L’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer doit être déclarée recevable, dès lors qu’elle a été faite conformément à l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
En déclarant le demandeur au pourvoi déchu de son droit d’opposition, la Cour d’appel a fait une mauvaise application de l’article précité et sa décision encourt la cassation.
Le jugement entrepris doit être infirmé et l’ordonnance d’injonction de payer rétractée, dès lors que la créance réclamée ne parait, en l’état, ni certaine, ni exigible au sens de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des vois d’exécution. ARTICLE 11 AUPSRVE C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N° 06 DU 25 AOUT 2011, Affaire : BURKINA & SHELL S.A C/ Les Syndics-Liquidateurs de TAGUI S.A - Le Juris-Ohada n° 3 /2011, Juillet – Septembre 2011, pg 2.
LA COUR,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 mai 2006 sous le n°035/2006/PC et formé par Maître Issouf BAADHIO, Avocat à la Cour, 01 BP 2100 Ouagadougou 01 (BURKINA FASO), agissant au nom et pour le compte de BURKINA & SHELL, société anonyme avec conseil d’administration, ayant son siège social Place des Nations Unies, Ouagadougou, 01 BP 569, prise en la personne de son Directeur général, Monsieur D, dans la cause l’opposant aux Syndics-liquidateurs de la société de Pétrole TAGUI, société anonyme dont le siège social est à 01, BP 1196 Ouagadougou 01,
en cassation de l’Arrêt n°107 rendu le 02 décembre 2005 par la Cour d’appel de Ouagadougou et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort,
En la forme :
- Déclare recevable l’appel de Burkina & Shell ;
Au fond :
- Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- Condamne l’appelante aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Premier Vice-Président Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que les Syndics-liquidateurs de TAGUI S.A, défendeurs au pourvoi, bien qu’ayant reçu notification du pourvoi par lettre n°484/2006/G2 du 26 septembre 2006 reçue le 1er octobre 2006, n’ont pas déposé de mémoire dans le délai de trois mois qui leur a été imparti ; que le principe de contradictoire ayant été ainsi respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Ordonnance n° 744/2003 en date du 28 novembre 2003, Madame la Présidente du Tribunal de grande de instance de Ouagadougou « autorisait les Syndics-liquidateurs de la Société de Pétrole TAGUI à signifier à la Société BURKINA & SHELL l’injonction d’avoir à payer la somme de 117.782.202 FCFA outre les intérêts de droit, frais et charges du dossier » ; que l’ordonnance susindiquée étant signifiée le 10 décembre 2003 à la société BURKINA & SHELL, celle-ci y formait opposition le 24 décembre 2003 ; que par Jugement n°126/2004 en date du 14 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou déclarait l’opposante déchue de son droit d’opposition pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que sur appel de la société Burkina & Shell relevé contre ledit jugement, la Cour d’appel de Ouagadougou rendait le 02 décembre 2005 l’Arrêt n°107, dont pourvoi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 43, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé, par fausse application ou fausse interprétation, l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et le chapitre II du Titre II de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif notamment en son article 43, en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a, par adoption des motifs du jugement, estimé « qu’[il] est constant que l’acte d’opposition a été signifié à un seul syndic liquidateur ; qu’il viole les dispositions de la loi suscitée ; que la sanction prévue par cette omission est la déchéance ; qu’il y a lieu par conséquent de déclarer la Société BURKINA & SHELL déchue de son droit d’opposition » alors que, selon le moyen, l’analyse du Tribunal et partant de la Cour selon laquelle la signification d’opposition « aux syndics liquidateurs » pris en la personne de Maître Mamadou OUATTARA ne vaut pas signification aux syndics liquidateurs, est erronée car nulle part dans l’ordonnance d’injonction de payer ne figurent les noms de Mamadou OUATTARA et de B ; qu’ils ne sont donc pas personnellement parties au litige ; que l’exploit d’opposition ayant été signifié aux syndics liquidateurs « pris en personne de Maître Mamadou OUATTARA », ce dernier étant un syndic, il a donc qualité pour recevoir au nom des syndics l’opposition ; que par ailleurs, au regard du chapitre II du titre II de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le syndic étant un des organes du redressement judiciaire et de la liquidation des biens, la
signification de l’exploit d’opposition à l’une quelconque des personnes physiques désignées pour assurer les fonctions de syndic vaut signification à l’organe qu’est le syndic ; qu’enfin prétendre qu’il y avait lieu à une double signification de l’exploit d’opposition, tant à la personne de Maître Mamadou OUATTARA qu’à celle de Monsieur B., ne signifie ni plus, ni moins que Monsieur B. et Maître Mamadou OUATTARA sont personnellement parties à l’instance ; que l’article 43 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif social disposant très clairement que le syndic est un mandataire rémunéré, il n’agit donc pas à titre personnel ; qu’il résulte des développements qui précèdent que l’exploit d’opposition de BURKINA & SHELL a été servi à des personnes physiques dûment qualifiées pour recevoir l’exploit d’opposition au titre, tant de la requérante, à savoir les syndics liquidateurs, que du greffier en chef ;
Attendu qu’aux termes des articles 11 et 43 alinéas 1 et 2 des Actes uniformes susvisés, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition :
- de signifier son recours à toutes parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ;
- de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition. » et « le ou les syndics sont chargés de représenter les créanciers sous réserve des dispositions des articles 52 et 53 ci- après.
