RECOUVREMENT DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – JUGEMENT RENDU SUR OPPOSITION – JUGEMENT SE SUBSTITUANT A L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER (OUI) – APPEL – JUGE D’APPEL REDONNANT VIE A L’ORDONNANCE – VIOLATION DE L’ARTICLE 14 AUPSRVE – CASSATION.
RECOUVREMENT DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – OPPOSITION PORTEE A LA CONNAISSANCE DU DEFENDEUR (NON) – VIOLATION DE L’ARTICLE 11 AUPSRVE – DECHEANCE (OUI).
En infirmant le jugement rendu sur opposition et en disant que l’ordonnance d’injonction de payer produira son entier effet, le juge d’appel a violé l’article 14 de l’AUPSRVE, dès lors que le jugement qui lui était déféré s’était déjà substitué à ladite ordonnance. Par conséquent l’arrêt encourt la cassation.
En déclarant recevable l’opposition faite en violation des dispositions de l’article 11 de l’AUPSRVE, le tribunal a violé ledit article. Par conséquent, il échet d’infirmer le jugement et de déclarer le demandeur déchu de son opposition.
Il en est ainsi lorsque l’opposante ne justifie pas ce qu’elle a fait pour porter à la connaissance de l’autre partie au procès son opposition. ARTICLE 11 AUPSRVE ARTICLE 14 AUPSRVE Cour commune de justice et d’arbitrage, 1ère CHAMBRE, ARRET N° 005 DU 04 FEVRIER 2010, Affaire : BANQUE INTERNATIONALE DU CAMEROUN POUR L’EPARGNE ET LE CREDIT dite BICEC C/ M. Y. Le Juris Ohada n° 2/2010, avril-mai-juin 2010, p. 12.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 14 juillet 2005 sous le n° 032/2005/PC et formé par le Cabinet NYEMB, Avocats au Barreau du Cameroun à Douala, BP 4163, sis au n° 227, Rue de l’hôtel de ville, Bonanjo-Douala, agissant au nom et pour le compte de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit dite BICEC, au capital de 3.000.000.000 FCFA, dont le siège social est à Douala BP 1925, Avenue du Général De Gaulle, dans une cause l’opposant à Monsieur Y, demeurant à Douala, ayant pour conseil Maître Zacharie FANDIO, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 12246 Yaoundé, immeuble WANDJI NKUIMY,
en cassation de l’Arrêt n°159/CC rendu le 24 septembre 2004 par la Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel du Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en dernier ressort, en collégialité et à l’unanimité ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel interjeté ;
AU FOND
Annule le jugement entrepris pour manque de base légale ;
Evoquant et statuant à nouveau ;
Dit que l’ordonnance d’injonction de payer n° 92/01-02 du 17 janvier 2002 produira son entier effet
Condamne la BICEC aux entiers dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que Monsieur Y avait sollicité et obtenu du Président du Tribunal de grande instance de Douala l’Ordonnance n° 92/01-02 du 17 janvier 2002 faisant injonction à la BICEC de lui payer la somme de 39.955.492 FCFA, représentant les causes de la saisie attribution des créances pratiquée entre ses mains le 09 mars 2001 au préjudice de Monsieur L; que la BICEC n’ayant formé aucune opposition contre cette décision dans le délai imparti par la loi, un certificat de non opposition avait été délivré par le Greffier en chef du Tribunal de grande instance de Douala à Monsieur YOMI en date du 18 février 2002 ; que le 01 mars 2002, Monsieur YOMI pratiquait une saisie-attribution de créances entre les mains de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) au préjudice de la BICEC ; que le 07 mars 2002, la BICEC formait opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer du 17 janvier 2002, et assignait également YOMI François en annulation du procès verbal de dénonciation de la saisie attribution ; que le 25 juin 2003, le Tribunal de grande instance de Douala, statuant sur l’opposition formée par la BICEC le 07 mars 2002, la déclarait recevable comme faite dans les forme et délai légaux et se déclarait incompétent rationne materiae ; que sur appel de Monsieur Y, la Cour d’Appel du Littoral à Douala avait rendu l’Arrêt n° 159/CC du 24 septembre 2004 dont pourvoi ;
Sur le deuxième moyen
Vu l’article 14 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 14 de l’Acte uniforme susvisé en ce que l’opposition ayant été régulièrement formée par la requérante contre l’ordonnance d’injonction de payer, le juge d’appel ne pouvait, sans violer les dispositions de l’article 14, redonner vie à ladite ordonnance à laquelle s’était d’ores et déjà substitué le jugement rendu sur opposition, au lieu de prononcer éventuellement une condamnation au paiement pour le cas où la créance en cause existerait et serait certaine et liquide ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 de l’Acte uniforme susvisé « la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer » ;
