La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2011 | OHADA | N°03

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 31 janvier 2011, 03


L’exception d’irrecevabilité doit être rejetée, dès lors que le demandeur soutient être démontré n’avoir jamais été au pacte d’actionnaires et qu’en outre un examen sommaire dudit pacte d’actionnaires révèle que le demandeur n’en est pas formellement signataire.
Le moyen préliminaire, qui en réalité pose une question de recevabilité, doit être rejeté, dès lors qu’à la date à laquelle l’ordonnance d’exequatur a été rendue, la Cour n’était saisie d’aucun recours en contestation de validité de la sentence pouvant faire obstacle à la délivrance

de l’exequatur.
L’autorité de la chose jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assur...

L’exception d’irrecevabilité doit être rejetée, dès lors que le demandeur soutient être démontré n’avoir jamais été au pacte d’actionnaires et qu’en outre un examen sommaire dudit pacte d’actionnaires révèle que le demandeur n’en est pas formellement signataire.
Le moyen préliminaire, qui en réalité pose une question de recevabilité, doit être rejeté, dès lors qu’à la date à laquelle l’ordonnance d’exequatur a été rendue, la Cour n’était saisie d’aucun recours en contestation de validité de la sentence pouvant faire obstacle à la délivrance de l’exequatur.
L’autorité de la chose jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assure la sécurité juridique d’une situation acquise, participant de l’ordre public international au sens des articles 29.2 et 30.6-4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, s’oppose à ce que l’arbitre statue dans la même cause opposant les mêmes parties.
Par conséquent, la sentence du tribunal arbitral doit être annulée, dès lors qu’en statuant à nouveau sur la demande de cession forcée des mêmes actions, elle porte atteinte à l’ordre public international.
La requête en opposition à l’exequatur de la sentence arbitral est sans objet, dès lors que ladite sentence a été annulée pour atteinte à l’ordre public international.
C.C.J.A. 1ère Chambre, Arrêt n° 03, Assemblée plénière du 31 janvier 2011, Affaire : Société PLANOR AFRIQUE sa c/ Société ATLANTIQUE TELECOM sa.- Le Juris- Ohada n° 2 / 2011, Avril – Juin 2011, pg 8.- Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 16, p. 58.
LA COUR
Sur le recours en contestation de validité de sentence arbitrale et la requête en opposition à exequatur enregistrés au greffe de la Cour de céans le 09 septembre 2009 respectivement sous les numéros 091/2009/PC et 092/2009/PC et formés par le SCP HOEGAH & ETTE, Maîtres Alain FENEON et ALI NEYA, Avocats à la Cour, au nom et pour le compte de la Société PLANOR AFRIQUE, Société anonyme dont le siège est au 472 Avenue du Docteur Kwame N’Krumah, 01 BP 1871 OUAGADOUGOU (Burkina Faso), dans la cause l’opposant à la

Société ATLANTIQUE TELECOM sa ayant pour Conseils Maîtres Barthélemy KERE, Moumouny KOPIHO et la SCPA ALPHA 2000, Avocats associés demeurant Immeuble ALPHA 2000, Avenue Chardy, Plateau, 01 BP 122 Abidjan 01,
D’une part, en contestation de validité de la sentence rendue le 05 août 2009 par le tribunal arbitral constitué dans l’affaire sus référencée et dont le dispositif est le suivant :
« 1- Donne acte à la société PLANOR AFRIQUE sa de son observation sur le caractère tardif de la demande incidente formulée par ATLANTIQUE TELECOM sa ;
2- Se déclare incompétent pour constater que PLANOR AFRIQUE doit à la société ATLANTIQUE TELECOM sa, la somme de F.CFA 450.000.000, représentant le reliquat du prix de cession des actions cédées à PLANOR AFRIQUE sa et pour connaître de la demande de résolution de la convention de cession du 26 août 2004 ;
3- Rejette les exceptions d’incompétence, de litispendance, de connexité, de même que la fin de non recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevées par PLANOR AFRIQUE sa ;
4- Rejette la demande d’exclusion pure et simple de la société PLANOR AFRIQUE sa du capital de la société TELECEL FASO sa, formulée par ATLANTIQUE TELECOM sa ;
5- Rejette la demande de rachat forcé des actions de la société PLANOR AFRIQUE sa au profit de la société ATLANTIQUE TELECOM sa ;
6- Rejette la demande d’exclusion de la société ATLANTIQUE TELECOM sa du capital social de la société TELECEL FASO sa, formulée par la société PLANOR AFRIQUE sa ;
7- Rejette la demande de cession forcée au profit de la société PLANOR AFRIQUE sa, des actions détenues par la société ATLANTIQUE TELECOM sa, dans le capital de la société TELECEL FASO sa ;
8- Dit que chacune des parties supportera ses propres frais exposés pour la défense de ses intérêts ;
9- Dit que les frais et honoraires d’arbitrage seront supportés par moitié par chacune des parties ;
10- Liquide les frais et honoraires d’arbitrage à la somme de F.CFA 113.405.000 ;
11- Rejette toutes les autres demandes et prétentions des parties » ;
Et d’autre part, en opposition à exequatur de ladite sentence ;
Sur le rapport de Monsieur le Second Vice-Président Ndongo FALL :
Vu les dispositions des articles 21 et 25 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 11 mars 1999 ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de ladite Cour ;
Sur la jonction des procédures
Attendu qu’eu égard au lien étroit de connexité des procédures en contestation de validité et de l’opposition à exequatur de la même sentence, il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, d’en ordonner la jonction pour être statué par une seule et même décision ;

