PROCEDURE COLLECTIVE D’APUREMENT DU PASSIF – CONCORDAT – OFFRE DE CONCORDAT – APPRECIATION PAR LE JUGE – NECESSITE DE L’AVIS PREALABLE D’UN EXPERT QUALIFIE (NON) Il n’y a lieu à rechercher si les travailleurs qui ont assigné la société avaient ou non la qualité pour ester en justice, dès lors que les juges n’ont pas statué sur la base de leur assignation mais que le tribunal s’est plutôt saisi d’office en raison des informations fournies par le collectif des travailleurs. Le Tribunal et la Cour d’appel n’ont pas statué ultra petita, dès lors qu’ils ne se sont pas prononcés sur les demandes initiales du Collectif des travailleurs, mais se sont plutôt saisis d’office en raison des informations fournies par le collectif des Travailleurs. La Cour d’Appel n’a en rien violé les dispositions de l’article 29 de l’AUPC, dès lors que le délai exigé pour produire la déclaration de cessation de paiements et la proposition de concordat de redressement a été respecté et qu’elle s’est prononcée sur la proposition de concordat. La Cour d’Appel n’a pas violé les articles 26, 27 et 32 de l’AUPC, dès lors que, nulle part, ces dispositions ne font obligation à la juridiction saisie de requérir l’avis préalable d’un expert qualifié sur la situation financière de la société avant de statuer. ARTICLE 26 AUPCAP ARTICLE 27 AUPCAP ARTICLE 32 AUPCAP C.C.J.A. 3ème CHAMBRE, ARRET N° 32 DU 08 DECEMBRE 2011 Affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB C/ COLLECTIF DES TRAVAILLEURS DE LA SOCALIB. Juris Ohada n° 2/2012, p. 34 La Cour,
Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que face à de nombreuses
difficultés techniques, la Société Arabe Libyenne de Bois dite SOCALIB avait mis en congé technique plusieurs travailleurs en attendant de recevoir des pièces de rechange ; que las d’attendre l’amélioration de la situation de la société le Collectif des Travailleurs de la SOCALIB saisissait, le 12 mai 2004, le Tribunal de grande instance de Ouesso aux fins de constater leur abandon depuis mars 2003 dans un milieu enclavé et hostile à la vie humaine, la cessation concomitante de l’activité de l’entreprise (mars 2003) et du paiement des salaires (août 2003) ; qu’il sollicitait par ailleurs dudit tribunal, de contraindre par toute voie de droit, la Direction générale de payer sous huitaine les arriérés de salaires et leurs droits ; que le 17 juin 2004 le Tribunal de grande instance de Ouesso, vidant son délibéré, prononçait la liquidation des biens de la SOCALIB et fixait la date de cessation de paiement au 31 mars 2003 ; que sur appel de la SOCALIB, la Cour d’appel d’Owando rendait, le 21 septembre 2004, l’Arrêt n°007 dont pourvoi ;
Sur le premier moyen Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir annulé la décision des premiers
juges sur le seul grief que ceux-ci n’ont pas donné à la société SOCALIB la possibilité de défendre ses intérêts alors que l’assignation elle-même n’est pas formée pour défaut de qualité de ses auteurs, Messieurs A, C et M, qui, se prétendant mandatés par l’ensemble du personnel de la société SOCALIB, n’ont jamais produit aux débats de mandat qui les habilite à ester en justice en lieu et place dudit personnel ; que dès lors, la Cour aurait dû annuler le jugement en toutes ses dispositions et non partiellement, pour défaut de qualité des demandeurs ;
Mais attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que les premiers juges
n’ont pas statué sur la base d’une assignation formée par les sieurs A, C et M ; que le tribunal s’est plutôt saisi d’office en raison des informations fournies par le Collectif des Travailleurs de la SOCALIB pour prononcer la liquidation de ladite société ; que par conséquent il n’y a pas lieu à rechercher si les sieurs sus-indiqués avaient ou non la qualité pour ester en justice ; qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué d’avoir statué ultra petita en ce
qu’il a prononcé la liquidation de la société SOCALIB alors que les demandeurs n’ont saisi le Tribunal que pour le paiement, sous huitaine, de leurs droits, arriérés de salaires et autres droits conventionnels ;
Mais attendu, à l’instar du premier moyen de cassation, qu’aussi bien le Tribunal que
la Cour d’appel ne se sont pas prononcés sur les demandes initiales du Collectif des Travailleurs ; qu’ils se sont plutôt saisis d’office en raison des informations fournies par le Collectif des Travailleurs pour statuer comme ils l’ont fait ; qu’ils n’ont en conséquence pas statué ultra petita ; qu’il s’ensuit que le deuxième moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen, en sa première branche
