- VOIES D’EXECUTION - DIFFICULTES D’EXECUTION - ORDONNANCE – APPEL - LOI APPLICABLE – ARTICLE 49 AUPRVE (OUI) - INOBSERVATION - CASSATION.
La fin de non-recevoir tirée de la violation de l’article 29 du Règlement de Procédure n’est pas fondée et il y a lieu de déclarer recevable le pourvoi, dès lors que le défendeur a été partie devant les juridictions nationales.
La fin de non-recevoir tirée de la violation des articles 908 et 950 de l’AUSC n’est pas fondée et doit être rejetée, dès lors que l’unique sanction prévue par lesdits textes est de réputer non écrites les clauses statutaires contraires.
L’appel est régulier et il doit être déclaré recevable, dès lors qu’il a été fait dans les forme et délai légaux.
Viole l’article 49 de l’Acte portant voies d’exécution et expose son arrêt à la cassation, une Cour d’Appel qui déclare recevable l’appel alors même que l’appelant n’est ni le saisi, ni le saisissant, pour qu’il s’agisse de contestation de saisie-attribution de créance.
ARTICLE 49 AUPSRVE C.C.J.A., 1ère Chambre, Arrêt n° 044 du 1er juillet 2010, Affaire : AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS SARL dite APC c/ 1. CHEVRON TEXACO CAMEROUN SA, anciennement SHELL CAMEROUN SA, 2. TEXACO CAMEROUN SA, 3. CHEVRON TEXACO AFRICA HOLDINGS LIMITED, 4. CHEVRON MIDDLE EAST HOLDINGS LIMITED.- Le Juris-Ohada n° 1 / 2011, Janvier – Février – Mars 2011, pg 8.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans, le 13 août 2007 et formé par Maître Alice NKOM, BP 59 Douala, Maîtres Aurore Eunice NKOM, LOH Patrick NEMBO, LONGA NGALE MONONO, LIFANJE Cosmas MOKI, MBALA MBALA NGOMBA Marcel Sébastien, Olga Mirabelle POKOSSY, Avocats au Barreau du Cameroun, Me Thierry LAURIOL, Avocat au Barreau de Paris et Maître KOUAME-KETE Rosine, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, agissant au nom et pour le compte de AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS SARL dite APC, sise 814, Rue Gallieni, BP 3727 Douala (Cameroun), enregistrée sous le numéro 016024 au RCCM du Tribunal de Première Instance de Douala
(Cameroun), représentée par son gérant statutaire Monsieur EKOLLO MOUNDI Alexandre, dans la cause l’opposant à CHEVRON TEXACO CAMEROUN SA anciennement SHELL CAMEROUN SA, dont le siège social est sis au 31, Rue Prince Bell Bali, BP 4082 Douala, ayant pour Conseil Maître NTAMACK PONDY Irénée Célestin, Avocat au Barreau du Cameroun, y demeurant, 807, Rue Boue De Lapeyrere, BP 8943 Douala (Cameroun), TEXACO CAMEROUN SA, CHEVRON TEXACO AFRICA HOLDINGS L1MITED et CHEVRON MIDDLE EAST HOLDINGS LIMITED,
en cassation de l’Arrêt n° 063/REF rendu le 14 mars 2007 par la Cour d’Appel du Littoral (Cameroun), et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière d’urgence, en appel et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, en formation collégiale et à l’unanimité ;
En la forme :
- Reçoit l’appel ;
Au fond :
- Infirme l’ordonnance entreprise ;
- Constate que la sentence arbitrale du 17 avril 2002 rendue à Londres a été annulée par celle du 18 mars 2004 rendue également à Londres et exequaturée par Jugement n° LM/30/M/03/04 du 30 mars 2004 du Tribunal de Première Instance de Limbé ;
- Constate en conséquence que, la saisie-attribution du 29 mai 2002 n’a plus de fondement ;
- Constate que la saisie-attribution en cause a été entreprise en violation de l’immunité d’exécution dont jouit la SONARA en sa qualité d’établissement public ;
En conséquence,
- Déboute la société AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS (APC) de son action reconventionnelle en paiement des causes de la saisie-attribution susvisée comme non fondée ;
- Annule l’exploit de commandement délivré le 21 août 2002 par Maître Georges NGUEGA, huissier intérimaire à l’Etude de Maître TEKEU Victor ;
- Condamne la société APC (intimée) aux dépens distraits au profit de Maître Irénée Célestin NTAMACK PONDY, Avocat aux affirmations. » ;
