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31/01/2011 | OHADA | N°01

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 31 janvier 2011, 01


En prescrivant indistinctement et sans restriction d’aucune sorte que « toute partie » peut demander l’interprétation du dispositif d’un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé, l’article 48 du Règlement de procédure a ainsi donné la possibilité aux parties figurant dans l’instance antérieure ayant abouti à l’arrêt, objet du recours, tant en qualité de demanderesse que de défenderesse, de demander l’interprétation dudit arrêt selon les modalités et conditions fixées par ledit article.
Par conséquent, il y a lieu de déclarer recevable en la forme l

e recours en interprétation et de rejeter l’exception d’irrecevabilité dudit recours...

En prescrivant indistinctement et sans restriction d’aucune sorte que « toute partie » peut demander l’interprétation du dispositif d’un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé, l’article 48 du Règlement de procédure a ainsi donné la possibilité aux parties figurant dans l’instance antérieure ayant abouti à l’arrêt, objet du recours, tant en qualité de demanderesse que de défenderesse, de demander l’interprétation dudit arrêt selon les modalités et conditions fixées par ledit article.
Par conséquent, il y a lieu de déclarer recevable en la forme le recours en interprétation et de rejeter l’exception d’irrecevabilité dudit recours.
Il y a lieu de déclarer le recours en interprétation non fondé et de le rejeter, dès lors que l’arrêt dont l’interprétation est demandée, procède d’une saine application aux faits de la cause des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, et que les juridictions nationales sénégalaises ont statué sur les mêmes faits entre les mêmes parties.
C.C.J.A. 1ère Chambre, Arrêt n° 01, Assemblée plénière du 31 janvier 2011 - Affaire : 1) Société Sénégalaise de Matériel Electrique et de Téléphone dite SENEMATEL S.A ; 2) Monsieur N. ; 3) Société BERNABE SENEGAL c/ 1) Société Civile Immobilière DAKAR INVEST dite SCI DAKAR INVEST ; 2) Société Civile Immobilière DAKAR Centenaire dite SCI DAKAR Centenaire. Le Juris Ohada n° 2 / 2011, Avril – Juin 2011, pg 2.- Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 16, p. 10.
LA COUR,
Sur le recours enregistré le 20 août 2009 au greffe de la Cour de céans sous le n°076/2009/PC et formé par Maîtres Alioune CISSE et Biram SASSOUM Sy, Avocats à la Cour, demeurant à Dakar, respectivement au 92, Avenue Georges Pompidou et au 152, Avenue Président Lamine GUEYE, agissant au nom et pour le compte de la Société Sénégalaise de Matériel Electrique et de Téléphone dite SENEMATEL sise à Dakar, Km 3, Route de Rufisque et de Monsieur N, Administrateur de Société, ès nom et ès qualité, demeurant à Dakar, 49, Avenue Président Lamine GUEYE, auquel recours s’est joint Maître Moustapha NDOYE, Avocat à la Cour, demeurant à Dakar, 2, Place de l’Indépendance, Immeuble SDIH, et concluant au nom et pour le compte de la Société BERNABE SENEGAL S.A sise Km 2,5 Boulevard du Centenaire à Dakar,
en interprétation de l’Arrêt n°027/2007 rendu le 19 juillet 2007 par la Cour de céans et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

