Toute saisie conservatoire non pratiquée en vertu d’un titre exécutoire doit être suivie dans le mois de la saisie de l’accomplissement des formalités tendant à l’obtention du titre exécutoire faute de quoi la saisie est frappée de caducité.
Le juge de l’exécution n’est pas compétent pour rétracter une ordonnance portant suspension d’un conseil d’administration et nommant un mandataire social à l’effet de convoquer une assemblée générale d’actionnaires.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage C.C.J.A, ARRET N° 001/2012 du 02 février 2012, Affaire : Compagnie Africaine de Financement et de Participation dite Holding COFIPA S.A (Conseil : Maître N’GUETTA N. J. Gérard, Avocat à la Cour) Contre: 1°) Monsieur Mohamed TEFRIDJ; 2°) El Hadj KANAZOE Oumarou; 3°) Madame KHAWAM Isabelle; 4°) S.C.I. Ibrahim DOUDOU Investissements ; 5°) COFIPA Investment Bank Congo SA.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième chambre a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 février 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Maïnassara MAÏDAGI, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 juillet 2005 sous le n°035/2005/PC et formé par Maître N’GUETTA N. J. Gérard, Avocat à la Cour, demeurant 35, Boulevard Clozel, Immeuble « SCI LA RESERVE », sis face Palais de Justice d’Abidjan- Plateau, 16 BP 666 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie Africaine de Financement et de Participation dite Holding COFIPA S.A dont le siège social est sis 2801, Avenue de l’O.U.A, BP 2160 Bamako (MALI), agissant aux poursuites et diligences de son Directeur général, Monsieur Michel JACQUEMIN, demeurant en cette qualité au siège de la Société, dans la cause l’opposant à Monsieur Mohamed TEFRIDJ, El hadj KANAZOE Oumarou, Madame KHAWAM Isabelle et la SCI Ibrahim DOUDOU Investissements, en cassation de l’Arrêt commercial n°147 rendu le 16 septembre 2004 par la Cour d’appel de Brazzaville et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial et en dernier ressort :
En la forme :
Reçoit les appels principal et incident ;
Au fond :
Dit qu’il a été mal appelé et bien ordonné ;
En conséquence, confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée en appel ;
Met les dépens à la charge de l’appelant principal. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Namuano Francisco DIAS GOMES ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la signification du présent recours faite par le Greffier en chef de la Cour de céans, d’une part, à El hadj KANAZOE Oumarou par lettre n°577/2005/G5 du 18 novembre 2005, reçue le 14 avril 2006 et à la COFIPA Investment Bank Congo par lettre n°576/2005/G5 du 18 novembre 2005, reçue le 10 février 2006, n’a pas été suivie de dépôt de mémoire en réponse au greffe de ladite Cour dans le délai de trois mois prévu à cet effet par l’article 30 du Règlement de procédure de ladite Cour ; que, d’autre part, Monsieur Mohamed TEFRIDJ, Madame KHAWAM Isabelle et la SCI Ibrahim DOUDOU Investissement, autres défendeurs au pourvoi, n’ont pu être joints par le Greffier en chef de la Cour de céans, lequel leur avait adressé respectivement les lettres n°s 573/2005/G5, 574/2005/G5 et 575/2005/G5 du 18 novembre 2005 à l’effet de leur signifier, en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure susvisé, le recours en cassation ; que toutes les diligences prescrites par le Règlement précité ayant été accomplies, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que Monsieur Mohamed TEFRIDJ, El Hadj KANAZOE Oumarou, Madame KHAWAM Isabelle et la SCI Ibrahim DOUDOU Investissements tous actionnaires de la Holding COFIPA et se disant créanciers de ladite société de la somme totale de 2.238.300.000 F CFA, avaient sollicité et obtenu du Président du Tribunal de commerce de Brazzaville des ordonnances en date des 08 et 09 mai 2003 les autorisant à saisir conservatoirement la participation de Holding COFIPA S.A dans le capital social de la COFIPA Investment Bank Congo ; que le 09 mars 2004, quatre (4) procès-verbaux de saisies-attribution des créances ont été signifiés à la COFIPA Investment Bank Congo ; que par ordonnances des 08 et 10 mars 2004, le Président du Tribunal de commerce de Brazzaville avait d’une part, suspendu le conseil d’administration de la COFIPA Investment Bank CONGO et, d’autre part, nommé Monsieur André MANKENDA comme
mandataire, aux fins de convoquer, à brefs délais, une assemblée générale ordinaire de la COFIPA Investment Bank Congo ; que par requête en date du 23 mars 2004 la Holding COFIPA sollicitait du Président du Tribunal de commerce de Brazzaville la mainlevée des saisies conservatoires ordonnées les 08 et 09 mai 2003, la nullité des saisies-attribution des créances, la rétractation de l’ordonnance de suspension du Conseil d’Administration et celle nommant un mandataire ; que par ordonnance en date du 07 avril 2004, le Président du Tribunal du commerce de Brazzaville avait, entre autre, ordonné un sursis à statuer sur la demande susindiquée de HOLDING COFIPA S.A jusqu’à l’épuisement de la procédure pénale dirigée contre Baber TOUNKARA ; que sur appel de la Holding COFIPA S.A, la Cour d’appel de Brazzaville rendait, le 16 septembre 2004, l’Arrêt n°147 dont pourvoi ;
Sur le moyen unique
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir commis une erreur dans l’application de la loi en ce qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Brazzaville a méconnu le principe de la relativité de l’autorité de la chose jugée rattachée à l’ordonnance de référé, laquelle ne comporte pas de condamnation ; qu’en effet, il a toujours été admis que la décision du juge des référés ne faisant aucun préjudice au principal, ne pouvait avoir autorité de la chose jugée sur la décision a rendre au fond ; qu’il a été fait, à cet égard, le parallèle entre la juridiction du référé et la juridiction du possessoire en ce qui concerne la connaissance du fond des affaires ; que l’ordonnance de référé ayant un caractère provisoire, et étant dépourvue de l’autorité de la chose jugée, il s’ensuit que la règle « le criminel tient le civil en l’état » lui est étrangère ;
Attendu, en l’espèce, que le Président du Tribunal de commerce de Brazzaville avait été saisi, par requête en date du 23 mars 2004 de Holding COFIPA S.A, aux fins de déclarer caduques les ordonnances des 08 et 09 mai 2003 autorisant Mohamed TEFRIDJ, KANAZOE Oumarou, Madame KHAWAM Isabelle et la SCI Ibrahim DOUDOU Investissements à pratiquer une saisie foraine sur la participation de la société COFIPA LTD détenue dans le capital social de COFIPA Investment Bank Congo, de déclarer nulles les saisies-attribution des créances pratiquées, de prononcer la rétractation de l’ordonnance de suspension du conseil d’administration et celle nommant un mandataire aux fins de convoquer, à brefs délais, une assemblée générale ordinaire de la société COFIPA Investment Bank
Congo ; qu’il est par conséquent saisi en sa qualité de juge de l’urgence, juge de l’exécution conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que le principe du « criminel tient le civil en l’état », tel que prévu par les articles 4 du code congolais de procédure pénale et 195 du code congolais de procédure civile, commerciale administrative et financière, n’est pas applicable en matière d’exécution, ni même lorsqu’il s’agit d’une mesure conservatoire ;
Attendu, en l’espèce, que les poursuites pénales engagées contre Monsieur TOUNKARA Baber, à supposer qu’elles aboutissent, ne sont pas de nature à exercer une influence déterminante sur le sort des demandes formulées par COFIPA S.A ; qu’en confirmant l’ordonnance du 07 avril 2007 du Président du Tribunal de commerce de Brazzaville ordonnant « un sursis à statuer jusqu’à l’épuisement de la procédure pénale dirigée contre Monsieur Baber TOUNKARA », la Cour d’appel de Brazzaville a commis une
erreur dans l’application de la loi ; qu’il échet, en conséquence, de casser son Arrêt n°147 rendu le 16 septembre 2004 et d’évoquer sur le fond ;
Sur l’évocation
Attendu que par acte en date du 07 avril 2004, Maître Armand Biaise GALIBA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Holding COFIPA, relevait appel de l’Ordonnance rendue le 07 avril 2004 par le Président du Tribunal de commerce de Brazzaville et dont le dispositif est le suivant ;
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé commercial et en premier ressort ;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence, les articles 195 et 482 du CPCCAF ;
Rejetons l’exception de judicatum solvi ; ordonnons un sursis à statuer jusqu’à l’épuisement de la procédure pénale dirigée contre Monsieur Baber TOUNKARA ; déclarons irrecevable l’intervention volontaire de Monsieur André MANKENDA ; condamnons la Holding COFIPA aux dépens. » ;
Qu’à l’appui de son appel, Holding COFIPA S.A demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance du 07 avril 2004 en toutes ses dispositions ; que selon elle, en rendant l’ordonnance susindiquée, le Président du Tribunal de commerce de Brazzaville, juge des référés, a perdu de vue qu’il statuait dans une matière spécifique qui a ses caractéristiques propres ; qu’en effet, les dispositions de l’article 195 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ne peuvent pas s’appliquer au juge des référés, l’action qu’il a introduite ne pouvant pas être suspendue par l’action publique déclenchée contre Monsieur Baber TOUNKARA d’une part et, d’autre part l’instance commerciale pendante devant le juge des référés ne procédant pas dans les mêmes faits que l’action pénale précitée ; que par ailleurs, les intimés prétendus créanciers saisissant n’ont jamais introduit de procédures pour obtenir un titre exécutoire dans le délai d’un mois à compter des 8 et 9 mai 2003, dates des saisies conservatoires pratiquées ;