La requérante invoque au soutien de son pourvoi, les huit moyens de cassation tels qu’ils figurent au recours en cassation annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président
Ouï Maître NTAMACK PONDY, pour la partie défenderesse, CHEVRON TEXACO anciennement SHELL CAMEROUN SA en ses observations et nul pour la partie demanderesse, APC, non comparante, la procédure orale ayant été autorisée ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, qu’AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS SARL dite APC avait conclu le 20 octobre 1995 avec la Société Nationale de Raffinage du Cameroun dite SONARA, un contrat d’approvisionnement en 800.000 barils de pétrole brut d’origine nigériane ; qu’aux termes des articles 7 et 9 dudit contrat, il s’agissait d’une vente free on board (FoB) payable à crédit et la propriété ainsi que les risques de perte de ce pétrole brut devaient passer du vendeur (APC) à l’acheteur (SONARA) une fois le chargement effectué dans le navire de ce dernier ; que toutefois, la livraison du pétrole par APC ne devait s’effectuer qu’après l’ouverture par la SONARA, d’une lettre de crédit dans les délai et forme prévus à l’article 9 du contrat précité ; que par ailleurs, à l’article 17 dudit contrat, les deux parties contractantes avaient convenu d’une clause compromissoire aux termes de laquelle elles avaient adopté le droit anglais pour régir l’interprétation, la validité et l’exécution du contrat et conclu que tout différend en découlant serait soumis à un tribunal arbitral siégeant à Londres et dont la sentence serait définitive, sans appel et opposable à toutes les parties ; que l’exécution de ce contrat d’approvisionnement donna lieu à un litige qui fut soumis à Londres, à un tribunal arbitral constitué selon le droit anglais de l’arbitrage (Arbitration Act of England 1996) ; que ledit tribunal arbitral se prononça par sentence arbitrale du 17 avril 2002 par laquelle il condamnait la SONARA « à payer à AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS (APC) la somme de 2.600.000 USD » auxquels devaient s’ajouter « des intérêts s’élevant à 124.800 USD » ; que ladite sentence fut exequaturée par Jugement n° HCF/91/M/2001-2002 rendu le 15 mai 2002 par le Président du Tribunal de Grande Instance du Fako ; que le 29 mai 2002, APC pratiqua une saisie-attribution des créances de la SONARA entre les mains de la Société SHELL CAMEROUN, tiers saisi par « procès-verbal de saisie-attribution de créances avec titre du ministère de Maître André NGUESSON, huissier de justice à Douala ; que ladite saisie- attribution de créances fut dénoncée à la requête de APC à la SONARA le 31 mai 2002 à 10 h 20 par le ministère de Maître NGUESSON André, huissier de justice à Douala ; que par Jugement n° HCF/141/OM/2001-2002 du 13 août 2002, le Tribunal de Grande Instance du Fako siégeant à Buea avait, après avoir constaté qu’aucune contestation n’avait été introduite par la SONARA par-devant le Tribunal de Limbé, ordonné à SHELL CAMEROUN de verser à APC le montant total de la saisie ; que le jugement précité du 13 août 2002 fut signifié le 21 août 2002 avec commandement de procéder au transport de fonds par exploit de Maître Georges NGUEGA, huissier de justice intérimaire à l’Etude de Maître TEKEU Victor, huissier de justice, BP 15462 Douala, à la société SHELL CAMEROUN SA qui, dans sa déclaration affirmative du 31 mai 2002, avait reconnu détenir au total 3.238.685.289 FCFA pour le compte de la SONARA et qu’elle bloquait la somme de 2.074.635340 FCFA correspondant aux causes de la saisie ; qu’ayant saisi le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo d’une requête aux fins d’être autorisé à assigner à bref délai devant le juge du contentieux de l’exécution, SHELL CAMEROUN fut autorisé à le faire par Ordonnance n° 2319 prise au pied de ladite requête le 27/08/2002 ; que c’est ainsi que SHELL CAMEROUN avait assigné APC en nullité de commandement et en discontinuation des poursuites par acte d’assignation servi le 27 août 2002 ; que par Ordonnance de référé n° 006 du 1er octobre 