- Se déclare compétente ;
- Casse l’Arrêt n°187 rendu le 03 avril 2003 par la Cour d’appel de Dakar ;
Evoquant,
- Annule le Jugement n°715 rendu le 11 avril 2001 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;
- Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ;
- Dit que chaque partie supporte ses propres dépens. » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours les motifs d’interprétation tels qu’ils figurent dans leurs requêtes annexées au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, notamment en son article 48 ;
Attendu que par « requête aux fins de recours en interprétation de l’Arrêt rendu sous le numéro 027/2007 le 19 juillet 2007 par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) » reçue à ladite Cour le 20 aout 2009, la Société Sénégalaise de Matériel Electrique et de Téléphone dite SENEMATEL S.A, prise en la personne de son représentant légal et Monsieur N, Administrateur de sociétés ès nom et ès qualité, sous la plume de leurs conseils communs Maîtres Alioune CISSE et Biram SASSOUM SY, Avocats à Dakar, ont demandé à la Cour de céans d’interpréter l’arrêt susvisé ; qu’après avoir reproduit les motifs dudit arrêt ayant abouti à son dispositif et noté « la pertinence » de ceux-ci, les demandeurs en interprétation font toutefois état de ce que « le sens et la portée dudit arrêt ne font pas l’unanimité entre les parties, ni entre les Juges appelés à trancher leur différend au Sénégal » et, ce, en relevant et en relatant « les faits et procédures postérieurs » de leur recours en interprétation ; que de cette relation des faits et procédures postérieurs, il ressort, selon les requérants que, la Société BERNABE SENEGAL a saisi, non pas le Juge commissaire, mais la formation collégiale du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar pour entendre ordonner la vente à forfait des actifs de la SENEMATEL et l’annulation des ordonnances des 23 juin, 13 et 19 octobre 2000 qui lui avaient refusé le bénéfice de la cession des actifs de SENEMATEL au profit des SCI DAKAR Centenaire et Dakar Invest, bien moins offrants sur le plan financier ; que faisant droit à l’action de la demanderesse, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a constaté la nullité desdites ordonnances en ce qu’elles sont contraires à l’arrêt de la CCJA, avant d’ordonner le traitement à forfait des actifs déjà cédés aux SCI DAKAR Centenaire et Dakar Invest ; que c’est ce qui résulte du Jugement n°835 bis du 18 avril 2008 faisant application du droit interne antérieur conformément à l’Arrêt CCJA du 19 juillet 2007 ; que des appels séparés ayant été initiés contre ledit jugement, la Cour d’appel de Dakar statuant sur l’un des appels, et par arrêt du 15 juillet 2008, a infirmé le jugement précité entrepris en ce qu’il aurait, à tort, interprété l’arrêt de la CCJA pour en tirer une compétence supposée pouvant lui permettre d’annuler les ordonnances de 2000 que la Cour d’appel considère comme définitives et « inattaquables » faute de recours approprié dans les délais légaux ; que, toutefois, ladite Cour d’appel qui n’a pas encore statué sur l’appel du requérant est doublement saisie par ce dernier qui a formé tierce opposition contre son arrêt du 15 juillet 2008 en vue de sa rétractation en tant que ledit arrêt est contraire à celui de la CCJA du 19 juillet 2007 et en ce qu’il vise les articles 1015 et 1030 du Code des Obligations Civiles et Commerciales qu’il viole, même si, in fine, un des