Attendu qu’il est aussi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 29 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en ce qu’en usant de son droit d’évocation, la Cour d’appel a prononcé la liquidation des biens de la société SOCALIB au motif que le concordat produit par celle-ci n’est pas sérieux alors que, selon le moyen, « sans qu’il soit nécessaire de répéter que les premiers juges n’ont pas daigné faire comparaître la société SOCALIB, ils auraient dû, avant toute décision d’ouverture de liquidation, procéder à l’enquête préalable édictée par l’article 29 avant dernier paragraphe de l’Acte uniforme OHADA ; que cet article prescrit au tribunal compétent l’observation d’un délai de trente (30) jours permettant à la personne morale et à ses démembrements indéfiniment et solidairement responsables du passif de celle-ci de faire la déclaration nécessaire ; que c’est seulement au terme de ce délai formulé en audience publique que le tribunal de Ouesso aurait eu toute la liberté de statuer en audience publique ; qu’ils s’agit là d’une irrégularité affectant la saisine des premiers juges et dont les seconds auraient dû relever d’office comme motif d’annulation pure et simple du jugement et de renvoi de la cause devant le même Tribunal de grande instance pour y procéder, conformément à la loi citée ci-avant ; que sur ce point également, il a toujours été jugé que « la Cour d’appel n’a pas le pouvoir de se saisir d’office pour ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ceci est réservé au Tribunal », encore que cette formalité ne peut être envisagée étant donné que celui-ci a été saisi d’une procédure ayant autre objet, à savoir le paiement des arriérés de salaires exclusivement » ;
Mais attendu que, d’une part, contrairement aux allégations de la demanderesse au
pourvoi, nulle part dans les dispositions de l’article 29 de l’Acte uniforme susindiqué il n’est prévu l’obligation faite à la juridiction saisie de procéder à une enquête préalable avant de statuer ; que, d’autre part, concernant l’obligation faite à la juridiction compétente qui décide de se saisir d’office, d’accorder un délai de trente jours au débiteur pour faire sa déclaration et la proposition de concordat de redressement, l’arrêt attaqué énonce que « considérant qu’à l’issue du délai de 30 jours sollicité et obtenu pour production de la déclaration de cessation de paiements et de la proposition de concordat de redressement, la société SOCALIB sollicite qu’il plaise à la Cour de lui accorder un délai d’une année civile à compter de la décision à intervenir pour désintéresser ses salariés en leur qualité de créanciers privilégiés, et celui de trois années civiles afin d’apurer les créances dues à tous ses autres créanciers » ; que par conséquent, le délai de trente jours exigé a bien été accordé à la demanderesse au pourvoi et que mieux, elle a produit une proposition de concordat accompagnée de certaines pièces, proposition de concordat sur laquelle la Cour d’appel s’est prononcée ; que de tout ce qui précède, il s’ensuit que la Cour d’appel d’Owando n’a en rien violé les dispositions de l’article 29 de l’Acte uniforme sus-indiqué ; qu’il y a lieu, en conséquence, de déclarer la première branche du troisième moyen non fondée et de la rejeter ;
Sur le troisième moyen, en sa seconde branche
Attendu qu’il est fait enfin grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les prescriptions
combinées des articles 26, 27 et 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en ce que la Cour d’appel, d’une part, a statué sans tenir compte des pièces et éléments que la requérante a versés aux débats conformément aux articles 26 et 27 et, d’autre part, n’a pas requis l’avis d’un expert qualifié sur la situation financière de la société avant de statuer ; que par ailleurs, la Cour d’appel, en renvoyant plusieurs fois la cause pour productions de concordat n’a pas tenu compte du délai de 30 jours que l’article 32, alinéa 3 impartit au débiteur pour produire l’offre concordataire ;
Mais attendu, d’une part, que c’est en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, que la Cour d’appel d’Owando a examiné les pièces et éléments produits par la société SOCALIB à l’appui de sa proposition de concordat pour estimer que l’offre de concordat faite n’est pas sérieuse et que la liquidation de biens de ladite société se trouve être la solution sublime dans l’intérêt des créanciers ; que, d’autre part, nulle part les dispositions des articles 26, 27 et 32 de l’Acte uniforme ne font obligation à la juridiction saisie de requérir l’avis préalable d’un expert qualifié sur la situation financière de la société avant de statuer, l’article 32 énonçant seulement qu’« avant la décision d’ouverture d’une procédure collective, le Président de la juridiction compétente peut désigner un juge du siège ou toute autre personne qu’il estime qualifiée, à charge de dresser et lui remettre un rapport dans un délai qu’il détermine, pour recueillir tous renseignements sur la situation et les agissements du débiteur et la proposition du concordat faite par lui. » ; qu’enfin, s’agissant du non respect du délai de 30 jours exigé par l’alinéa 3 de l’article 32 et comme il a déjà été dit lors de l’examen de la première branche de ce troisième moyen ci-dessus, l’arrêt attaqué a retenu que c’est « à l’issue du délai de 30 jours sollicité et obtenu pour production de la déclaration de cessation de paiements et de la proposition de concordat de redressement » et mieux c’est après le dépôt de la proposition de concordat par la société SOCALIB que la Cour d’appel d’Owando a rendu sa décision ; que de tout ce qui précède, il s’ensuit que la Cour d’appel d’Owando n’a en rien violé les dispositions des articles 26, 27 et 32 susindiqués ; qu’il y a lieu en conséquence, de déclarer la seconde branche du troisième moyen non fondée et la rejeter ;
Attendu que la société SOCALIB ayant succombé il y a lieu de la condamner aux
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Rejette le pourvoi formé par la SOCALIB ; La condamne aux dépens.
PRESIDENT : MAINASSARA MAIDAGI