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18/02/2010 | OHADA | N°009

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 18 février 2010, 009


Le moyen du pourvoi doit être déclaré irrecevable, dès lors que le moyen n’a pas été formulé devant le Tribunal de grande instance et l’est pour la première fois devant la CCJA.
Les dispositions de l’article 89 alinéa 3 AUPCAP ne s’appliquant que dans l’hypothèse où la juridiction compétente n’est pas en mesure de rendre une décision sur le fond avant la clôture de la procédure, le jugement n’a pas violé ledit texte et il y a lieu de rejeter le moyen, dès lors que le jugement critiqué s’est prononcé sur le fond de la créance de la requérante dont il a

déclaré l’existence incertaine. ARTICLE 89 AUPCAP Cour commune de justice et d’arbitrag...

Le moyen du pourvoi doit être déclaré irrecevable, dès lors que le moyen n’a pas été formulé devant le Tribunal de grande instance et l’est pour la première fois devant la CCJA.
Les dispositions de l’article 89 alinéa 3 AUPCAP ne s’appliquant que dans l’hypothèse où la juridiction compétente n’est pas en mesure de rendre une décision sur le fond avant la clôture de la procédure, le jugement n’a pas violé ledit texte et il y a lieu de rejeter le moyen, dès lors que le jugement critiqué s’est prononcé sur le fond de la créance de la requérante dont il a déclaré l’existence incertaine. ARTICLE 89 AUPCAP Cour commune de justice et d’arbitrage, 2ème CHAMBRE, ARRET N° 009 DU 18 FEVRIER 2010, Affaire : STANDARD CHARTERED BANK CAMEROON SA C/ SOCIETE INDUSTRIELLE DES TRAITEMENTS DE PRODUITS ET INTRANTS AGRICOLES DITE SITAGRI EN LIQUIDATION. Le Juris ohada n° 2/2010, avril-mai-juin 2010, p. 24
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 décembre 2004 sous le n°118/2004/PC et formé par la SCPA NGALLE-MIANO, BEKIMA-NJAM et EKANE, sise à la Rue Tobbie Kuoh, 3è étage, porte 313, immeuble Zenith II, B.P. 2771 Douala, République du Cameroun, au nom et pour le compte de la Standard Chartered Bank SA dont le siège se trouve à Douala, République du Cameroun, Boulevard de la Liberté, B.P. 1784, dans la cause opposant cette dernière à la Société Industrielle de Traitement des Produits et Intrants agricoles, société anonyme en liquidation, en abrégé « SITAGRI en liquidation », dont le siège a été transféré à Nkongsamba, République du Cameroun,
en cassation du Jugement n°49/CIV rendu le 17 juillet 2003 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier et [dernier] ressort :
En la forme :
Le Tribunal de céans maintient sa compétence dans la cause ;
Au fond :
Déclare la créance de la Standard Chartered Bank Cameroon SA incertaine dans son existence ;
Confirme par conséquent l’ordonnance querellée dans toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre prétention du Conseil de la Standard Chartered Bank comme mal fondée ;
Met les dépens liquidés quant à présent à la somme de ….. à la charge de la Standard Chartered Bank Cameroon SA » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la Standard Chartered Bank Cameroon et la SITRAGRI SA ont entretenu des relations d’affaires depuis 1988 ; que ces relations ont porté sur des opérations financières relatives au financement de produits agricoles, en l’occurrence le cacao et le café ; que dans ce cadre, il est apparu entre les deux partenaires des divergences d’appréciation des conditions de banque, notamment les frais financiers qui ont été imputés à la SITAGRI ; que jusqu’au dépôt de bilan de la SITAGRI en 2001, celle-ci a contesté le solde à lui réclamé pour son compte ouvert dans les livres de la Standard Chartered Bank Cameroon SA ; que malgré de nombreuses rencontres effectuées entre la Banque et son client, la Banque a réclamé à la SITAGRI la somme de 873.395.097 francs CFA ; que de son côté, la SITAGRI a déclaré avoir été victime de décomptes erronés des taux de commissions et d’intérêts ; qu’elle réclame à son tour la somme de 69.419.941 francs CFA à la banque pour solde de tout compte ; que l’inadéquation entre les deux réclamations a conduit le juge-commissaire de la liquidation SITAGRI à désigner des experts ayant pour mandat de clarifier la situation financière entre les deux partenaires ; que par Ordonnance n°77/2001-2002 du 14/10/2002 Messieurs M, expert comptable, et N, expert financier et R, expert comptable ont été désignés, avec pour mission d’arrêter les comptes entre la Banque et la SITAGRI à la date de mise en liquidation de cette dernière ; que les rapports d’expertise se sont révélés contradictoires, chacun d’eux exprimant son opinion personnelle, ce qui a poussé la Banque à faire opposition à l’ordonnance susvisée et a saisir le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba qui a rendu le Jugement n°49/Civ du 17 juillet 2003 objet du présent pourvoi ;
