La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) , Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 25 mars 2010, où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur Biquezil NAMBAK, Juge
Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 14 décembre 2006 sous le n° 101/2006/PC et formé par Maître Mounir Houssein MOHAMED, Avocat à la Cour, quartier Sandervalia, 6ème Avenue, Immeuble MIRNA, 4ème étage, commune de Kaloum, BP 4215 Conakry (République de Guinée), agissant au nom et pour le compte de la SOCIETE GENERALE France, société anonyme dont le siège social est sis au 29, Boulevard Haussmann, 75009 Paris, représentée par Monsieur Pierre MATHE, Directeur de la gestion privée, domicilié en cette qualité audit siège,
en cassation de l’Arrêt n° 053 rendu le 21 septembre 2006 par la Cour d’Appel de Conakry, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’exequatur, en la forme des référés en dernier ressort et sur requête ;
En la forme :
- Reçoit la requête ;
Au fond :
- Juge et dit que la demande d’exequatur ne remplit pas les conditions prévues par l’article 585 du Code de procédure civile, économique et administrative ;
En conséquence,
- Déboute la SOCIETE GENERALE de Paris de sa demande d’exequatur ; - Met les frais et dépens à sa charge. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI :
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, par Jugement réputé contradictoire n° 05/04480 du 17 octobre 2005, la 9ème Chambre, 1ère section du Tribunal de Grande Instance de Paris, a condamné El Hadj Boubacar HANN à payer à la SOCIETE GENERALE France, la somme de 1.069.664,93 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 29 septembre 2004, ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du Code civil, condamné El Hadj Boubacar HANN à payer à la SOCIETE GENERALE France, la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire et enfin, condamné El Hadj Boubacar HANN aux dépens ; que cette décision, assortie de la formule exécutoire, a été notifiée à El Hadj Boubacar HANN, par parquet diplomatique, par exploit en date du 02 novembre 2005 ; que le 29 novembre 2005, El Hadj Boubacar HANN a interjeté appel du jugement sus indiqué et a déposé ses conclusions d’appel le 28 mars 2006 ; que par requête en date du 30 août 2006, la SOCIETE GENERALE France a saisi le Premier Président de la Cour d’Appel de Conakry, aux fins d’exequatur du jugement sus indiqué ; que la SOCIETE GENERALE France, autorisée à assigner El Hadj Boubacar HANN à l’audience de référé du 07 septembre 2006, l’a fait par exploit en date du 04 septembre 2006 ; que cette saisine de la Cour d’Appel de Conakry a été sanctionnée par l’Arrêt n° 053 en date du 21 septembre 2006 dont pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité institutif de l’OHADA ;
Attendu que Monsieur El Hadj Boubacar HANN, défendeur au pourvoi, soulève in limine litis, dans son « mémoire en défense » reçu à la Cour de céans le 15 mai 2007, l’incompétence de la Cour de céans, sur le fondement de l’article 10 du Traité OHADA et de l’inapplicabilité des articles 31, 32, 33 et 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que s’agissant de l’article 10 du Traité,
El Hadj Boubacar HANN soutient que, la demande d’exequatur d’une décision étrangère est régie par le Code de procédure civile, économique et administrative de la République de Guinée, en ses articles 585, 586, 587, 588 et 589, lesquels ne sauraient disparaître et faire place aux Actes uniformes que, si le législateur OHADA a lui-même pris soin de légiférer en la matière ; que l’exequatur d’une décision étrangère n’en fait pas partie ainsi qu’il ressort de l’article 33 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution, lequel dispose expressément que pour valoir titre exécutoire, le jugement étranger doit faire l’objet d’un exequatur dans l’Etat où son exécution est invoquée ; que c’est cette procédure qui a été envisagée par la SOCIETE GENERALE France et qui a abouti à l’arrêt, objet du présent pourvoi en cassation devant la CCJA et que seul le droit guinéen est applicable en l’espèce et pour preuve, dans sa demande d’exequatur du 30 août 2006, la demanderesse au pourvoi avait bien demandé au Premier Président de la Cour d’Appel de Conakry, de se référer aux articles 585 et 588 du Code de procédure civile, économique et administrative guinéen ; que s’agissant des articles 31, 32, 33 et 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ils concordent à dire que, tout créancier qui justifie d’un titre exécutoire peut poursuivre l’exécution du jugement et dans cette logique, il est dévolu à l’Acte uniforme, la réglementation de toute difficulté d’exécution ; que dans le cas d’espèce, il y avait un préalable, à savoir l’exequatur et cela, en raison du fait qu’il s’agit d’un jugement étranger ; que certes, le Jugement n° 05/04480 du 17 octobre 2005 contient bel et bien une exécution provisoire, mais pour être élevé au rang d’un titre exécutoire, il faut qu’il ait été déclaré exécutoire par le mécanisme de l’exequatur, l’article 33 de l’Acte uniforme indiquant clairement qu’une décision juridictionnelle rendue à l’étranger ne peut être exécutoire que, si elle a été déclarée ainsi à l’issue d’une procédure d’exequatur dans l’Etat où le jugement étranger est invoqué ; que la logique implacable qui en découle voudrait alors qu’on n’applique pas les textes susvisés, étant entendu que le préalable qu’est l’exequatur n’est pas obtenu par la demanderesse au pourvoi ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux. » ;
Attendu, en l’espèce qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que, l’Arrêt n° 053 du 21 septembre 2006 objet du présent pourvoi, ne s’est fondé sur aucun Acte uniforme ou Règlement prévu au Traité institutif de l’OHADA ; qu’en effet, aucun grief ni moyen tiré de l’application ou de l’interprétation d’un Acte uniforme ou Règlement prévu au Traité de l’OHADA n’a été invoqué devant la Cour d’Appel de Conakry par l’une ou l’autre des parties ; qu’au contraire, les débats ont porté sur les dispositions des articles 585 à 588 du Code guinéen de procédure civile, économique et administrative relatives à l’exécution des jugements rendus par les tribunaux étrangers ; que 1’évocation par la requérante, des articles 10 du Traité institutif de l’OHADA, 31, 32, 33 et 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dans l’argumentaire accompagnant l’exposé de ses moyens de cassation ne saurait changer ni le sens, ni la motivation de l’arrêt attaqué, lequel a dit que la demande d’exequatur de la SOCIETE GENERALE France ne remplit pas les conditions prévues à l’article 585 du Code guinéen de procédure civile économique et administrative et en conséquence, a débouté ladite SOCIETE GENERALE de sa demande d’exequatur ; qu’il s’ensuit que les conditions de compétence de la Cour de céans, telles que précisées par
l’article 14 sus énoncé du Traité susvisé, ne sont pas réunies ; qu’il échet, en conséquence, de se déclarer incompétent ;
Attendu que la SOCIETE GENERALE France ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Se déclare incompétente ;
- Condamne la SOCIETE GENERALE France aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier __________