ordre public ; que dans ces conditions, la déchéance prévue par ces dispositions comme sanction du défaut de signification de l’opposition à toutes les parties n’est encourue que lorsque la partie qui s’en prévaut a subi un préjudice ... » ;
Attendu d’une part, que la Cour d’appel d’Abidjan, en retenant que les dispositions de l’article 11 de l’AUPSRVE ne sont pas d’ordre public et en soumettant leur mise en œuvre à la condition de la preuve d’un préjudice, a non seulement méconnu le caractère obligatoire des dispositions des actes uniformes, mais surtout a procédé à une interprétation erronée de
l’esprit desdites dispositions en les soumettant à une condition de preuve que la loi n’a pas prévue ; que son arrêt doit être cassé sur ce point ;
Attendu d’autre part, qu’un moyen doit être tiré de l’incompétence du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a estimé que la clause compromissoire attributive de compétence à la Cour d’arbitrage d’Abidjan prévue à l’article 14 du contrat liant la Société EICB à la Société Groupe EOULEE « tient lieu de loi entre les parties en vertu de l’article 1134 du Code civil, rendant la Cour d’Arbitrage d’Abidjan seule compétente à l’exclusion de toute autre juridiction pour connaître de tout litige pouvant survenir dans l’exécution de leur contrat ; que c’est donc à tort que le Tribunal de Première Instance d’Abidjan s’est déclaré compétent pour statuer sur la cause ... » ;
Attendu que s’il est vrai que l’autonomie de la volonté des parties légalement exprimée à travers la clause compromissoire tient lieu de loi à ces parties, cette autonomie ne doit être respectée que si elle repose sur la loyauté des parties qui ne peuvent se contredire lorsque, par son comportement empreint de mauvaise foi, l’une des parties fait perdre la confiance à l’autre partie ;
Attendu qu’en la présente espèce, la renonciation expresse, certaine et non équivoque de la Société EICB à l’application de la clause compromissoire ne peut s’analyser qu’en une juste sanction au comportement unilatéral de la Société Groupe EOULEE qui est demeurée indifférente à toutes les démarches entreprises par la Société EICB dans le cadre justement défini par cet article 14 du contrat ; qu’en conséquence, la renonciation de l’EICB, fondée sur le comportement du Groupe EOULEE, et ayant motivé l’ouverture de la procédure judiciaire par l’EICB devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, doit être examinée par le juge et non par l’arbitre ; que c’est donc à bon droit que le Tribunal a retenu sa compétence ; qu’une fois encore l’arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan encourt la cassation.
Sur l’évocation
Attendu que par l’Ordonnance n°756 du 13 janvier 2004 sus évoquée, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait condamné la Société Groupe EOULEE à payer à l’EICB la somme totale de 92.407.814FCFA ;
Attendu que dans sa requête aux fins d’injonction de payer, l’EICB avait réclamé le paiement de
Principal : 58 592 307 FCFA ; Intérêts conventionnels : 19 977 266 FCFA ;
Agios bancaires : 10697472 FCFA ; Frais divers : 8200000FCFA
Attendu que si les intérêts conventionnels paraissent justifiés en vertu de l’engagement pris par la Société Groupe EOULEE dans son « attestation de solde » en date du 15 mai 2003, de payer des pénalités à hauteur plafonnée à 30% du montant des factures produites par l’EICB, les « agios bancaires et les frais divers », par contre, ne reposent sur aucun support juridique et ne déterminent pas ainsi avec précision, conformément à l’article 4 alinéa 2 de l’AUPSRVE, les différents éléments qui composent cette partie de la créance de l’EICB ; qu’il y a donc lieu de les écarter et de ne retenir que le principal et les intérêts, soit une somme globale de 78. 569. 573 FCFA due par le Groupe EOULEE à l’EICB ;
Attendu que la Société Groupe EOULEE ayant succombé, elle doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable le pourvoi formé le 03 mars 2009 par la Société Entreprise Ivoirienne de Construction Bâtiment (EICB) ;
Casse l’Arrêt n°470 rendu le 21 avril 2006 par la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Condamne la Société Groupe EOULEE à payer la somme de 78.569.573 soixante dix huit millions cinq cent soixante neuf mille cinq cent soixante treize (78.569.573) FCFA à la Société Entreprise Ivoirienne de Construction Bâtiment (EICB) ;
Condamne la Société Groupe EOULEE aux entiers dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 012/2012
Date de la décision : 08/03/2012

Analyses

ARBITRAGE - COMPORTEMENT DE MAUVAISE FOI DE L'UNE DES PARTIES - RENONCIATION DE L'AUTRE PARTIE À LA CLAUSE COMPROMISSOIRE ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER - OPPOSITION - DÉFAUT DE SIGNIFICATION DE L'OPPOSITION - DÉCHÉANCE DE L'OPPOSITION - NÉCESSITÉ DE PROUVER UN PRÉJUDICE POUR DEMANDER LA DÉCHÉANCE (NON) AGIOS BANCAIRES ET INTÉRÊTS DIVERS - EXPRESSION NON DÉTERMINÉE - CRÉANCE COMPORTANT DES AGIOS ET DES INTÉRÊTS DIVERS - PARTIE DE CETTE CRÉANCE INDÉTERMINÉE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2012-03-08;012.2012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award