Que l’appelante demande également de déclarer nuls les procès-verbaux de saisies- attribution des créances dressés le 09 mars 2004 au motif qu’elle n’a pas eu connaissance d’actes de conversion des saisies conservatoires en saisies-attribution conformément à l’article 83 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’elle ne s’est jamais vue signifier la copie d’un quelconque acte de conversion et n’a donc pas pu user de la possibilité dont elle disposait de contester ledit acte de conversion devant la juridiction de son domicile, dans le délai de quinze (15) jours conformément à l’article 83 précité ;
Que de même, l’appelante conteste les procès-verbaux des saisies-attribution des créances qui lui ont été signifiés le 09 mars 2004 au motif qu’il n’y est pas mentionné le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un (1) mois prévu pour élever les contestations ; que les articles 169 à 172 de l’Acte uniforme précité n’ont pas été reproduits ;
Que relativement aux ordonnances des 08 et 10 mars 2004 ayant ordonné, d’une part, la suspension du conseil d’administration de la Société COFIPA Investment Bank Congo, dans l’attente d’une prochaine assemblée générale des actionnaires et, d’autre part, la nomination d’un mandataire aux fins de convoquer, à brefs délais, une assemblée générale des actionnaires, ne reposant sur aucun fondement juridique puisque le juge n’a pas été saisi d’une contestation entre actionnaires justifiant une mesure provisoire pour permettre le fonctionnement de la société COFIPA Investment Bank Congo ; qu’en conséquence il est demandé la rétractation pure et simple des deux ordonnances susindiquées ;
Attendu que les intimés demandent la confirmation pure et simple de la décision attaquée en adoptant pleinement la motivation du premier juge ;
Sur la demande de sursis à statuer formulée par les intimés
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y lieu de dire et juger qu’il n’y a pas lieu à surseoir à statuer ;
Sur la caducité des ordonnances des 08 et 09 mai 2003
Attendu que par Ordonnance des 08 et 09 mai 2003, le Président du Tribunal de commerce de Brazzaville avait autorisé respectivement Madame KHAWAM Isabelle, El Hadj KANAZOE Oumarou, Monsieur Ibrahim DOUDOU et Monsieur Mohamed TEFRIDJ à « pratiquer une saisie foraine sur la participation de la société COFIPA LTD détenue dans le capital social de la COFIPA Bank Investment Bank Congo, pour avoir sûreté, conservation et avoir paiement de leurs créances évaluées provisoirement en principal et frais à la somme totale de 2.238.000.000 F CFA ;
Attendu qu’aux termes de l’article 61, alinéa 1er, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « si ce n’est dans le cas où la saisie conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire ; qu’en l’espèce, les intimés n’ont pas apporté la preuve de ce qu’ils ont, dans le mois des ordonnances des 08 et 09 mai 2003, introduit une procédure ou accompli des formalités nécessaires à l’obtention d’un quelconque titre exécutoire ; qu’il échet en conséquence de déclarer caduques les ordonnances rendues les 08 et 09 mai 2003 au profit respectif de Madame KHAWAM Isabelle, El Hadj KANAZOE Oumarou, Monsieur Ibrahim DOUDOU et Monsieur Mohamed TEFRIDJ ;
Sur la demande de nullité des procès-verbaux de saisies-attribution du 09 mars 2004
Attendu que les ordonnances des 08 et 09 mai 2003 sur la base desquelles les saisies- attribution des créances du 09 mars 2004 ont été pratiquées ayant été déclarées caduques, il s’ensuit que lesdites saisies attributions sont nulles et de nul effet ; qu’il y a lieu par conséquent d’en ordonner la mainlevée ;
Sur la demande de rétractation des ordonnances des 08 et 10 mars 2004
Attendu que le président de la juridiction statuant en matière d’urgence et juge de l’exécution ainsi que la Cour d’appel statuant en cas d’appel ne sont compétents pour statuer, au regard de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que lorsque le litige ou la demande est relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire ; que la demande de rétractation des ordonnances des 08 mars 2004 suspendant le conseil d’administration de la société COFIPA Investment Bank Congo et 10 mars 2004 nommant un mandataire aux fins de convoquer, à brefs délais, une assemblée générale des actionnaires ne rentrant pas dans cette catégorie, la Cour de céans, statuant en matière d’urgence, juge de l’exécution, doit se déclarer incompétente sur ce point et renvoyer la cause et les parties à mieux se pourvoir ;
Attendu que les défendeurs au pourvoi ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n° 147 rendu le 16 septembre 2004 par la Cour d’appel de Brazzaville ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Dit qu’il n’y a pas lieu à sursis à statuer ;
Déclare caduques les Ordonnances rendues les 08 et 09 mai 2003 au profit respectif de Madame KHAWAM Isabelle, El Hadj KANAZOE Oumarou, Monsieur Ibrahim DOUDOU et Monsieur Mohamed TEFRIDJ ;
Déclare nulles et de nul effet les saisies-attribution des créances pratiquées le 09 mars 2004 ; ordonne en conséquence leur mainlevée ;
Se déclare incompétente pour statuer sur la demande de rétractation des ordonnances des 08 et 10 mars 2004 ; renvoie la cause et les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne les défendeurs au pourvoi aux dépens.