Ils ont la qualité de mandataires rémunérés et sont civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun, sans préjudice de leur responsabilité pénale.
S’il a été nommé plusieurs syndics, ils agissent collectivement. Toutefois, le juge commissaire peut, selon les circonstances, donner à un ou plusieurs d’entre eux, le pouvoir d’agir individuellement ; dans ce cas, seuls les syndics ayant reçu ce pouvoir sont responsables en cas de faute de leur part. » ;
Attendu qu’au regard des articles 39 à 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le syndic est un des organes de la liquidation des biens, lequel organe est chargé de représenter les créanciers sous réserve des dispositions des articles 52 et 53 du même Acte uniforme ; que ce syndic peut être constitué de une ou plusieurs personnes sans que le nombre n’excède trois et en cas de nomination collégiale, ces personnes agissent collectivement à moins que le juge-commissaire, selon les circonstances, donne à une ou plusieurs d’entre elles, le pouvoir d’agir individuellement ;
Attendu que le syndic, qu’il soit constitué d’une ou plusieurs personnes, constitue une seule partie au regard de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en cas de litige survenu au cours de la liquidation ;
Attendu, en l’espèce, qu’en signifiant son opposition à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 744/2003 rendue le 28 novembre 2003 par Madame la Présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou et en laissant assignation à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou aux « syndics liquidateurs TAGUI, société anonyme en liquidation, pris en la personne de Maître Mamadou OUATTARA, Avocat à la Cour… » et « Monsieur le greffier en chef du Tribunal de grande instance de Ouagadougou », la société BURKINA & SHELL a respecté les dispositions sus énoncées de l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé ; que la Cour d’appel de Ouagadougou, en confirmant le Jugement n° 126/2004 du 14 avril 2004 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou par adoption de motifs selon lesquels, « …dans le cas d’espèce, la requête afin d’injonction de payer en date du 14 novembre 2003 mentionne les noms et qualité de B, Expert Comptable et de
Mamadou OUATTARA, Avocat à la Cour, que l’acte de signification de l’ordonnance suscitée porte les mêmes mentions ;… il est constant que l’acte d’opposition a été signifié à un seul des syndics liquidateurs ; qu’[il] viole [les] dispositions de la loi suscitée ; que la sanction prévue par cette omission est la déchéance ; qu’il y a lieu par conséquent de déclarer la société BURKINA & SHELL déchue de son droit d’opposition ; », a fait une mauvaise application de l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé et que sa décision encourt en conséquence cassation de ce chef ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier en date du 29 avril 2004, BURKINA & SHELL S.A a relevé appel du Jugement n°126/2004 rendu le 14 avril 2004 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort,
En la forme :
- Déclare la Société BURKINA & SHELL déchue de son droit d’opposition pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
- Condamne BURKINA & SHELL aux dépens. » ;
Attendu qu’à l’appui de son appel, BURKNA & SHELL S.A demande à la Cour d’annuler ou d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, dire et juger qu’elle n’est absolument pas débitrice de TAGUI et de ses syndics liquidateurs et de débouter les syndics liquidateurs de toutes leurs demandes ; que l’appelante estime qu’elle n’a nullement violé l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la signification de l’exploit d’opposition à l’une quelconque des personnes physiques désignées pour assurer les fonctions de syndic valant signification à l’organe qu’est le Syndic ; que toujours selon l’appelante, il y a absence de créance de TAGUI et de ses syndics liquidateurs au motif que le fondement de la requête aux fins d’injonction de payer est l’article 3, deuxième alinéa de la convention du 11 octobre 2000 qui crée des obligations réciproques des parties que sont TAGUI et BURKINA & SHELL ; que TAGUI a manqué à ses obligations consignées dans la convention du 11 octobre 2000 par le fait que l’adjudication au profit de TAMOIL d’une des stations concernées par la convention de vente, ce qui fait que BURKINA & SHELL n’est entrée en possession que de trois stations sur les quatre qu’elle a achetées ; qu’elle a payé 397 217 798 F CFA outre les frais de dossier contentieux contre BCB ; qu’elle a donc été évincée de la quatrième station (bataille du rail) ; que TAGUI n’a exécuté aucune de ses obligations primaires a fortiori de garantie d’éviction ; que suivant le principe contractuel « exceptio non adimpleti contractus », BURKINA & SHELL n’est absolument redevable de quelque somme que ce soit envers TAGUI et ses syndics liquidateurs ;