Sur la recevabilité du recours en contestation de validité de la sentence
Attendu que dans son mémoire en date du 7 décembre 2009 enregistré à la Cour le même jour, la société ATLANTIQUE TELECOM sa conclut à l’irrecevabilité du recours en contestation de validité au motif que conformément à l’article 29.2 du Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, les parties ont renoncé à cette voie de recours en stipulant à l’article 17.2 in fine du « Pacte d’actionnaires » que « chacune des parties renonce irrévocablement à toute objection qu’elle pourrait avoir ce jour ou par la suite, pour toute procédure intentée devant la Cour, étant convenu que le Pacte pourra faire l’objet d’une demande d’exécution forcée devant le tribunal compétent » ;
Mais attendu que la société PLANOR AFRIQUE sa soutient sans être démentie dans ses différentes écritures n’avoir jamais été partie à ce pacte d’actionnaires signé le 28 août 2004 entre les sociétés ATLANTIQUE TELECOM, WAGF et SOYAF COMMUNICATION alors seules actionnaires de la Société TELECEL FASO dans le capital duquel elle-même n’est entrée qu’en août 2004 ;
Attendu qu’en outre, un examen sommaire dudit pacte d’actionnaires révèle que la société PLANOR AFRIQUE n’en est pas formellement signataire pour que cette référence puisse justifier à elle seule l’irrecevabilité du recours en contestation de validité ;
Qu’il échet en conséquence, de rejeter cette exception d’irrecevabilité ;
Sur le point intitulé « moyen préliminaire » développé par la partie recourante
Attendu que dans son recours en opposition à exequatur, la société PLANOR AFRIQUE, par un moyen dit préliminaire qui pose en réalité une question de recevabilité, estime que la sentence arbitrale ayant été rendue le 05 août 2009, l’ordonnance d’exequatur en date du 19 août 2009 du président de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a été prise en violation de l’article 29.3 du Règlement d’Arbitrage de ladite Cour en ce qu’elle « prive la société PLANOR AFRIQUE sa de son droit légitime et fondamental d’introduire son recours en contestation de validité contre la sentence du 05 août aussi longtemps que [cette] ordonnance… est maintenue » ;
Mais attendu qu’outre le fait qu’une telle ordonnance ne peut avoir pour effet de priver la société PLANOR AFRIQUE SA de son droit au recours en contestation de validité qui est d’ailleurs l’objet principal de la présente procédure, l’article 30 du Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne prévoit aucun délai pour délivrer l’ordonnance d’exequatur, la seule prescription relative au lien entre les procédures d’exequatur et d’examen de la validité de la sentence résulte de l’article 30.3 qui dispose que « l’exequatur n’est pas accordé si la Cour est déjà saisie, pour la même sentence, d’une requête [en contestation de validité] formée en application de l’article 29 [du Règlement d’Arbitrage] » ;
Attendu qu’à la date à laquelle l’ordonnance d’exequatur a été rendue, la Cour n’étant saisie d’aucun recours en contestation de validité de la sentence pouvant faire obstacle à la délivrance de l’exequatur, il y a lieu de rejeter ledit moyen ;
Sur les faits et la procédure
Attendu selon la sentence attaquée que le litige soumis au tribunal a pour objet principal de déterminer qui, de la société ATLANTIQUE TELECOM sa ou de la société PLANOR AFRIQUE sa, toutes deux actionnaires de la société TELECEL FASO sa, peut exclure l’autre par la cession forcée des actions détenues dans le capital de cette dernière société qui a été créée initialement suivant un « Pacte d’actionnaires » signé le 10 février 2004 entre les

sociétés SOYAF COMMUNICATION Sa, WEST AFRICA GROUTH FUND (WAGF) et ATLANTIQUE TELECOM qui a par la suite cédé une partie de ses actions à la société PLANOR AFRIQUE par convention comportant une clause attributive de compétence au Tribunal de Première Instance de Ouagadougou pour le règlement de tout différend né à l’occasion de son exécution ou de son interprétation alors que le « Pacte » liant les trois premiers actionnaires comportait une clause compromissoire prévoyant le recours à l’arbitrage de la CCJA pour la résolution de tout différend relatif au pacte qui surviendrait entre eux ; que postérieurement à la cession d’actions, ATLANTIQUE TELECOM et PLANOR AFRIQUE ont signé une convention dite « ACCORD GROUPE ATLANTIQUE et PLANOR AFRIQUE SUR LE CONTENU DES MISSIONS DE CONTROLE A TELECEL FASO A INTEGRER AU PACTE D’ACTIONNAIRES SIGNE ENTRE ATLANTIQUE TELECOM et WAGF le 10 février 2004 » ; qu’après plusieurs procédures devant les juridictions nationales burkinabé, suite à une mésentente entre PLANOR AFRIQUE et ATLANTIQUE TELECOM, relatives à la nomination d’un administrateur provisoire de la société TELECEL FASO, à l’annulation d’une augmentation du capital de celle-ci ou à la cession forcée des actions détenues par ATLANTIQUE TELECOM au profit de PLANOR AFRIQUE, cette dernière a introduit le 25 août 2008 une demande d’arbitrage ayant abouti à la sentence dont la validité est contestée ;
Sur le bien-fondé du recours en contestation de validité
Attendu que PLANOR AFRIQUE fait grief à la sentence, dans la première branche du quatrième moyen de son recours, d’être contraire à l’ordre public international en exposant à l’appui de ce grief l’incompatibilité de la sentence avec notamment une décision rendue dans la même cause par la Cour d’appel de Ouagadougou par arrêt en date du 19 juin 2009 et qui a acquis l’autorité de la chose jugée et est donc irrévocable faute d’exercice d’une voie de recours;
Attendu qu’en tout état de cause, même si cet arrêt a effectivement fait l’objet d’un pourvoi en cassation comme l’a fait remarquer à juste raison la défenderesse à la présente, il n’en demeurait pas moins au moment du prononcé de la sentence une décision définitive bénéficiant de l’autorité et de la force de chose jugée aussi longtemps qu’il n’est pas annulé ; qu’il s’y ajoute que le pourvoi en cassation qui a été formé contre ledit arrêt devant la Cour de céans a d’ailleurs fait l’objet d’une décision de rejet par arrêt numéro 041/2010 en date du 10 juin 2010 qui lui confère l’irrévocabilité ;
Attendu que l’autorité de la chose jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assure la sécurité juridique d’une situation acquise, participant de l’ordre public international au sens des articles 29.2 et 30.6-4. du Règlement d’arbitrage de la CCJA, s’oppose à ce que l’arbitre statue dans la même cause opposant les mêmes parties ;
Qu’en conséquence, en statuant à nouveau sur la demande de cession forcée des mêmes actions, la sentence du tribunal arbitral, qui porte ainsi atteinte à l’ordre public international, doit être annulée ;
Sur la requête en opposition à exequatur
Attendu que la sentence arbitrale rendue le 05 août 2009 ayant été annulée pour les motifs sus énoncés, il y a lieu de déclarer la requête en opposition à son exequatur sans objet ;
Sur les dépens
Attendu qu’il y a lieu de condamner ATLANTIQUE TELECOM sa aux dépens ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré,
- Ordonne la jonction des procédures ;
- Déclare recevable le recours en contestation de validité de la sentence formé par la Société PLANOR AFRIQUE ;
- Annule ladite sentence ;
- Déclare sans objet la requête en opposition à exequatur ;
- Condamne ATLANTIQUE TELECOM sa aux dépens.
PRESIDENT : M. Antoine Joachim OLIVEIRA.
__________


Synthèse
Numéro d'arrêt : 03
Date de la décision : 31/01/2011

Analyses

ARBITRAGE - RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITÉ - DEMANDEUR N'ÉTANT PAS PARTIE AU PACTE D'ACTIONNAIRES ET N'ÉTANT PAS FORMELLEMENT SIGNATAIRE DUDIT PACTE - REJET DE L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (OUI) ARBITRAGE - SENTENCE - SENTENCE PRONONCÉE AU MOMENT OU UNE DÉCISION BÉNÉFICIAIT DE L'AUTORITÉ ET DE LA FORCE DE CHOSE JUGÉE - PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA JUSTICE PARTICIPANT DE L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL ET S'OPPOSANT À CE QUE L'ARBITRE STATUE DANS LA MÊME CAUSE OPPOSANT LES MÊMES PARTIES - SENTENCE STATUANT À NOUVEAU SUR LA DEMANDE DE CESSION FORCÉE DES MÊMES ACTIONS - ATTEINTE À L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL (OUI) - ANNULATION ARBITRAGE - SENTENCE - ANNULATION - OPPOSITION À EXEQUATUR - REQUÊTE SANS OBJET (OUI)


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2011-01-31;03 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award