La fin de non recevoir soulevée par la défenderesse au pourvoi n’est pas fondée et doit être rejetée, dès lors que le dossier objet du pourvoi à la CCJA a été transmis sur le fondement de l’article 15 du Traité constitutif de l’OHADA.
C’est à bon droit que la Cour d’Appel a confirmé la décision d’incompétence de la juridiction de première instance, dès lors que la clause contenue dans les statuts de la société entre bien dans le champ d’application de l’arbitrage, et qu’en présence d’une telle clause, le juge étatique doit se déclarer incompétent, l’une des parties l’ayant demandé. ARTICLE 15 TRAITE OHADA Cour commune de justice et d’arbitrage, 2ème chambre, arrêt n° 35 du 03 juin 2010, Affaire : G c/ Banque de l’Afrique Occidentale dite BAO. SA. Le Juris Ohada n° 4/2010 octobre- novembre-décembre, p. 9
1/- Sur le renvoi, en date du 03 juin 2008, en application de l’article 15 du Traité institutif de l’OHADA, devant la Cour de céans de l’affaire G contre la Banque d’Afrique Occidentale dite BAO SA, par Arrêt du 29 mai 2008 de la Cour Suprême de Guinée Bissau, saisie d’un pourvoi formé le 24 mars 2008 par Monsieur G, Administrateur de la BAO SA, ayant pour Conseil Maître VAMAIN Carlos, Avocat au Barreau de Guinée-Bissau, demeurant à la rue Vitorino Costa, dans la cause opposant celui-ci à la Banque de l’Afrique Occidentale dite BAO SA, société anonyme dont le siège social est sis au n°18 et 18 A, rue Guerra Mendes, à BISSAU (GUINEE-BISSAU), ayant pour Conseils Maîtres PINTO PEREIRA Carlos et Associés, Avocats à la Cour,
en cassation de l’Arrêt n°09 du 18 mars 2008 de la Cour Suprême de Guinée Bissau statuant comme Cour d’appel et dont le dispositif est le suivant :
« Rejette le recours en appel et en conséquence, confirme la décision objet du recours ;
Condamne le requérant aux dépens » ;
2/- Sur le pourvoi formé et enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°040/2008/PC du 26 mai 2008 par Maître VAMAIN Carlos, Avocat au Barreau de Guinée Bissau, demeurant à la rue Vitorino Costa à Bissau, au nom et pour le compte de Monsieur G, Administrateur de la BAO SA, dans la cause opposant ce dernier à la BAO SA ;
en cassation du même Arrêt n°09 du 18 mars 2008 de la Cour Suprême de Guinée Bissau statuant comme Cour d’appel tel que mentionné ci-dessus ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que l’affaire, objet du renvoi devant la Cour de céans et du pourvoi devant la même juridiction est la même puisque concernant les mêmes parties et ayant le même objet : la cassation de l’Arrêt n°09/2008 de la Cour Suprême de Guinée Bissau du 18 mars 2008 statuant comme Cour d’appel ; qu’il convient par conséquent de joindre les deux dossiers pour être statué par une seule et même décision ;
Attendu que pour régler les problèmes de gestion survenus entre Monsieur G, membre du Conseil d’administration de la Banque de l’Afrique Occidentale dite BAO SA et les autres actionnaires, ces derniers ont, suite à une assemblée générale tenue le 26 février 2005, révoqué Monsieur G de ses fonctions ; que saisi par ce dernier, le juge des référés a, par Ordonnance rendue le 22 juillet 2005 sur le dossier n°66/05, suspendu la décision de l’Assemblée générale ayant révoqué Monsieur Carlos G sans rétablir celui-ci dans ses fonctions ; que l’intéressé a introduit une action en nullité de la décision de sa révocation par l’Assemblée générale du 26 février 2005 devant le Tribunal de première instance de Bissau sur le fondement d’une constitution irrégulière de ladite Assemblée générale qui a pris la décision contestée ; que cette juridiction a, par jugement rendu le 28 janvier 2007 sur le dossier n°226/05, décliné sa compétence en application de la clause compromissoire prévue à l’article 30 des statuts de la BAO SA ; que Monsieur G a interjeté appel contre ce jugement qui a été confirmé par Arrêt n°09/2008 rendu le 18 mars 2008 de la Cour Suprême de Guinée Bissau, statuant comme juridiction d’appel ; que non satisfait de la décision sur appel, l’intéressé s’est pourvu en cassation contre la décision de ladite juridiction devant la Cour Suprême de Guinée Bissau qui, à son tour, a renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans ;