Attendu que les Syndics liquidateurs de la société Pétrole TAGUI, intimés, demandent à la Cour de reconnaître que la procédure d’injonction de payer engagée par eux est régulière ; que s’agissant du reproche fait au Jugement n°126/2004 du 14 avril 2004 d’avoir déclaré BURKINA & SHELL déchue de son droit d’opposition à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 744/2003 du 28 novembre 2003 pour violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ils rétorquent que l’article 5 du code de procédure civile dispose que : « nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé dans les formes prescrites » ; que l’acte d’opposition avec
assignation délivré par BURKINA & SHELL ne mentionne pas le nom de Monsieur B. comme Syndic- liquidateur de la Société TAGUI ; que sur la prétendue absence de créance de TAGUI et de ses Syndics liquidateurs, les intimés estiment que les développements faits par la Société BURKINA & SHELL dans ses conclusions d’appel ne sont que de pures allégations et infondées, son but étant de se soustraire à son obligation contractuelle ; qu’elle ne conteste pas que conformément à la convention elle restait redevable de la somme de 117.782.202 FCFA ;
Sur la régularité de l’acte d’opposition et d’assignation délivré par Burkina & Shell S.A
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus lors de l’examen du moyen unique de cassation, il y a lieu de déclarer recevable l’opposition à l’Ordonnance n°744/2003 du 28 novembre 2003 de Madame la Présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou formée par BURKINA & SHELL S.A, d’infirmer en conséquence le jugement entrepris ;
Sur l’existence de la créance
Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le recouvrement d’une créance ne peut se faire selon la procédure d’injonction de payer que si ladite créance présente les trois conditions cumulatives de certitude, de liquidité et d’exigibilité.
Attendu, en l’espèce, que la créance réclamée par les Syndics liquidateurs de la Société TAGUI ne réunit pas les trois conditions sus indiquées dans la mesure où elle est sérieusement contestée par la Société BURKINA & SHELL ; qu’en effet, s’il ressort de l’article 3 de la convention que cette dernière s’engageait à payer la somme de cinq cent quinze millions (515.000.000) de F CFA au titre de rachat des quatre stations-service citées au préalable et en contrepartie la Société TAGUI lui cédait, sans réserves, l’ensemble des droits qu’elle détient sur tant la propriété immobilière que les équipements spécifiques à l’exploitation des stations précitées dans le préambule et ce à la date de la signature de la convention ; qu’il ressort des pièces versées aux débats, notamment le Jugement n°756 du 12 septembre 2001 de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Ouagadougou et des Arrêts n°97 du 07 décembre 2001 et 67 du 07 juin 2002 de la Cour d’appel de Ouagadougou que l’immeuble abritant l’une des quatre stations-service qui sont censées être cédées à la Société BURKINA & SHELL, selon la convention du 11 octobre 2000, a été adjugée à la Société TAMOIL BURKINA, ainsi que deux autres immeubles, à la suite d’une procédure de saisie immobilière initiée par D contre la Société TAGUI ; que BURKINA & SHELL étant évincée de la quatrième station-service au profit de TAMOIL BURKINA S.A, TAGUI S.A n’a pas exécuté intégralement ses obligations primaires ; que par conséquent BURKINA & SHELL ne peut être tenue au prix de la station-service non mise à sa disposition ; que de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la créance réclamée par les Syndics liquidateurs de TAGUI S.A ne parait, en l’état, ni certaine, ni exigible au sens de l’article 1er de l’Acte uniforme sus indiqué ; que c’est donc à tort que lesdits Syndics liquidateurs ont initié le recouvrement de ladite créance selon la procédure d’injonction de payer ; qu’il échet, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris, et de dire et juger qu’il y a lieu de rétracter l’Ordonnance d’injonction de payer n°744/2003 rendue le 28 novembre 2003 par Madame la Présidente du Tribunal de grande instance de OUAGADOUGOU ;
Attendu que les Syndics liquidateurs de TAGUI S.A ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Casse l’Arrêt n° 107 rendu le 02 décembre 2005 par la Cour d’appel de Ouagadougou ;
Evoquant et statuant sur le fond,
- Infirme le Jugement n°126/2004 rendu le 14 avril 2004 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou ;
- Rétracte l’Ordonnance n°744/2003 rendue le 28 novembre 2003 par Madame la Présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou ;
- Condamne les Syndics Liquidateurs de TAGUI S.A. aux dépens.
PRESIDENT : Maïnassara MAIDAGI.
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