- VALIDITE DE LA CONVENTION D’ARBITRAGE : OUI
- RECEVABILITE DU RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITE DE LA SENTENCE ARBITRALE AU REGARD DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 29.2 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA COUR DE CEANS : NON
- RECEVABILITE DE LA DEMANDE D’EXEQUATUR : OUI.
La Cour étant saisie pour la même sentence d’un recours en contestation de validité et d’une requête en exequatur, il y a lieu, conformément à l’article 30.3 du Règlement d’Arbitrage et eu égard au lien étroit de connexité de ces deux procédures avec celle de la tierce opposition à la sentence, pour une bonne administration de la justice, d’en ordonner la jonction pour y être statué par une seule et même décision.
L’exercice de l’action en tierce opposition suppose, au regard des dispositions de l’article 47.2 du Règlement de Procédure de la Cour, qui dispose que « la demande doit indiquer en quoi l’arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant », l’existence d’un intérêt à agir, alors qu’en l’espèce, la solution donnée au litige dans la sentence consistant en l’allocation de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice né d’une situation ponctuelle qui a épuisé ses effets dans le dénouement de l’instance arbitrale, n’est pas de nature à perpétuer un comportement en contrariété à un ordre public dont la CEMAC de veiller au respect dans son espace ; il s’ensuit que cette organisation communautaire ne justifie pas d’un intérêt à agir pour l’exercice de ce recours qu’il échet en conséquence de déclarer irrecevable.
Aux termes des dispositions de l’article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, la validité de la convention d’arbitrage « est appréciée d’après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique » ; l’article 2 alinéa 2 du même Acte uniforme prévoit par ailleurs que les Etats « peuvent ... être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester ... la validité de la convention d’arbitrage » ; au surplus, au regard des circonstances de la signature de la Convention d’établissement, les représentants de la CBGE ayant pu croire légitimement aux pouvoirs du Ministre en charge des Finances, qui était aussi l’Autorité monétaire de la République de Guinée Equatoriale, celle-ci est malvenue d’invoquer sa propre règlementation pour contester la validité de la convention d’arbitrage ; en conséquence, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour statuer sur le litige en rendant la sentence dont la validité est contestée.
Aux termes des dispositions de l’article 29.2 du Règlement d’Arbitrage de la Cour, la « contestation de validité n’est recevable que si, dans la convention d’arbitrage, les parties n’y ont pas renoncé » ; en l’espèce, la renonciation à toutes voies de recours a été faite par une disposition expresse de la convention d’arbitrage en l’article 13 de la Convention
d’établissement ci-dessus énoncé ; il échet en conséquence, de déclarer le recours en contestation de validité de la sentence irrecevable.
Le recours en contestation de validité de la sentence ayant été déclaré irrecevable, il y a lieu d’ordonner l’exequatur de la sentence.
ARTICLE 2 AUA ARTICLE 4 AUA ARTICLE 29-2 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA CCJA ARTICLE 29-5 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA CCJA ARTICLE 30-3 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA CCJA ARTICLE 33 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE DE LA CCJA ARTICLE 23 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 27 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 47-2 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA ARTICLE 17 DE LA CONVENTION REGISSANT LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Arrêt n° 012/2011 du 29 novembre 2011, Audience publique du 29 novembre 2011, l/ Recours en contestation de validité de sentence arbitrale n° 065/2009/PC du 13 juillet 2009 ; 2/ Requête en tierce opposition n° 073/2009/PC du 11 août 2009 ; 3/ Requête en exequatur en date du 18 juin 2009, Affaire : République de Guinée Equatoriale (Conseils : Société Civile Professionnelle d’Avocats dite SCPA « Paris-Village » assistée de Maître Rasseck BOURGI, Avocat à la Cour) et La Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) (Conseils : La SCPA DOGUE-ABBE YAO & Associés, Avocats à la Cour) contre La Commercial Bank Guinea Ecuatorial (CBGE) (Conseils : Maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, Avocats à la Cour). – Recueil de Jurisprudence n° 17 (Juillet – Décembre 2011), p. 22 ; Juris Ohada, n° 1, 2012, janvier-mars, p. 34