points du dispositif dudit Arrêt déclare ladite Cour « incompétente pour le surplus » ; que c’est donc dans « ce contexte conflictuel » que les requérants déclarent solliciter l’interprétation de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sur le sens et la portée de son Arrêt du 19 juillet 2007, « dont l’autorité absolue est susceptible d’atteindre toutes décisions qui lui sont contraires » ; que c’est ainsi que les requérants énoncent les moyens du recours en interprétation et, sur la recevabilité du recours, invoquent à cet égard l’article 48 du Règlement de procédure de la CCJA dont, selon eux, toutes les prescriptions, en ce qui les concerne, sont remplies notamment : la qualité de parties à l’instance, le fait que leur requête ait été initiée avant l’expiration du délai d’action fixé à trois ans après le prononcé de l’arrêt CCJA du 19 juillet 2007 et surtout le fait qu’ « il ne peut être nié que les parties ne s’entendent pas sur la portée [dudit arrêt], les unes voulant qu’elle touche les ordonnances antérieures de 2000 prises à tort en application des articles 159, 160, 161 et 162 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, alors que les autres considèrent que lesdites ordonnances sont hors d’atteinte de l’arrêt de la CCJA qui n’a pu annuler que les décisions soumises à son examen » ; que, sur le bien fondé dudit recours, les requérants estiment que « s’il n’y a point de contestation sur la compétence de la CCJA tirée notamment des articles 13 et 14 du Traité de l’OHADA, s’il n’en existe plus sur la non rétroactivité de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, s’il n’y a point de difficulté en ce qui concerne la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar du 03 avril 2003 et sur l’annulation du Jugement n°715 du 11 avril 2001, la divergence de vue qui oppose les parties et s’étend aux juridictions saisies réside dans l’étendue ou le champ de la sanction de la CCJA appliquée à l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000 fondé sur l’article 25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, aux ordonnances du Juge commissaire précitées et à l’acte de vente du 24 août 2000 pour violation des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ; autrement posée, la question est de savoir, après l’arrêt de la CCJA et face à la nécessité pour les parties de « se pourvoir ainsi qu’elles aviseront », si l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000 de la Cour d’appel de Dakar et les ordonnances prises par les juges commissaires les 23 juin, 13 octobre et 19 octobre 2000 en vertu des articles 225, 159, 160, 161 et 162 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collective d’apurement du passif, comme l’acte du 24 août 2000 portant cession globale des actifs de la Société requérante, échappent à la censure de la CCJA au point d’empêcher, comme une chape de plomb, le traitement de toute la liquidation des biens de la SENEMATEL sur la base exclusive des textes de droit interne existant avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sus indiqué, pour reprendre les termes de l’arrêt de la CCJA ; en l’espèce, les SCI Dakar Centenaire et SCI Dakar Invest qui ont acquis les actifs meubles et immeubles de la SENEMATEL sur la base des dispositions précitées de l’ l’Acte uniforme portant organisation des procédures collective d’apurement du passif, disent « niet » à l’application des dispositions du Code des Obligations Civiles et Commerciales pour la reprise de la vente desdits biens, pendant que la société BERNABE SENEGAL, créancière inscrite et les requérants prêchent pour l’éradication des décisions « intruses », suivie de la réintégration des actifs cédés à tort en vertu desdites décisions, ce qui permettra la mise en œuvre des dispositions pertinentes du droit interne existant à la date de l’ouverture de la procédure, c'est-à-dire le code des obligations civiles et commerciales du SENEGAL pris en ses articles 1011 à 1015 et suivants notamment ; au niveau des juridictions sénégalaises, la divergence de vues se cristallise en opposant le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, dont le jugement du 18 avril 2008 a autorisé le traitement à forfait des actifs cédés à tort, à la Cour d’appel qui a infirmé ledit jugement déclaratif au visa de l’article 225 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et retenu que c’est à tort que les premiers juges ont annulé les ordonnances des 23

juin, 13 et 19 octobre 2000 devenues définitives et inattaquables (voir qualité, motifs et dispositif de l’arrêt du 15 juillet 2008) ; c’est ici le lieu de rappeler les dispositions souvent perdues de vue de l’article 14-3ème alinéa du Traité de l’OHADA selon lequel « elle [la CCJA] se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toutes juridictions des Etats parties dans les mêmes contentieux » ; Or en l’espèce, le contentieux né de l’opposition des parties et des juridictions saisies, porte sur la survie de l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000, et celle de l’acte de cession globale et des ordonnances rendues en application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif pris en ses articles 225, 159, 160, 161 et 162 lesquelles décisions sont insusceptibles d’appel selon l’article 40 du même Acte uniforme, qui ne vise que l’opposition qui peut être formée devant le tribunal dans les délais requis ; il s’ensuit que la CCJA peut bien connaître desdites décisions en faisant application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, pour anéantir notamment l’arrêt du 13 janvier 2000, les ordonnances des juges commissaires, alors même et surtout parce que les oppositions déjà portées devant le Tribunal ne peuvent plus être reprises après l’annulation du Jugement n°715 du 11 avril 2001 par la CCJA ; que les dispositions pertinentes de l’article 20 du Traité de l’OHADA qui précisent que « les arrêts de la Cour Commune de justice et d’Arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie » ; il s’ensuit que la force supérieure de l’Arrêt du 19 juillet 2007 de la CCJA ne doit être entravée par aucune décision rendue au SENEGAL ; fut-elle celle de la Cour d’appel de Dakar statuant en dernier ressort, comme c’est le cas de l’arrêt du 15 juillet 2008 infirmant le jugement du 18 avril 2008 du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, décision à tous égards conforme audit arrêt de la CCJA du 19 juillet 2007 ; qu’il résulte amplement de ce qui précède que, même par voie incidente, la Cour peut et doit interpréter son arrêt pour édifier les parties et les juridictions sénégalaises sur la question de savoir si le sens et la portée de l’arrêt du 19 juillet 2007 entraînent ou non l’anéantissement de toutes décisions contraires comme l’arrêt du 13 janvier 2000 et les ordonnances des 23 juin et 13 et 19 octobre 2000, l’acte de cession globale du 24 août 2000 qui, à la manière des décisions annulées par ledit arrêt de la CCJA du 19 juillet 2007, violent les articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif qu’elles ont fait rétroagir sur une liquidation de biens ouverte avant l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme » ; que les requérants demandent par suite, en la forme, de :
« - Déclarer recevable la présente requête aux fins d’interprétation de l’Arrêt du 19 juillet 2007 de la CCJA au regard de l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000, des ordonnances du juge commissaires des 23 juin, et 13 et 19 octobre 2000 et enfin de l’acte de cession du 24 août 2000 ; au fond, constater l’opposition des parties et celle des juridictions nationales saisies sur le sens et la portée de l’arrêt du 19 juillet 2007 ;
- Constater que l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar n°187 du 03 avril 2003 ainsi que le jugement n°715 du 11 avril 2001 rendu par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ont été cassés et annulés pour avoir violé les articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
- Constater que l’arrêt du 13 janvier 2000, et les ordonnances des juges commissaires du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar violent les dispositions des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;