2002, le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, tenant audience publique des urgences en matière de contentieux d’exécution avait constaté, au vu de la réponse donnée par lettre du 11 septembre 2002 par TOTAL FINA ELF à la sommation interpellative à lui adressée par APC, que la société SHELL CAMEROUN ne s’était pas libérée des causes de la saisie, comme prétendu entre les mains de TOTAL FINA ELF ; qu’ainsi, ladite ordonnance avait considéré « que le fait pour la société SHELL CAMEROUN de prétendre qu’elle s’est libérée entre les mains de la société TOTAL FINA ELF alors qu’elle ne l’a pas fait, constitue un refus de paiement justifiant la compétence de la juridiction de céans pour la condamner au paiement des causes de la saisie-attribution
pratiquée » ; qu’en conséquence, SHELL CAMEROUN était condamnée « au paiement des fonds entre les mains du saisissant ou de son mandataire spécial, conformément aux dispositions de l’Acte uniforme [n° 6 portant voies d’exécution] précité sous astreinte de 200.000 francs par jour de retard à compter de la signification de la présente décision qui est exécutoire par provision » ; que le 20 novembre 2002, APC pratiqua par procès-verbal de saisie conservatoire de créances du ministère de Maître NGUEGA Georges, huissier de justice à Douala, une saisie conservatoire entre les mains de divers tiers saisis au préjudice de SHELL CAMEROUN pour un montant en principal de 2.074.653.340 FCFA outre les taxes ; que ladite saisie conservatoire fut dénoncée à SHELL CAMEROUN le 21 novembre 2002 par le ministère de Maître NGUEGA Georges, huissier de justice ; que sur requête aux fins de défenses à exécution déposée au Greffe de la Cour d’Appel du Littoral sous le n° 060 du 28 novembre 2002 par Maître NTAMACK PONDY, Avocat au Barreau du Cameroun, agissant au nom et pour le compte de SHELL CAMEROUN, ladite Cour d’Appel du Littoral, statuant en matière de défenses à exécution, rendait l’Arrêt n° 131/DE du 28 février 2003 par lequel elle ordonna les défenses à exécution de l’Ordonnance n° 006 rendue le 1er octobre 2002 par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ; que parallèlement à sa requête aux fins de défenses à exécution sus indiquée, SHELL CAMEROUN avait, par requête d’appel n° 210 reçue au Greffe le 20 novembre 2002 et adressée à Monsieur le Président de la Cour d’Appel du Littoral, saisi ladite Cour aux fins d’infirmation de l’Ordonnance n° 006 du 1er octobre 2002 ; qu’avant que la juridiction d’appel saisie ne rendre son arrêt, une autre sentence arbitrale rendue le 18 mars 2003 a déclaré annuler la sentence du 17 avril 2002 ayant donné lieu aux différents actes de procédure ; qu’enfin, le 14 mars 2007, la juridiction d’appel saisie le 20 novembre 2002 a rendu l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la violation de l’article 29 du Règlement de Procédure de la Cour
Attendu que CHEVRON TEXACO CAMEROUN anciennement SHELL CAMEROUN, défenderesse au pourvoi, soutient que le recours exercé par APC est irrecevable en ce que contrairement à l’article 29 du Règlement de Procédure, qui dispose que « le recours est signifié à toutes les parties à la procédure devant la juridiction nationale ... », APC a déposé son recours contre TEXACO CAMEROUN SA, CHEVRON TEXACO AFRICA HOLDINGS L1MITED et CHEVRON MIDDLE EAST HOLDINGS LIMITED, parties étrangères à la procédure devant la Cour d’Appel du Littoral à Douala, laquelle a abouti à l’Arrêt n° 063/REF du 14 mars 2007 querellé ; que ce faisant, la société APC a manifestement violé le texte visé au moyen et qu’il y a lieu de déclarer irrecevable son pourvoi ;
Mais, attendu que si les autres sociétés nées de la dissolution de SHELL CAMEROUN SA peuvent être considérées comme étrangères à la procédure devant les juridictions nationales camerounaises, tel n’est pas le cas de CHEVRON TEXACO CAMEROUN, partie à la procédure devant lesdites juridictions nationales et défenderesse dans le présent pourvoi ; qu’il suit que la fin de non-recevoir tirée de la violation du texte visé au moyen n’est pas fondée et qu’il échet de déclarer recevable le présent pourvoi ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la violation des dispositions de l’article 28, alinéa 4 du Règlement de Procédure de la Cour, ensemble les articles 97, 98, 908, 910 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