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), en assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 29 novembre 2011, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, Maïnassara MAIDAGI, Premier vice-Président, Ndongo FALL, Second vice-Président, rapporteur, Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, Namuano F. DIAS GOMES, Juge, Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge, Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge, Messieurs D. Victoriano OBIANG ABOGO, Juge, Marcel SEREKOISSE-SAMBA, Juge
Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur les procédures suivantes :
1/ La requête en tierce opposition à la sentence rendue le 24 mai 2009, enregistrée au greffe de la Cour de céans, le 11 août 2009 sous le numéro 073/2009/PC et formée par la SCPA DOGUE-ABBE YAO & Associés, Avocats à la Cour, 01 BP 174 Abidjan 01 (Côte
d’Ivoire), au nom et pour le compte de la « Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale » (CEMAC), dont le siège social est à Bangui (République Centrafricaine), dans le litige opposant la République de Guinée Equatoriale représentée par le Ministre des Finances et du Budget agissant « en qualité d’Autorité Monétaire », ayant pour Conseil Maître Rasseck BOURGI, Avocat à la Cour, rue du Chevalier de Saint-Georges 75001, Paris (France) et la « Commercial Bank Guinea Ecuatorial » SA (CBGE), dont le siège est à Carretera de Luba, BP 189 Malabo (République de Guinée Equatoriale), représentée par son Directeur Général, ayant pour Conseil Maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, Avocat à la Cour, BP 12287, Douala (République du Cameroun) ;
2/ le recours en contestation de validité de ladite sentence enregistré au greffe de la Cour, le 13 juillet 2009 sous le numéro 065/2009/PC et formé par la SCPA Paris Village, Avocats à la Cour, 01 BP 5796 Abidjan 01, « assistés » de Maître Rasseck BOURGI, Avocat à la Cour ;
3/ la requête aux fins d’exequatur de la même sentence arbitrale en date du 18 juin 2009 introduite par Maître Jackson Francis NGNIE KAMGA, au nom et pour le compte de la « Commercial Bank Guinea Ecuatorial » (CBGE) ;
Sur le rapport de Monsieur Ndongo FALL :
Vu le Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique en ses articles 2l à 26 ;
Vu le Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Vu le Règlement de Procédure de ladite Cour ;
Vu l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ;
Sur les faits et les procédures
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que, dans la perspective de l’ouverture d’un établissement bancaire en Guinée Equatoriale, le groupe camerounais FOTSO a pris contact avec les autorités de la République de Guinée Equatoriale, pour les modalités de la création de la « Commercial Bank Guinea Ecuatorial », filiale de la « Commercial Bank of Cameroun » ;
Que suivant procès-verbal de l’Assemblée générale constitutive tenue le 16 août 2002 à Malabo, l’établissement bancaire ainsi dénommé « CBGE » a été constitué sous forme de société anonyme avec conseil d’administration, étant entendu que l’exercice de l’activité d’établissement de crédit est subordonné à l’agrément de l’Autorité Monétaire de l’Etat du siège de la banque, en l’occurrence la République de Guinée Equatoriale, agrément délivré sur avis conforme de l’institution communautaire dite Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC) ;
Que des demandes ont été déposées auprès de l’Autorité Monétaire de la République de Guinée Equatoriale pour obtenir l’agrément de la CBGE en qualité d’établissement de crédit, l’agrément d’un premier dirigeant responsable de la banque en qualité de directeur général, d’un premier commissaire aux comptes titulaire et d’un commissaire aux comptes suppléant ;
Que ces demandes ont été transmises par l’Autorité Monétaire de la République de Guinée Equatoriale à la COBAC qui, le 09 décembre 2002, a adressé un courrier à Monsieur Torielli, en sa qualité de conseiller du Président du conseil d’administration du groupe FOTSO, dans lequel elle lui demandait de compléter les dossiers de demande d’agrément ; que cette instruction exécutée le 30 janvier 2003, le Président de la COBAC a adressé une correspondance à Monsieur Torielli, par laquelle il l’informait de sa décision « de délivrer un
avis conforme pour l’agrément de la CBGE en qualité d’établissement de crédit, pour l’agrément portant sur un premier dirigeant responsable de la banque en qualité de directeur général, d’un premier commissaire aux comptes titulaire et d’un commissaire aux comptes suppléant » ;
Que la COBAC a subordonné néanmoins le démarrage effectif des activités de la CBGE, à la production d’une situation consolidée de la partie bancaire du groupe FOTSO, arrêtée au 31 décembre 2002 et à l’agrément d’un deuxième dirigeant responsable désigné par l’établissement, et a demandé à la CBGE de soumettre à l’agrément de l’Autorité Monétaire de la République de Guinée Equatoriale, la désignation du second commissaire aux comptes titulaire ;
Qu’un document intitulé « Convention d’Etablissement », signé le 18 décembre 2003, selon la CBGE, a été établi entre la République de Guinée Equatoriale et la CBGE, dans lequel figure une clause compromissoire ;
Que la CBGE, qui considère la lettre du Président de la COBAC du 30 janvier 2003 comme portant avis conforme de la COBAC, n’a pas reçu l’agrément de l’Autorité Monétaire de la République de Guinée Equatoriale devant suivre un tel avis conforme et lui permettant d’exercer localement son activité d’établissement de crédit ;
Que la controverse autour de l’absence de délivrance de cette décision d’agrément et le refus de l’autorisation de la CBGE d’exercer conformément à son objet social, est à l’origine du présent litige qui a entraîné la demande de l’arbitrage à l’issue duquel a été rendue la sentence dont la validité est présentement contestée ;
Attendu que suite à la demande d’arbitrage déposée le 07 janvier 2007 à la CCJA par la CBGE dans la cause l’opposant à la République de Guinée Equatoriale, le Tribunal arbitral a rendu la sentence, objet du présent recours en contestation de validité, dont le dispositif est le suivant :
« 1/ après analyse des motifs d’incompétence soulevés, le Tribunal arbitral se reconnaît compétent dans le cadre du présent litige ;
2/ le Tribunal arbitral rejette la demande de la défenderesse à l’application du principe de cohérence et de l’estoppel, dans la mesure où ses conditions d’application ne sont pas réunies en l’espèce ;
3/ le Tribunal arbitral déclare la demanderesse recevable en sa demande principale et la défenderesse recevable en sa demande reconventionnelle ;
4/ le Tribunal arbitral déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle comme non fondée ;
5/ le Tribunal arbitral déclare la demanderesse partiellement fondée en sa demande principale, en ce que :
a - la lettre de la COBAC du 30 janvier 2003 vaut décision emportant avis conforme ;
b - le Tribunal arbitral ne pouvant être assimilé à une autorité administrative ou juridictionnelle d’un Etat membre n’est pas lié par l’avis interprétatif n° 004/2008 du 18 juin 2008 de la Chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
c - la décision souveraine de son Excellence le Président de la République de Guinée Equatoriale de ne pas accorder l’agrément d’établissement de crédit à la CBGE engage la responsabilité de l’Etat sur le fondement de la Convention d’Etablissement ;
d - le Tribunal arbitral constate donc la faute contractuelle de la République de Guinée Equatoriale telle que démontrée plus haut ;
e - le Tribunal arbitral constate que cette faute contractuelle a causé divers préjudices à la demanderesse et que ces préjudices méritent réparation ;
En conséquence,
6/ Condamne la République de Guinée Equatoriale à verser à la CBGE, la somme de FCFA 3.252.566.488 au titre de la réparation du préjudice matériel qu’elle a subi suite à l’engagement des frais de premier établissement ;
7/ Déclare que les condamnations ci-dessus relatives à la réparation du préjudice subi par la CBGE seront majorées aux taux d’intérêt sur le marché interbancaire CEMAC tels que publiés par la BEAC à compter du 7 janvier 2007, date d’introduction de la requête :
8/ Condamne la République de Guinée Equatoriale à verser à la CBGE, la somme de FCFA 42.426.250.002 au titre du manque à gagner qu’elle a subi ;
9/ Condamne la République de Guinée Equatoriale à verser à la CBGE, la somme de FCFA 134.364.932 au titre des frais de procédure que cette dernière a encourus au cours de la procédure arbitrale ;
10/ Déclare que chaque partie supportera ses propres frais de défense ;
11/ Toute autre demande formulée par les parties est rejetée ;
12/ Conformément à la clause compromissoire insérée dans l’article 13 de la Convention d’Etablissement, la présente sentence est rendue en premier et dernier ressort, les parties ayant expressément renoncé à toutes voies de recours, elle a un caractère définitif et est immédiatement exécutoire dès sa notification aux parties ; ».