- Constater que l’acte de vente notarié du 24 août 2000 pris en application des articles 133, 159 et 163 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif viole les articles 257 et 258 dudit Acte uniforme ;
- Dire et juger que les annulations qui frappent l’arrêt et le jugement visés dans l’arrêt de la CCJA du 19 juillet 2007 s’étendent à l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000 et aux ordonnances des 23 juin 13 janvier 2000 du juge commissaire et à l’acte de vente du 24 août 2000 pour les mêmes griefs de violation des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
- Dire et juger que les parties sont renvoyées à se pourvoir comme elles aviseront en application et dans l’ordre de citation des dispositions des textes de droit interne existant avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sus indiqué en l’occurrence les dispositions du COCC du Sénégal relatives aux procédures collectives ;
- Statuer ce que de droit sur la charge des dépens par application des dispositions de l’article 43 du Règlement de procédure de la Cour de céans » ;
Attendu que la Société BERNABE SENEGAL, qui était partie à l’instance principale antérieure, ayant reçu du greffe de la Cour de céans signification de la requête en interprétation des parties demanderesses sus indiquées, a transmis à ladite Cour, sous la plume de son conseil Maître Moustapha NDOYE, Avocat à la Cour, un « mémoire en réponse » reçu le 11 décembre 2009 dans lequel elle fait notamment état de la saisine des juridictions sénégalaises (Tribunal Régional Hors Classe et Cour d’appel de Dakar) à la suite du prononcé de l’arrêt du 19 juillet 2007 de la Cour de céans et qui ont respectivement prononcé le Jugement n°835 bis en date du 18 avril 2008 et l’Arrêt n°614 en date du 15 juillet 2008, objet d’un pourvoi en cassation en instance devant la Cour Suprême du SENEGAL ; que celle-ci en principe devant statuer le 02 décembre 2009, la Société BERNABE SENEGAL S.A lui a demandé « d’ordonner le sursis à statuer » afin de permettre à la CCJA « présentement saisie par une autre partie » de « se prononcer sur le sens et la portée de son arrêt », ce qui, selon la requérante, serait de nature à révéler la mauvaise interprétation ou compréhension de l’arrêt de la CCJA par l’arrêt n°614 du 15 juillet 2008 de la Cour d’appel de Dakar qui a, à tort, limité le sens et la portée dudit arrêt/CCJA en estimant notamment que l’Ordonnance de cession n°749/2000 du 23 juin 2000 n’était pas visée par ledit arrêt/CCJA, n’était pas frappée de recours et était définitive alors que, selon cette requérante, l’arrêt/CCJA n’était pas limitatif au seul jugement qu’il a expressément sanctionné- à savoir le Jugement n°715 du 11 avril 2001-, mais sanctionnait également de nullité « toute décision prise par le premier juge dans le cadre de l’apurement du passif de la SENEMATEL sur le fondement de l’Acte uniforme qu’elle [la CCJA] a déclaré inapplicable à la liquidation des biens de la SENEMATEL… », y compris par conséquent, l’Ordonnance n°749/2000 du 23 juin 2000 ; que la Société BERNABE SENEGAL demande par suite de :
« - Déclarer la requête aux fins d’interprétation de l’Arrêt n°27/2007 du 19 juillet 2007 de la CCJA recevable en la forme pour avoir été introduite par une partie à l’instance où les contestations sur le sens et la portée [dudit arrêt] ont été soulevées ;
Vu le jugement rendu par la juridiction nationale notamment le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar le 18 avril 2008 faisant une correcte application de l’Arrêt n°027/2007 du 19 juillet 2007 ;
- Décider que par le motif évoqué pour annuler le jugement n°715 rendu le 11 avril 2001 par le premier juge, toute décision rendue par le premier juge ou le Tribunal faisant application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif est nulle, de nullité absolue, laquelle ne peut produire d’effet ni être déclarée définitive. » ;