Attendu que CHEVRON TEXACO SA soutient, d’une part, que la société APC n’a pas procédé à la mise en harmonie de ses statuts du 22 avril 1996, comme l’exigent les
articles 908 et 910 de l’Acte uniforme susvisé, et d’autre part, la société APC n’est pas à ce jour immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier, la demande de registre de commerce devant le Tribunal de Première Instance de Douala qu’elle a produite au dossier datant du 14 mai 1996, et qu’en conséquence, elle est dépourvue de personnalité juridique et donc incapable d’ester en justice ;
Mais, attendu que s’agissant de la non mise en harmonie des statuts d’APC avec l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, il y a lieu de rappeler que l’unique sanction prévue par les textes visés ci-dessus est de réputer non écrites les clauses statutaires contraires aux dispositions de l’Acte uniforme précité ; que pour ce qui est de l’incapacité prétendue d’APC à ester en justice, il importe de souligner qu’aux termes de l’article 104 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, « à partir de la signature des statuts, les dirigeants sociaux se substituent aux fondateurs. Ils agissent au nom de la société constituée et non encore immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier.
Leurs pouvoirs et leurs obligations sont fixés conformément aux dispositions du présent Acte uniforme et le cas échéant, par les statuts » ; que l’article 14, alinéa 2 des statuts d’APC produits au dossier de la présente procédure disposent que « le gérant unique ou les gérants agissent ensemble ou séparément s’ils sont plusieurs, jouissent vis-à-vis des tiers des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société, agir en son nom en toutes circonstances sans avoir à justifier des pouvoirs spéciaux et accomplir tous actes relatifs à l’objet de la société par tous les moyens et voies de droit » ; qu’en outre, APC a produit au dossier un extrait des minutes du Greffe du Tribunal de Commerce de Douala contesté par la défenderesse mais faisant foi jusqu’à inscription de faux et qui mentionne le nombre 016024 comme numéro d’immatriculation de la société AFRICAN PETROLEUM CONSULTANTS au registre de commerce ; qu’il suit, au regard de tout ce qui précède, que cette fin de non-recevoir n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur la fin de non-recevoir du premier moyen
Attendu que CHEVRON TEXACO CAMEROUN anciennement SHELL CAMEROUN, défenderesse au pourvoi, soutient que le premier moyen de cassation invoqué par APC et pris de la violation de l’article 49 de l’Acte uniforme précité est irrecevable, aux motifs que la recevabilité de l’appel interjeté par la société SHELL CAMEROUN a été tranchée par l’Arrêt N° 131/DE du 28 février 2003 de la Cour d’Appel du Littoral à Douala et que l’Arrêt n° 063/REF du 14 mars 2007, dont pourvoi, a simplement constaté que cette question a été précédemment réglée par ledit Arrêt 131IDE précité ; que le présent recours en cassation de la société APC étant dirigé exclusivement contre l’Arrêt n° 063/REF du 14 mars 2007 et non contre l’Arrêt n° 131/DE du 28 février 2003 devenu définitif, il y a lieu de constater la recevabilité de l’appel interjeté par SHELL CAMEROUN ;
Mais, attendu que contrairement à ce que soutient la défenderesse au pourvoi, l’Arrêt n° 131/DE rendu le 28 février 2003 par la juridiction présidentielle de la Cour d’Appel du Littoral en matière de défenses à exécution, conformément aux dispositions des articles 22 de l’Ordonnance n° 072/4 du 26 août 1972 et 4 de la Loi n° 92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice et son modificatif n’a pas eu à statuer sur la recevabilité de l’appel interjeté contre l’Ordonnance n° 006 rendue le 1er octobre 2002 par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ; que ladite juridiction a clairement indiqué dans le dispositif dudit Arrêt 131/DE, que « statuant publiquement, contradictoirement en matière de défenses à exécution, en appel et en dernier ressort ;