Sur la jonction des procédures
Attendu que la Cour étant saisie pour la même sentence d’un recours en contestation de validité et d’une requête en exequatur, il y a lieu, conformément à l’article 30.3 du Règlement d’arbitrage et eu égard au lien étroit de connexité de ces deux procédures avec celle de la tierce opposition à la sentence, pour une bonne administration de la justice, d’en ordonner la jonction pour y être statué par une seule et même décision ;
Sur la tierce opposition
Attendu que la CBGE, dans son mémoire reçu au greffe de la Cour, le 09 novembre 2009, soulève l’irrecevabilité de la requête en tierce opposition de la CEMAC, en ce que :
- la requête par laquelle cette procédure a été initiée, n’indique pas les raisons pour lesquelles le tiers opposant n’a pu participer au litige principal ;
- la sentence arbitrale contre laquelle elle s’est pourvue ne lui cause aucun préjudice pouvant justifier de l’admission du recours, pas plus qu’elle ne porte atteinte à ses droits en raison, d’une part, de ce que le prétendu préjudice dont se prévaut la CEMAC n’est pas au nombre de ceux permettant de recevoir sa tierce opposition, d’autre part, de ce que la CEMAC ne se prévaut ni d’intérêt lésé, ni d’un droit auquel il aurait été porté atteinte par la sentence arbitrale ;
- et même si l’article 17 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC avait été violé, ce recours en tierce opposition n’est pas celui qui doit être mis en œuvre et est à
tout le moins prématuré, dans la mesure où la CCJA n’a pas encore statué sur le recours en contestation de validité de la sentence ;
Attendu que, dans sa requête sus référencée et dans son mémoire en réponse reçu au greffe, le 19 juillet 2010, la CEMAC expose pour sa part, « [que] l’article 33 du Règlement d’Arbitrage de la CCJA dispose que :
« la tierce opposition contre les sentences arbitrales et contre les arrêts de la Cour, lorsque celle-ci a statué au fond conformément à l’article 29.5, 1er alinéa ci-dessus, est ouverte, dans les cas et sous les conditions prévues à l’article 47 du Règlement de Procédure. » ;
que l’article 47 du Règlement de Procédure de la CCJA dispose que :
« Toute personne physique ou morale peut présenter une demande en tierce opposition contre un arrêt rendu sans qu’elle n’ait été appelée, si cet arrêt préjudicie à ses droits. Les dispositions des articles 23 et 27 du présent Règlement sont applicables à la demande en tierce opposition. Celle-ci doit en outre :
a) spécifier l’arrêt attaqué ; b) indiquer en quoi cet arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant ; c) indiquer les raisons pour lesquelles le tiers opposant n’a pu participer au litige
principal ... » ;
[que] la CEMAC n’ayant été ni partie ni représentée à l’instance arbitrale, [et n’ayant] donc pu y faire valoir de moyens, la demande initiale d’arbitrage étant présentée comme une action en réparation consécutive à une supposée faute contractuelle de la République de Guinée Equatoriale [alors que] la sentence en cause lui porte incontestablement préjudice en ce qu’elle a violé l’ordre public communautaire de l’espace CEMAC [qu’elle] a mission de faire respecter », sa tierce opposition est donc recevable ;
Mais, attendu que l’exercice de l’action en tierce opposition suppose, au regard des dispositions de l’article 47.2 ci-dessus énoncé du Règlement de Procédure de la Cour, qui dispose que, la demande doit « indiquer en quoi l’arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant », l’existence d’un intérêt à agir, alors qu’en l’espèce, la solution donnée au litige dans la sentence consistant en l’allocation de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice né d’une situation ponctuelle qui a épuisé ses effets dans le dénouement de l’instance arbitrale, n’est pas de nature à perpétuer un comportement en contrariété à un ordre public dont la CEMAC serait chargée de veiller au respect dans son espace ; qu’il s’ensuit que cette organisation communautaire ne justifie pas d’un intérêt à agir pour l’exercice de ce recours, qu’il échet en conséquence de déclarer irrecevable ;
Sur la contestation de validité de la sentence
Attendu que pour contester la validité de la sentence, la République de Guinée, recourante, excipe de l’irrégularité affectant la convention d’arbitrage, alors que se fondant sur une clause de celle-ci, la CBGE, défenderesse, lui oppose la clause de renonciation aux voies de recours qu’elle contient ;
1°/ Sur la validité de la convention d’arbitrage
Attendu que la République de Guinée Equatoriale conteste la validité de la convention d’arbitrage et de la clause d’arbitrage qu’elle contien, et qui fonde la compétence des arbitres en raison notamment du défaut de pouvoir du Ministre en charge des Finances, qui aurait signé ladite convention sans autorisation préalable du Premier Ministre et l’avis du Ministre en charge du Plan, comme le prescrit impérativement la loi équato-guinéenne pour toute convention engageant l’Etat pour un montant de plus de dix millions de francs CFA ;
Mais, attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, la validité de la convention d’arbitrage « est appréciée d’après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique » ; que l’article 2 alinéa 2 du même Acte uniforme prévoit par ailleurs que, les Etats « peuvent … être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester ... la validité de la convention d’arbitrage » ;
Qu’au surplus, au regard des circonstances de la signature de la Convention d’établissement, les représentants de la CBGE ayant pu croire légitimement aux pouvoirs du Ministre en charge des Finances, qui était aussi l’Autorité monétaire de la République de Guinée Equatoriale, celle-ci est malvenue d’invoquer sa propre règlementation pour contester la validité de la convention d’arbitrage ;
Qu’en conséquence, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour statuer sur le litige en rendant la sentence dont la validité est contestée ;
2°/ Sur la validité de la sentence proprement dite
Attendu que dans ses différents mémoires reçus et enregistrés au greffe de la Cour de céans, les 24 septembre 2009, 09 novembre 2009, 24 février 2010 et 09 décembre 2010, la CBGE conclut à l’irrecevabilité du recours en contestation de validité fondée sur la renonciation à ce recours dans la Convention d’établissement, qui stipule en son article 13 à propos de l’arbitrage, que « ... le collège arbitral se prononcera en premier et dernier ressort au plus tard dans les 2 (deux) mois de sa constitution, les parties renonçant expressément à toutes voies de recours, la sentence rendue par le collège arbitral, rédigée en français, devra être notifiée aux parties dans les huit (8) jours suivant son prononcé. Elle aura un caractère définitif. Elle s’imposera aux parties et sera immédiatement exécutoire (...) ».
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 29.2 du Règlement d’Arbitrage de la Cour, la « contestation de validité n’est recevable que si, dans la convention d’arbitrage, les parties n’y ont pas renoncé » ;
Attendu qu’en l’espèce, la renonciation à toutes voies de recours a été faite par une disposition expresse de la convention d’arbitrage, en l’article 13 de la Convention d’établissement ci-dessus énoncé ; qu’il échet en conséquence, de déclarer le recours en contestation de validité de la sentence irrecevable ;
Sur la demande d’exequatur
Attendu que le recours en contestation de validité de la sentence ayant été déclaré irrecevable, il y a lieu d’ordonner l’exequatur de la sentence ;
Sur les dépens
Attendu qu’il y a lieu de condamner, par application des dispositions de l’article 43-3 du Règlement de Procédure de la Cour, l’Etat de Guinée Equatoriale, qui succombe, aux dépens de la présente ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- Ordonne la jonction des procédures ;
- Déclare irrecevables les requêtes formulées, respectivement par la CEMAC et la Guinée Equatoriale, en tierce opposition et en contestation de validité de la sentence rendue le 24 mai 2009 à Libreville (Gabon) dans la cause par le tribunal arbitral ;
- Ordonne l’exequatur de ladite sentence ;
- Condamne l’Etat de Guinée Equatoriale aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en Chef
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