Attendu que par « mémoire en défense » reçu à la Cour de céans le 30 novembre 2009, la Société Civile Immobilière Dakar Invest et la Société Civile Immobilière Dakar Centenaire, sous la plume de leurs conseils Maître GUEDEL NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour, à Dakar, concluent d’abord à l’irrecevabilité de l’action des requérants aux motifs que « s’il est vrai que la SENEMATEL était partie à ladite procédure, il est par contre évident que le sieur N, ès nom, n’a jamais été partie à l’une quelconque des étapes de ladite procédure. Son action est donc irrecevable en tant qu’elle est diligentée ès nom. Elle est également irrecevable en tant qu’elle est diligentée ès qualité, dès lors que la requête n’indique point en quelle qualité il prétend agir : s’il agit ès qualité de Directeur Général de la SENEMATEL, comme le laisse supposer le pouvoir spécial du 13 août 2009 versé aux débats, l’action n’en est pas moins irrecevable, parce qu’il ne peut plus représenter la SENEMATEL qui est en liquidation des biens, et ce, aux termes de l’ancien article 942 du Code des Obligations Civiles et Commerciales du SENEGAL déclaré applicable à la liquidations des biens de la SENEMATEL, par l’arrêt de la Cour de céans du 19 juillet 2007 ; s’il agit ès qualité d’ex dirigeant ou d’ex président du Conseil d’Administration de la SENEMATEL (qualité résultant pour lui de l’Arrêt du 19 juillet 2007), son action en est tout aussi irrecevable, pour les mêmes motifs tirés de la mise en œuvre de l’article 942 susvisé, encore et surtout qu’il n’est versé aux débats aucun pouvoir spécial donné en cette qualité pour diligenter la présente procédure. L’action est donc irrecevable en tant qu’elle est diligentée par le sieur N, qu’il dise agir ès non ou ès qualité et ce, quelle que soit la qualité en laquelle il prétend agir, dès lors qu’il ne peut plus, en quelque qualité qu’il agisse, représenter la SENEMATEL en liquidation des biens. De même manière et pour les mêmes raisons, l’action introduite par la SENEMATEL est également irrecevable, pour ne l’avoir pas été par son représentant légal, inversement à ce qui en est dit, le seul représentant légal de la SENEMATEL, société en liquidation des biens, étant son syndic, en application des dispositions de l’article 942 susvisé du COCC. Or, le supposé « représentant légal » de la SENEMATEL qui a introduit la présente action n’est pas son syndic et il n’est produit aucun pouvoir spécial qu’il aurait donné. C’est plutôt Monsieur N qui a donné un pouvoir spécial pour agir au nom de la SENEMATEL, en sa prétendue qualité de Directeur général. N’ayant plus cette qualité et n’étant en tout état de cause pas le représentant légal de la SENEMATEL, il ne peut la représenter en justice et ne peut donner en son nom, le pouvoir spécial sans lequel toute action introduite devant la Cour de céans est irrecevable. En conséquence de ce qui précède, il plaira à la Cour de céans déclarer l’action irrecevable » ; que sur la demande en interprétation proprement dite, les défenderesses estiment qu’elle est mal fondée en ce que « les requérants eux-mêmes admettent que le dispositif de l’arrêt du 19 juillet 2007 est clair et qu’il n’y a, à son propos, point de contestation sur : la compétence de la CCJA, la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar du 03 avril 2003 et l’annulation du Jugement n°715 du 11 avril 2001 du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ; Or, ce sont ces trois points qui font l’intégralité du dispositif de l’arrêt, alors que les demandeurs à l’interprétation eux- mêmes admettent qu’aucun de ces points ne pose de problème du point de vue de son sens ou de sa portée. Ils devraient donc admettre que le dispositif de l’arrêt est clair et ne nécessite aucune interprétation ; que sur la partie du dispositif de l’arrêt par laquelle la CCJA renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, elle ne peut justifier une demande d’interprétation, dès lors qu’elle signifie clairement qu’il appartient aux parties d’entreprendre les actions qu’elles jugent utiles, sans qu’il soit du ressort de la Cour de les leur indiquer. Or, c’est justement parce qu’il n’est pas de son ressort d’indiquer aux parties les actions qu’elles peuvent ou doivent entreprendre, que la Cour a usé de la formule ci-dessus, laquelle ne peut justifier une demande d’interprétation puisqu’elle n’est qu’une illustration de l’obligation de réserve et de neutralité que s’impose toute juridiction. La demande est donc ou irrecevable ou mal fondée et il plaira à la Cour de céans de la rejeter » ; que les défenderesses estiment par ailleurs que sous