- Reçoit la requête ;
- Ordonne les défenses à exécution ;
- Condamne la partie adverse aux dépens. » ; qu’en effet, saisie par une requête aux fins de défenses à exécution, conformément aux textes camerounais précités, la juridiction saisie n’avait pas à se prononcer sur l’appel relevé contre l’Ordonnance n° 006 du 1er octobre 2002 et ne pouvait le faire car ressortissant à la compétence de la Cour d’Appel dans sa formation collégiale ; qu’ainsi, la Cour d’Appel du Littoral, dans son Arrêt n° 063/REF du 14 mars 2007, a dû statuer sur la question de la recevabilité de l’appel dont s’agit, en déclarant celui-ci recevable en la forme dans le dispositif dudit arrêt n° 063/REF, après avoir considéré, dans les motifs de l’arrêt, que « l’action enclenchée devant le juge du contentieux de l’exécution relève plutôt d’une contestation de saisie-attribution de créances au sens de l’article 169 de l’Acte uniforme OHADA n° 6 portant recouvrement et non pas d’une difficulté d’exécution de l’article 49 du même texte ; que si cet article 49 impartit un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision pour faire appel, l’article 172 à la suite de l’article 169 susvisé prescrit un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision tranchant la contestation pour faire appel ; que dans le dernier cas, il faut tenir compte de la signification de la décision entreprise et surabondamment, du contenu même de cette décision qui, en condamnant la SHELL au paiement des causes de la saisie, a subordonné cette exécution à la signification de la décision intervenue ; que dès lors, il n’y a pas d’équivoque comme tente de le démontrer l’intimée ; qu’il s’ensuit que l’appel est régulier pour avoir été fait dans les forme et délai légaux et qu’il échet en conséquence, de rappeler que cet appel est recevable » ; qu’il résulte de tout ce qui précède que, la fin de non-recevoir du premier moyen soulevée par la défenderesse au pourvoi n’est pas fondée ; qu’il échet, en conséquence, de déclarer ledit moyen recevable ;
Sur le premier moyen
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé, en ce qu’il a déclaré recevable l’appel interjeté le 20 novembre 2002 par la société SHELL CAMEROUN contre l’Ordonnance n° 006 rendue le 1er octobre 2002 par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo statuant en matière d’urgence du contentieux de l’exécution alors que, selon le moyen, à l’analyse de l’affaire depuis sa genèse, il apparaît clairement que le litige dont a été saisi le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, qui a rendu la décision contre laquelle a été saisi en appel la Cour d’Appel du Littoral n’était pas une contestation de saisie-attribution de créances, comme l’insinue la Cour d’Appel du Littoral dans sa décision, étant entendu qu’une contestation de saisie-attribution de créance ne peut, au sens de l’article 169 de l’Acte uniforme précité, être intentée exclusivement que par le débiteur saisi lui-même dans le mois suivant la dénonciation ; que dans le cas d’espèce, le débiteur saisi se trouve bien être la SONARA, comme l’attestent tant le procès-verbal de saisie-attribution de créance du 29 mai 2002 que la déclaration affirmative de la société SHELL CAMEROUN du 31 mai 2002, indiquant la somme qu’elle détient pour le compte de la SONARA ; qu’ainsi, en déclarant recevable l’appel interjeté hors délai par SHELL CAMEROUN, l’arrêt attaqué a violé l’article 49 de l’Acte uniforme précité et encourt cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à
une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou tout magistrat délégué par lui.
Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé (...) » ;
Attendu qu’il est constant comme résultant des productions que, l’Ordonnance n° 006 du 1er octobre 2002 a été rendue par le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo à la suite, d’une part, de sa saisine par SHELL CAMEROUN SA, à l’effet de le voir ordonner la discontinuation des poursuites engagées contre elle en sa qualité de tiers saisi et l’annulation du commandement qui lui était fait de procéder au reversement des fonds qu’elle avait déclarés détenir pour le compte de la SONARA entre les mains de la société TOTALFINA ELF, unique séquestre judiciaire désigné et, d’autre part, de la demande reconventionnelle d’APC tendant à la condamnation de SHELL CAMEROUN SA aux causes de la saisie-attribution de créances du 29 juin 2002 ; qu’ainsi, ladite ordonnance querellée est intervenue en matière de difficulté d’exécution d’une saisie et comme tel, l’appel interjeté contre celle-ci devait intervenir, conformément aux dispositions de l’article 49 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé, dans un délai franc de quinze (15) jours à compter de son prononcé, soit au plus tard le 17 octobre 2002 ; que cependant, ledit appel a été enregistré au greffe de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, le 20 novembre 2002, comme cela ressort de l’Attestation d’appel délivrée le 10 février 2006 par le Greffier en chef de ladite Cour d’Appel, laquelle date d’enregistrement est confirmée à la page 13 du mémoire en réponse de la CHEVRON TEXACO CAMEROUN ; qu’il suit qu’en considérant dans les motifs de son Arrêt n° 063/REF du 14 mars 2007 attaqué que, « l’action enclenchée devant le juge du contentieux de l’exécution relève plutôt, par adoption de motifs de l’Arrêt n° 131/DE du 28 février 2003 rendu en matière de défenses à exécution, d’une contestation de saisie-attribution de créances au sens de l’article 169 de l’Acte uniforme OHADA n° 6 portant recouvrement et non pas d’une difficulté d’exécution de l’article 49 du même texte ; que l’article 172 à la suite de l’article 169 susvisé prescrit un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision tranchant la contestation pour faire appel et que, dans ce dernier cas, il faut tenir compte de la signification de la décision entreprise » pour déclarer recevable l’appel dont s’agit, alors même que SHELL CAMEROUN SA n’est ni le saisi, ni le saisissant pour qu’il s’agisse de contestation de saisie-attribution de créance, la Cour d’Appel du Littoral à Douala a violé l’article 49 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt de ce chef sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, ni d’évoquer, plus rien ne restant à juger ;
Attendu que CHEVRON TEXACO CAMEROUN S.A. anciennement SHELL CAMEROUN ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- Casse l’Arrêt n° 063/REF rendu le 14 mars 2007 par la Cour d’Appel du Littoral à Douala (Cameroun) ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu à évocation, plus rien ne restant à juger ;
- Condamne CHEVRON TEXACO CAMEROUN S.A. anciennement SHELL CAMEROUN aux dépens.
Président : Jacques M’BOSSO.
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