Attendu que la BAO SA défenderesse au pourvoi, dans son mémoire en date du 29 décembre 2008, soulève l’irrecevabilité du pourvoi en application de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour de céans ; qu’elle fait valoir que la décision querellée a été signifiée le 20 mars 2008 alors que le recours n’a été présenté au greffe de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage que le 03 juin 2008, soit deux mois après la date de signification de l’arrêt querellé ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 15 du Traité institutif de l’OHADA, « les pourvois en cassation prévus à l’article 4 sont portés devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, soit directement par l’une des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes » ; que c’est donc en application de cette disposition que la Cour Suprême de Guinée-Bissau a transmis le dossier objet du pourvoi à la Cour de céans où il a été reçu et enregistré au greffe sous le n°043/2008/PC du 3 juin 2008 ; qu’il s’ensuit que la fin de non recevoir soulevée par la défenderesse au pourvoi n’est pas fondée et doit être rejetée.
Sur les deux moyens réunis
Attendu que le pourvoi reproche à la décision attaquée d’une part, de n’avoir pas déclaré nulle, en application de l’article 428 de l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique, la délibération de l’Assemblée générale irrégulièrement convoquée le 26 février 2005 par le Conseil d’Administration et qui a révoqué le requérant de son poste d’Administrateur ; d’autre part, selon le moyen, aux termes des
dispositions des articles 164 et 170 de l’Acte uniforme susvisé, « le Tribunal compétent est celui dans le ressort duquel est situé le siège de la société ; qu’en l’espèce, le recours à l’arbitrage est exclu puisque la nullité dont il s’agit est d’ordre public ; « qu’en effet, en vertu de l’article 2.1 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage, seuls les droits dont les parties ont la libre disposition sont soumis à l’arbitrage » ; qu’en conclusion, le demandeur au pourvoi plaide pour la cassation, conséquemment à ce qui précède, de la décision attaquée qui, selon lui, a violé les articles 161, 162, 163, 164, 165, 169 et 170 de l’Acte uniforme susvisé ;
Vu les articles 21 et 23 du Traité institutif de l’OHADA ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 21 du Traité institutif de l’OHADA, « en application d’une clause compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat, soit que l’une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un des Etats Parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou partie sur le territoire d’un ou plusieurs Etats Parties, peut soumettre un différend d’ordre contractuel à la procédure d’arbitrage prévue par le présent titre… » ; que l’article 23 dispose : « tout Tribunal d’un Etat Partie saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage se déclarera incompétent si l’une des parties le demande et renverra, le cas échéant, à la procédure d’arbitrage prévue au présent Traité » ;
Attendu en l’espèce, que l’article 30 des statuts de la BAO SA stipule que « pour tous les litiges qui opposent la société aux actionnaires, leurs héritiers ou représentants résultant de ces statuts, le recours est soumis à l’arbitrage de la Chambre Commerciale Internationale » ; qu’ainsi la clause contenue dans l’article 30 des statuts de la BAO SA entre bien, conformément aux articles 21 et 23 du Traité susvisés, dans le champ d’application de l’arbitrage, contrairement aux allégations du requérant ; que dès lors, en présence d’une clause compromissoire, le juge étatique devait se déclarer incompétent, l’une des parties l’ayant demandé ; que c’est donc à bon droit que la Cour d’appel a confirmé la décision d’incompétence de la juridiction de première instance ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et qu’il doit être rejeté ;
Attendu que Monsieur G ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Ordonne la jonction des procédures n°040/2008/PC et n°043/2008/PC des 26 mai 2008 et 03 juin 2008 ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse au pourvoi ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne le requérant aux dépens.
PRESIDENT: M. Antoine Joachim OLIVEIRA