le prétexte d’une demande d’interprétation, les requérants se livrent à une véritable tentative de détournement de procédure en ce qu’ils cherchent, par ce biais, à soumettre à la censure de la Cour de céans d’autres décisions de justice dont la validité n’a jamais été contestée devant elle, notamment l’arrêt confirmatif du 13 janvier 2000 et l’Ordonnance n°749/2000 du 23 juin 2000 du Juge commissaire ; que ces décisions, selon les défenderesses, comme toutes décisions de justice, ne peuvent être attaquées dans leur validité, qu’à travers les voies de recours que la loi a aménagées contre les décisions de justice de leur nature ; qu’il est évident qu’une procédure en interprétation n’est pas une voie de recours ouverte pour connaître de la validité d’une décision de justice, au demeurant, l’alinéa 1er de l’article 48 du Règlement de procédure de la CCJA, ne circonscrivant l’action en interprétation que dans le cas de figure où il y a « contestation sur le sens ou la portée du dispositif d’un arrêt » ; qu’à cet égard, toujours selon les défenderesses, la demande en interprétation est d’autant plus « insensée » que les décisions de justice que les demandeurs cherchent à faire atteindre par l’arrêt de la CCJA lui sont toutes antérieures et si ladite Cour avait entendu les annuler, elle l’aurait expressément dit, comme elle l’a fait pour l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar du 03 avril 2003 et pour le jugement du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar du 11 avril 2001 ; que si elle ne l’a pas dit, c’est parce qu’elle n’a pas entendu les annuler, sachant qu’elle ne le pouvait pas, dès lors qu’elle n’était même pas saisie d’une procédure les concernant ; que les défenderesses énoncent enfin que contrairement à ce que prétendent les requérants, l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar du 15 juillet 2008, pour n’avoir statué ni sur le même objet, ni sur la même cause que l’arrêt de la CCJA du 19 juillet 2007, ne peut lui être contraire, encore qu’une procédure en interprétation du dispositif de cet arrêt ne peut être le cadre processuel adéquat pour censurer l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar du 15 juillet 2008 ; que les défenderesses demandent par suite de « dire et juger que le dispositif de l’arrêt de la CCJA du 19 juillet 2007 est claire, en ce qu’il n’atteint que les décisions de justice qu’il vise expressément, et rejeter en conséquence, comme mal fondée, la demande en interprétation, et condamner les demandeurs à l’interprétation aux entiers dépens dont distraction selon l’usage. » ;
Sur la recevabilité du recours
Vu l’article 48 du Règlement de procédure susvisé de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’aux termes dudit article, « en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d’un arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter. Toute partie peut demander l’interprétation du dispositif d’un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé.
La demande en interprétation est présentée conformément aux dispositions des articles 23 et 27 du présent règlement. Elle spécifie en outre :
a) L’arrêt visé ;
b) Le texte dont l’interprétation est demandée ;
La Cour statue par voie d’arrêt après avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations… » ;
Attendu, en l’espèce, qu’en prescrivant indistinctement et sans restriction d’aucune sorte que « toute partie » peut demander l’interprétation du dispositif d’un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé, l’article 48 sus énoncé du Règlement de procédure susvisé a ainsi donné la possibilité aux parties figurant dans l’instance antérieure ayant abouti à l’arrêt, objet du recours, tant en qualité de demanderesse que de défenderesse, de demander l’interprétation dudit arrêt selon les modalités et conditions fixées par ledit article ; que la SENEMATEL et

Monsieur N., d’une part, et la Société BERNABE SENEGAL S.A, d’autre part, remplissant ces conditions, il échet de déclarer recevable en la forme leur recours en interprétation et de rejeter par voie de conséquence l’exception d’irrecevabilité dudit recours soulevée par les sociétés SCI Dakar Invest et SCI Dakar Centenaire, parties défenderesses en la cause ;
Sur le bien-fondé du recours
Attendu qu’il est de principe qu’un recours en interprétation ne peut être fondé que si l’arrêt dont l’interprétation est demandée présente quelque obscurité ou ambiguïté dans son dispositif ;
Attendu, en l’espèce, qu’en statuant comme il l’a fait, l’Arrêt n°27/2007 du 19 juillet 2007 de la Cour de céans a strictement appliqué aux faits de la cause, en raison même de leur configuration et de leur trame juridique, les dispositions impératives des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ; que le bien fondé et la pertinence de cette application ayant d’ailleurs été admis par toutes les parties litigantes, dès lors, la saisine postérieure par celles-ci, après le prononcé de l’arrêt susvisé, des juridictions nationales compétentes, en l’occurrence, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, la Cour d’appel de Dakar et la Cour Suprême du SENEGAL, lesquels ont respectivement et successivement vidé leur saisine par Jugement n°835 bis du 18 avril 2008 et par Arrêts n°s 614 du 15 juillet 2008 et 66 du 02 décembre 2009, et l’application par ces juridictions du droit interne en vigueur avant l’avènement de l’Acte uniforme précité, relèvent des seules appréciation et responsabilité desdites juridictions dont les divergences ou contradictions juridiques excipées par les requérants dans leur recours en interprétation et sur lesquelles ils consultent la Cour de céans, ne sauraient ni concerner, ni engager celle-ci ; qu’il suit que l’arrêt dont l’interprétation est demandée procédant d’une saine application aux faits de la cause des articles 257 et 258 de l’Acte uniforme précité, et les juridictions nationales sénégalaises ayant déjà statué sur les mêmes faits entre les mêmes parties, il échet en conséquence de déclarer ledit recours en interprétation non fondé et de le rejeter ;
Attendu que la SENEMATEL, Monsieur N. et la Société BERNABE SENEGAL ayant succombé doivent être condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
EN LA FORME :
- Déclare recevable le recours en interprétation introduit par la Société Sénégalaise de Matériel Electrique et de Téléphone dite SENEMATEL S.A, Monsieur N. et la Société BERNABE SENEGAL ;
AU FOND :
- Le déclare non fondé et le rejette ;
- Condamne les requérants susnommés aux dépens.
PRESIDENT : M. Antoine Joachim OLIVEIRA.
__________


Synthèse
Numéro d'arrêt : 01
Date de la décision : 31/01/2011

Analyses

PROCÉDURE - RECOURS EN INTERPRÉTATION - DEMANDE - PARTIE SUSCEPTIBLE DE FAIRE LA DEMANDE - PARTIES FIGURANT DANS L'INSTANCE AYANT ABOUTI À L'ARRÊT, OBJET DU RECOURS (OUI) - RECEVABILITÉ PROCÉDURE - RECOURS EN RÉTRACTATION - ARRÊT - PROCÉDANT D'UNE SAINE APPLICATION AUX FAITS DE LA CAUSE - JURIDICTIONS NATIONALES AYANT DÉJÀ STATUE SUR LES MÊMES FAITS ENTRE LES MÊMES PARTIES - RECOURS FONDE (NON) - REJET


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2011-01-31;01 ?
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