Attendu, en l’espèce, que la Cour d’Appel du Littoral à Douala, statuant sur l’appel relevé du Jugement n°623 rendu sur opposition à une ordonnance portant injonction de payer le 25 juin 2003 par le Tribunal de grande instance de Douala, a infirmé ledit jugement et « dit que l’ordonnance d’injonction de payer n° 92/01-02 du 17 janvier 2002 produira son entier effet » ; qu’en statuant ainsi alors que le jugement qui lui était déféré s’était déjà substitué à ladite ordonnance, le juge d’appel a violé l’article 14 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé ;
qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;
Sur l’évocation
Vu l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que par requête en date du 07 juillet 2003, adressée à Monsieur le Président de la Cour d’appel du Littoral et enregistrée au Greffe de ladite Cour le même jour sous le n° 973, Monsieur Y a relevé appel du Jugement n°623 rendu le 25 juin 2003 par le Tribunal de grande instance de Douala dans la cause l’opposant à la BICEC et dont le dispositif est ainsi conçu :
« - Déclare l’opposition de la BICEC recevable comme faite dans les forme et délai légaux ;
- Constate que le litige opposant les parties est résultante d’une difficulté d’exécution ;
- Se déclare incompétent rationne materiae ;
- Renvoie le défendeur à mieux se pourvoir ;
- Le condamne aux dépens » ;
Attendu que l’appelant Y reproche au jugement dont appel, d’avoir déclaré recevable l’opposition de la BICEC à l’encontre de l’Ordonnance d’injonction de payer n°92/01-02 du 17 janvier 2002, alors qu’en sa qualité de bénéficiaire de ladite décision, il n’a été signifié ni de l’opposition, ni de l’assignation instrumentée à la requête de la BICEC en violation de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que l’intimée (BICEC), pour sa part, soutient que le premier juge en déclarant recevable l’opposition formée par la concluante comme ayant été faite conformément à la loi, a implicitement mais nécessairement donné réponse à la fin de non recevoir et aux exceptions maladroitement soulevées par Monsieur Y; que l’opposition formée par la concluante avait été régulièrement signifiée tant à Monsieur Y qu’au Greffe et ce, dans le délai légal prévu à cet effet ; qu’en tout état de cause, la déchéance prévue à l’article 11 de l’Acte uniforme n°6 de l’OHADA est relative et opposable au seul opposant auquel elle peut faire grief et ne préjudicie pas au créancier ; que l’ordonnance d’injonction de payer litigieuse avait été obtenue par méprise au préjudice de la BICEC, le Président du Tribunal de grande instance de Douala étant radicalement incompétent pour connaître d’une demande consécutive à une mesure d’exécution, une telle prérogative étant exclusivement dévolue au juge de l’urgence en application des dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Attendu qu’aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé « L’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition :
-de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ;
-de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition. » ;
Attendu qu’il résulte des mentions de l’acte d’opposition avec assignation du 07 mars 2002 du ministère de Maître NGANKO Didier, Huissier de justice à Douala l’ayant instrumenté pour le compte de la BICEC que Maître TOWA Pierre, huissier de justice, à
l’Etude duquel il voulait déposer l’exploit pour être transmis à YOMI François, après avoir pris connaissance de l’acte, a refusé de le recevoir en déclarant que Y n’a pas élu domicile dans son Etude ; que la BICEC ne justifie pas ce qu’elle a fait pour porter à la connaissance de YOMI François, partie au procès, son opposition à ladite décision ; qu’en plaçant son exploit en l’état au greffe pour être enrôlé à l’audience du 21 mars 2002 à l’insu du défendeur Y, l’opposition de la BICEC a été faite en violation des dispositions de l’article 11 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé et le Tribunal de grande instance de Douala, en la déclarant recevable, a violé le texte précité ; qu’il échet en conséquence d’infirmer son Jugement n°623 rendu le 25 juin 2003 et de déclarer la BICEC déchue de son droit à faire opposition ;
Attendu que la BICEC ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°159/CC rendu le 24 septembre 2004 par la Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel du Littoral à Douala ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare la BICEC déchue de son droit à faire opposition ;
La condamne aux dépens.
PRESIDENT : M. Jacques M’BOSSO