Attendu qu’après plusieurs tentatives demeurées infructueuses, le Greffier en chef de la Cour de céans a signifié le recours par courrier du 27 juillet 2002 à la liquidation SITAGRI ; que ladite notification a été faite à Monsieur M, un des responsables de la société, mais est cependant demeurée sans suite ; que le dossier étant en état, il convient de passer outre cette défection et de statuer ;
Sur le premier moyen
Attendu que le pourvoi fait grief au jugement attaqué d’avoir violé l’article 86 alinéa 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en ce qu’il « confirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions » sans avoir au préalable vérifié que ladite ordonnance n°136/2002-2003 du 18 juin 2003 a été rendue conformément aux dispositions du texte visé au moyen ; que selon la requérante, le juge commissaire a rendu son ordonnance en sa défaveur sans l’avoir ni dûment appelé, ni dûment entendu comme l’exige l’article 86 de l’Acte uniforme précité ; que toujours selon le moyen, en statuant par adoption des motifs viciés du juge-commissaire, le jugement attaqué a emprunté le vice entachant la décision et encourt cassation pour violation d’une formalité d’ordre public ;
Mais attendu que ce moyen relatif à l’inobservation des formalités de l’article 86 alinéa 4 susvisé n’a pas été formulé devant le Tribunal de grande instance du Moungo à
Nkongsamba et l’est pour la première fois devant la Cour de céans ; qu’il convient de le déclarer irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, en sa première branche
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir dénaturé les conclusions des experts en ce que ledit jugement a confirmé l’ordonnance du juge-commissaire aux termes de laquelle « la créance est rejetée comme non fondée ; elle n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible ; avis dominant de deux experts sur trois » ; que selon le moyen, contrairement aux énonciations de l’Ordonnance n°136/2002-2003 du 18 juin 2003, deux experts sur trois ont conclu à l’existence et à la certitude de la créance de la Standart Chartered Bank Cameroon SA ; que toujours selon la requérante, alors que l’expert N conclut à un solde de 252.054.502 F CFA en sa faveur, l’expert R dégage un solde comptable provisoire de 596.752.000 F CFA à son profit ; qu’elle relève que quand bien même il y aurait divergences sur les montants retenus par les deux experts, il n’en demeure pas moins que ces deux experts ont établi l’existence de ladite créance et non le contraire ; que pour la demanderesse au pourvoi, l’interprétation ainsi retenue par le juge dénature les conclusions des deux experts et le jugement attaqué encourt de ce fait cassation ;
Mais attendu que le jugement querellé a relevé que les experts susnommés ont admis l’impossibilité d’auditer les comptes courants des deux entreprises, faute de documents, et n’ont fait que des analyses et commentaires et donné des orientations et une base de discussion pour le règlement du différend ; qu’en outre, le jugement mentionne que « tout leur travail accuse le défaut de documents, ce qui le rend approximatif, d’où des divergences dans leurs conclusions respectives pour ce qui est du montant réel dû » ; qu’il est de principe que le rapport d’expertise ne lie pas le juge qui en fait une appréciation souveraine par rapport aux faits de la cause ; qu’en l’espèce, non seulement le juge du Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba a estimé que devant l’impossibilité matérielle d’un audit des comptes réciproques, les experts n’avaient pas à tirer des chiffres des analyses dubitatives, mais aussi et surtout que les conclusions des deux experts n’établissent pas un même montant, l’expert N concluant à un solde provisoire de 252.054.502 F CFA en faveur de la Standard Chartered Bank SA, alors que l’expert R dégageait un solde comptable provisoire de 592.752.000 FCFA ; qu’en conséquence, le jugement du Tribunal de grande instance du Moungo à NKongsamba ne dénature en rien les rapports dont il est en droit d’apprécier souverainement les conclusions ; qu’il convient donc de rejeter cette première branche du moyen parce qu’elle n’est pas fondée ;
Sur la deuxième branche
Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué d’avoir statué par contradiction des motifs en ce que d’une part, la motivation selon laquelle « deux experts ont estimé que la Standard Chartered Bank Cameroon SA créancière de la SITAGRI SA » est manifestement contraire à la motivation du juge-commissaire ayant plutôt prétendu que « la Standard Chartered Bank Cameroon SA n’était pas créancière de la SITAGRI SA de l’avis dominant de deux experts sur trois » ; que selon le moyen, il y a ainsi contradiction entre les motifs du jugement confirmatif par adoption des motifs et ceux de l’ordonnance confirmée ; que d’autre part, le Tribunal ne pouvait pas à la fois reconnaître que « deux experts ont estimé la Standard Chartered Bank Cameroon créancière de la SITAGRA » pour ensuite conclure à l’inexistence de ladite créance ; que pour la requérante, il y a contradiction entre les motifs affirmant et niant en même temps sa créance et que ce jugement mérite de ce fait cassation ;
Mais attendu que la contradiction des motifs ne peut concerner que ceux de la décision attaquée et non entre les motifs de celui-ci et ceux du juge commissaire ; qu’il s’ensuit que le moyen est inopérant et ne peut être accueilli ;
Sur la troisième branche
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir commis un excès de pouvoir en ce que, selon le moyen, pour rendre ladite décision, le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba s’est appuyé sur un rapport d’audit de la Financial Diagnosis SARL qui n’a pas été régulièrement acquis aux débats ni contradictoirement débattu ; que selon la requérante, il ressort de ses recherches que le prétendu audit fiable que le jugement dit avoir été défendu à l’audience par Maître Eteme Tsala François, Avocat au Barreau du Cameroun, n’a en réalité été débattu qu’entre Maître Eteme, Conseil du Cabinet Financial Diagnosis et l’Avocat de la liquidation Ex SITAGRI SA, dans le cadre d’un autre procès auquel la Standard Chartered Bank Cameroon n’était pas partie ; que toujours selon le moyen, en statuant comme il l’a fait, le Tribunal de grande instance de Nkongsamba a commis un excès de pouvoir et expose ladite décision à la cassation ;
Mais attendu que contrairement aux allégations de la requérante, le jugement critiqué ne s’est pas seulement appuyé sur les données du rapport de la Financial Diagnosis SARL, mais aussi sur les autres rapports d’expertise pour conclure à l’incertitude de la créance ; que par conséquent, le jugement attaqué n’a commis aucun excès de pouvoir dès lors que les données de la Financial Diagnosis SARL évoquées ne constituent pas l’unique fondement de la décision ; qu’il s’ensuit que cette branche du moyen doit également être rejetée, parce qu’elle n’est pas fondée ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est reproché au Tribunal d’avoir violé, par refus d’application, l’article 89 alinéa 3 de l’Acte uniforme précité ; que la requérante estime que la juridiction concernée, qui ne pouvait statuer au fond dès lors qu’elle estimait ne pas avoir en sa possession des éléments techniques d’appréciation de sa créance, avait l’obligation d’admettre celle-ci à titre provisoire dans l’attente du rapport, d’une contre-expertise ou d’une nouvelle expertise ; « que ne l’ayant pas fait, le jugement attaqué a violé par refus d’application de l’article 89 alinéa 3 visé au moyen et mérite de ce fait cassation » ;
Mais attendu que les dispositions de l’article 89 alinéa 3 visées au moyen selon lesquelles « si la juridiction compétente ne peut statuer, au fond, sur les réclamations avant la clôture de la procédure collective, le créancier ou le revendiquant est admis à titre provisoire » ne s’appliquent que dans l’hypothèse où la juridiction compétente n’est pas en mesure de rendre une décision sur le fond avant la clôture de la procédure ; qu’en l’espèce, le jugement critiqué s’est prononcé sur le fond de la créance de la requérante dont il a déclaré l’existence incertaine suite à l’appréciation des pièces produites au dossier ; que dans ces conditions, il ne peut être reproché audit jugement d’avoir violé le texte visé au moyen ; qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen parcequ’il n’est pas davantage fondé ;
Attendu que la requérante ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par la Standard Chartered Bank Cameroon SA contre le Jugement n°49/CIV rendu le 17 juillet 2003 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba ;
Condamne la requérante aux dépens.
PRESIDENT : Antoine Joachim OLIVEIRA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 009
Date de la décision : 18/02/2010

Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2010-02-18;009 ?
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