Doit être déclaré irrecevable le pourvoi en cassation contre un jugement qui, statuant en matière immobilière, s’est prononcé sur la question de propriété, un tel jugement étant susceptible d’appel.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 006/2012 du 02 février 2012, Affaire : Société Générale de Banques au Cameroun dite SGBC S.A (Conseil : Maître YIKAM Jérémie, Avocat à la Cour) Contre Monsieur ESSOH Grégoire (Conseil : Maître TCHOUAWOU SIEWE Luc, Avocat à la Cour)
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.HA.D.A), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 février 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAÏDAGI, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 18 février 2008 sous le n°006/2008/PC et formé par Maître YIKAM Jérémie, Avocat à la Cour, BP 756 Nkongsamba (CAMEROUN), agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques au Cameroun dite SGBC S.A, dont le siège social est à Douala, 78, rue Joss, BP 4042, dans la cause l’opposant à Monsieur ESSOH Grégoire, BP 29 Nkongsamba (CAMEROUN), ayant pour conseil Maître TCHOUAWOU SIEWE Luc, Avocat à la Cour, BP 30 Nkongsamba (CAMEROUN),
En cassation du Jugement n°18/CIV du 07 décembre 2006 rendu par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en premier ressort ;
Reçoit ESSOH Grégoire en son action ;
L’y dit fondé ;
Annule la procédure de saisie immobilière dirigée contre lui ;
Condamne la SGBC aux dépens distraits au profit de Maître TCHOUAWOU SIEWE, Avocat aux offres de droit. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Namuano Francisco DIAS GOMES ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par Arrêt n° 057/2005 du 22 décembre 2005, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage avait rendu la décision suivante :
« Casse le Jugement n°31/CIV rendu le 03 janvier 2002 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;
Evoquant et statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les dires et observations insérés dans le cahier des charges par Monsieur ESSOH Grégoire ;
Rejette en conséquence sa demande tendant à l’annulation de la procédure de saisie immobilière engagée ;
Ordonne la continuation des poursuites et renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba pour y être procédé ;
Réserve les dépens. » ;
Attendu qu’à la suite de l’arrêt susénoncé, la SGBC S.A avait fait enrôler l’affaire à l’audience du 18 mai 2006 du Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba en vue de fixer la date de l’adjudication de l’immeuble, objet du titre foncier n°5292/Moungo appartenant à ESSOH Grégoire ; qu’en réaction à cet enrôlement, ESSOH Grégoire avait, par l’intermédiaire de son conseil, Maître Luc TCHOUAWOU SIEWE, déposé le 26 septembre 2006 une requête en contestation dont le dispositif est le suivant :
« Vu les articles 298, 299 et 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
- Bien vouloir constater que la Société Générale de Banques au Cameroun n’a ni une hypothèque conventionnelle, ni une hypothèque judiciaire sur l’immeuble dont la vente est poursuivie ;
Bien vouloir constater que l’ordonnance d’injonction de payer n°226 du 04 mai 1992 constate une créance de la Société Générale de Banques au Cameroun sur la Société ESGREG VOYAGES et non sur ESSOH Grégoire qui est le seul et unique propriétaire dudit immeuble et qu’il n’est même pas le gérant de ladite société ;
En conséquence
Annuler les poursuites. » ;
Attendu que faisant droit à cette demande, le tribunal, à l’audience du 07 décembre 2006, avait rendu le Jugement n° 18/CIV dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Vu les articles 14 du Traité institutif de l’OHADA et 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que Monsieur ESSOH Grégoire, défendeur au pourvoi, soulève in limine litis l’irrecevabilité du présent recours au motif que c’est en violation des dispositions de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA que la Société Générale de Banques au Cameroun a formé un pourvoi contre le Jugement n°18/CIV du 07 décembre 2006, lequel n’est ni une décision rendue par une juridiction d’appel, ni une décision non susceptible d’appel ; que le Tribunal de grande instance de Nkongsamba. faisant application de l’article 300 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a motivé sa décision dans en ces termes : « attendu que le moyen soulevé dans le cadre de la présente procédure est tiré de la propriété ; que pour cette raison, il convient conformément aux dispositions de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, de statuer uniquement en premier ressort » ; que le tribunal ayant statué uniquement en premier ressort et sur le principe de la propriété de l’immeuble, la seule voie de recours ouverte contre sa décision est l’appel qui, conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, doit être interjeté dans un délai de quinze jours à compter du prononcé du jugement ;
Attendu qu’aux termes des articles 14, alinéas 3 et 4 du Traité et 300 de l’Acte uniforme susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent traité à l’exception des décisions appliquant des sanction pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etat parties dans les mêmes contentieux. » et « les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d’opposition.
Elles ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis.
Les décisions de la juridiction d’appel ne sont pas susceptibles d’opposition.
Les voies de recours sont exercées dans les conditions de droit commun. » ;
Attendu, en l’espèce, que le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba s’est prononcé sur la propriété de l’immeuble objet de la saisie immobilière ; qu’au regard des dispositions susénoncées du Traité et de l’Acte uniforme susvisés, la saisine de la Cour de
céans n’est pas justifiée à ce stade de la procédure, le jugement attaqué étant susceptible d’appel ; qu’il s’ensuit que le recours en cassation doit être déclaré irrecevable ;
Attendu que la SGBC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable le pourvoi formé par la SGBC S.A contre le Jugement n° 18/CIV rendu le 07 décembre 2006 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;
Condamne la SGBC S.A aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :